Publié sur Voix Arabes

Rester dans un monde dépassé ou créer une économie ouverte et moderne : C’est maintenant le nouveau mot d’ordre de la Tunisie !

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Ce billet a d'abord été publié sur le site web du Huffington Post Maghreb.

Quand je suis arrivé à Tunis il y a presque un an, un de mes collègues au bureau de la Banque mondiale a essayé de m’expliquer comment les règles en vigueur avaient rendu impossible d’exporter de l’huile d’olives de haute qualité. J’avais du mal à le comprendre, car il me semblait qu’exporter des produits de haute valeur ajouté devrait constituer un objectif important pour le pays. Néanmoins, jusqu’à ce jour, le problème reste irrésolu….

Un autre problème, également difficile à comprendre pour un pays qui a urgemment besoin d’investissements pour créer des emplois, est celui du régime des autorisations sur les investissements. Ce système ressemble plus au système Soviétique (dépassé) des années 70, désastreux pour tout sens d’innovation, qu’a un système moderne de gestion économique. Heureusement, sur ce point on a eu, finalement, de bonnes nouvelles.

La publication le 11 mai 2018 du décret gouvernemental 2018-417 relatif aux activités économiques soumises à autorisation, constitue un pas significatif dans la réécriture de la relation entre l’administration et le secteur privé. Ce décret, tant attendu, innove en introduisant des simplifications et clarifications dans les relations Entrepreneur – Administration. Les 221 pages du décret répertorient dans la jungle des textes juridiques existants, la liste byzantine de toutes les activités économiques soumises ou non à autorisation, les autorités compétentes en charge des décisions et les délais maximums d’octroi des dites autorisations.

À ces éléments d’éclairage qu’apporte le décret s’ajoutent 27 autorisations supprimées et remplacées par des cahiers des charges à paraitre dans les 6 prochains mois. Enfin, en instaurant pour un bon nombre d’autorisations administratives le principe emblématique, du “silence vaut accord” et en limitant les délais de réponse de l’administration, le décret marque le souhait du gouvernement tunisien d’aller vers de nouvelles techniques de gestion publique dans la lignée du new public management ayant pour but d’améliorer la réactivité des services administratifs et leur efficacité dans la fourniture de services.

Simplifier : Pourquoi ? S’agit-il d’une impérieuse nécessité pour la Tunisie ?

Simplifier, c’est gagner en compétitivité et de l’innovation pour la Tunisie, pour les entreprises, les TPE et PME, les entrepreneurs, les indépendants, qui jusqu’à maintenant consacrent beaucoup trop de temps aux démarches administratives. Simplifier, c’est aussi gagner en attractivité et convaincre les entreprises étrangères que la Tunisie n’est plus le pays de la complexité. La perte sur les 7 dernières années de 46 places dans le classement Doing Business due notamment à un environnement des affaires morose caractérisé par des procédures lentes et une administration muette et un contexte macroéconomique difficile, rend nécessaire la réforme.

Il y a en effet urgence à changer de braquet et de méthode. Parce qu’elle est au carrefour de deux enjeux essentiels, la modernisation de l’État et la compétitivité des entreprises, la simplification est au cœur du redressement économique de la Tunisie. Simplifier, c’est bon pour la croissance. En levant les verrous qui peuvent freiner les initiatives et détériorer le climat des affaires, le Gouvernement accélérera la reprise et favorisera la création de plus d’emplois.

Simplifier : Comment obtenir des résultats réels? Quelle méthode utiliser pour piloter et mettre en œuvre ce chantier d’intérêt national ?

Le grand challenge de ce décret pèse sur l’administration Tunisienne qui se verra à partir du 1er juillet 2018, date d’entrée en application de ce décret gouvernemental, dans l’obligation d’appliquer les nouvelles règles dans son traitement des demandes d’autorisation. Ce challenge est d’autant plus grand que le processus de simplification n’est qu’à ses début et devrait se poursuivre et permettre la simplification ou la suppression de plus de 290 procédures.

Plusieurs pays ont engagé il y a quelques années le “choc des simplifications”. Plusieurs succès stories comme le Portugal, l’Allemagne, le Danemark, la Belgique peuvent servir de repère à la Tunisie.

Le Groupe de la Banque mondiale accompagne actuellement le gouvernement tunisien dans le projet de réforme de ses procédures administratives. Notre équipe s’attèle, en tirant tous les enseignements des expériences passées et récentes et en s’inspirant des bonnes pratiques observées dans les pays de par le monde, à appuyer le Gouvernement tunisien à construire une démarche durable de simplification qui puisse porter ses fruits dans les délais impartis.

À mes yeux, ce décret n’est qu’une première étape mais une étape essentielle d’un processus national important qui devrait donner naissance à une véritable “fabrique à simplifier” pour les prochaines années. Ceci fournira au pays le nouvel élan tellement désiré par les jeunes, qui aujourd’hui quittent un pays qui est perçu par eux comme un modèle d’une économie du passé.

Afin que la simplification devienne une pratique et pas un slogan, il incombera à l’administration de changer ses pratiques opérationnelles et au Gouvernement de piloter stratégiquement le processus et de doter l’administration d’outils innovants et efficaces pour atteindre les objectifs.

Si ce processus aboutit, il devrait impacter des milliers d’entreprises, résultant en des économies de coûts, davantage de transparence et une réduction de la marge discrétionnaire des administrations pour une croissance plus inclusive et saine pour la Tunisie.


Auteurs

Antonius Verheijen

Responsable pays de la Banque mondiale pour la Tunisie

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