Publié sur Voix Arabes

Donner aux Égyptiennes les moyens d’accéder à la propriété

Creating Opportunities for Egyptian Women to Own Homes Creating Opportunities for Egyptian Women to Own Homes

En Égypte, l’essor démographique et le manque de logements abordables entravent depuis longtemps l’accès à la propriété et à la location, notamment chez les ménages à faible revenu.  Des taux d’intérêt élevés et des politiques de logement inefficaces et non coordonnées ont également nui à la disponibilité de logements bon marché.

En 2014, une étude de la Banque mondiale estimait que la demande annuelle en logements neufs s’élevait à 300 000 unités. Compte tenu des retards pris, 254 000 autres unités étaient nécessaires pour résorber progressivement les besoins. Or, à cette date, le nombre total de logements construits ne dépassait pas les 200 000 unités par an. Aujourd’hui, la demande en logements s’élèverait à 700 000 unités par an.

Pour combler ce déficit, les autorités égyptiennes ont lancé un programme de logement social destiné à loger un million de ménages à faible revenu à des conditions abordables.  Depuis 2015, la Banque mondiale apporte à cette initiative un appui financier de 500 millions de dollars, dans le cadre de son programme pour le financement d’un habitat inclusif en Égypte.

Ce programme a pour objectif d’élargir l’accessibilité d’un habitat formel aux foyers défavorisés et de renforcer la capacité du Fonds pour le logement social et les crédits immobiliers à élaborer des politiques et coordonner son action. Il finance notamment le versement de subventions aux familles à bas revenu afin d’agir sur la demande et de rendre l’accès au logement plus abordable.

Donner la priorité aux femmes

Le programme prévoit de donner la priorité aux ménages où le chef de famille est une femme, favorisant ainsi une meilleure inclusion de la population féminine. Plus de 20 % des bénéficiaires sont des femmes, sachant que seulement 8 % des femmes chefs de famille vivent avec leur mari et leurs enfants et que les autres sont soit divorcées ou veuves avec des enfants à charge soit célibataires. L’amélioration de leurs droits en matière de propriété et de succession devrait se traduire par une hausse de leurs revenus et de meilleures perspectives d’emploi, et entraîner par conséquent une contribution accrue à la croissance économique.

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Azza and her daughters in their new home.

Le témoignage d’Azza, une mère divorcée (a) de 36 ans ayant la garde de ses deux enfants, est édifiant. Elle fait partie des 14 % de ménages égyptiens dont le chef de famille est une femme et est aujourd’hui propriétaire de son appartement grâce à une disposition du programme qui lui a permis d’échelonner le paiement de son logement.

« Le programme a facilité l’option de versements échelonnés, ce qui n’était pas possible avec les agents immobiliers. Et puis pour un achat entre particuliers, il fallait verser un apport… que je n’avais pas », explique Azza, en mettant en lumière l’un des principaux avantages du programme.

Les ensembles de logements sociaux sont souvent situés près d’écoles, de centres médicaux, de réseaux de transport et de viviers d’emplois. Ainsi, son nouvel appartement, proche de son lieu de travail, épargne « de longs trajets » à la mère de famille.

Avant d’être propriétaire, Azza vivait dans la peur que son bailleur augmente le loyer ou la somme de quitter les lieux, sans préavis. « Maintenant que j’ai un appartement, je me sens en sécurité et stable », confie-t-elle. « Mon argent, je l’investis enfin dans un bien qui reviendra à mes deux filles. » Ce placement est un gage d’autonomie pour cette mère célibataire active, mais aussi pour ses filles, qui bénéficient désormais d’un cadre de vie plus stable, fortes de la certitude que la possession d’un bien immobilier n’est pas exclusivement réservée aux hommes.

Plus de propriétaires femmes

Ce type d’accession à la propriété est exceptionnel : la norme socioculturelle en vigueur dans la région veut que les hommes soient les seuls détenteurs d’un bien immobilier. Certaines études publiques montrent que plus de 90 % des biens en Égypte sont détenus par des hommes, ce que confirment les conclusions de l’étude 2019 sur l’autonomisation économique des femmes (a) : seuls 5 % des femmes en Égypte possèdent un bien immobilier (en leur nom propre ou en indivision).

L’édition 2020 du rapport Les Femmes, l’Entreprise et le Droit (a) de la Banque mondiale, qui s’appuie sur ces indicateurs pour examiner les disparités entre les sexes relatives au droit à la propriété et aux droits de succession, donne à l’Égypte un indice de 40 sur 100 sur ce point. Par ailleurs, le Forum de recherche économique observe qu’il incombe aux Égyptiens de trouver un foyer à leur promise, sous peine de ne pas pouvoir l’épouser, une norme sociale qui creuse les inégalités hommes-femmes et, par contrecoup, décourage les femmes de devenir propriétaires.

En décembre 2019, le programme pour le financement d’un habitat inclusif avait soutenu le versement de subventions au profit d’environ 287 600 ménages répartis dans les 27 gouvernorats égyptiens.  Il a favorisé également une plus large intégration sociale et une plus grande inclusion des jeunes, 70 % des bénéficiaires ayant moins de 40 ans et 18 % moins de 30 ans. Il a donné la priorité aux familles : 57 % des bénéficiaires sont des couples mariés avec de jeunes enfants. Et a contribué indirectement à un moindre étalement de logements informels sur les terres agricoles, tout en créant des emplois qualifiés et non qualifiés dans le bâtiment.


Auteurs

Jean Michel Lobet

spécialiste senior du secteur financier Finance, compétitivité et innovation, Région Moyen-Orient et Afrique du Nord

Laila Abdelkader

Spécialiste du secteur financier et co-coordonnatrice locale du pôle Finance, compétitivité et innovation — Le Caire (Égypte)

Alia Eldidi

Spécialiste du secteur financier — Le Caire (Égypte)

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