Publié sur Voix Arabes

Davos et le nouveau discours arabe

ImageLa semaine dernière, le site  Al-Arabiya News publiait un article sur les nouveaux visages du monde arabe à Davos — et sur ceux du passé : "Pendant des années, le gouvernement égyptien n’a négligé aucun effort ni denier pour impressionner les foules à Davos. Ministres du commerce, des investissements ou des finances étaient toujours à l’affût du prochain débat ou de la prochaine interview, et Gamal Moubarak affichait le visage d’une Égypte plus moderne et dynamique. Des hordes d’entrepreneurs affluaient à la chasse aux affaires, dans le sillage dense et protecteur de la représentation gouvernementale, à laquelle acteurs et autres pop stars apportaient une touche branchée. Telle est était la délégation égyptienne avant le 25 janvier 2011."

Cette année l’Égypte était représentée par une délégation de douze représentants, dont Abdel Moneim Aboul Fotouh, prétendant à la présidence et membre des Frères musulmans. La délégation tunisienne comprenait quant à elle des membres du parti Ennahda, dont l’un de ses cofondateurs, Rached Ghannouchi. De nouveaux visages donc, mais pas seulement. Dans un forum international comme celui de Davos, le changement est surtout venu de l’émergence  d’un nouveau discours arabe.

Ces nouvelles voix du monde arabe, authentiques et légitimes, écrivent une histoire qui finira par faire passer un message de stabilité et d’ouverture au monde de l’entreprise et s’avérera en cela plus efficace que le discours clinquant et « moderne » du passé.

Les défis économiques et sociaux semblent insurmontables à court terme, certes. Mais il est aussi possible de penser que les investisseurs potentiels,  les donateurs et les médias ont dû être rassurés à l’écoute  d’un discours tournant clairement la page de l’"exception" arabe et faisant désormais du monde arabe un participant actif du processus de mondialisation.

Quelque six événements ont concerné le monde arabe à Davos — pour les trouver, il suffit de taper "Arab"» ou "Arab Spring" (le "Printemps arabe" en anglais) dans le champ de recherche du site Davos 2012. Parmi eux, le débat sur la démocratie organisé par Associated Press s’est révélé particulièrement pénétrant. Il réunissait David T. Dreier, membre du Congrès américain (républicain, Californie), Rached Ghannouchi, cofondateur du parti Ennahda (Tunisie), Hina Rabbani Khar, ministre des Affaires étrangères du Pakistan et membre des Young Global Leaders, Antonio de Aguiar Patriota, ministre des Relations extérieures du Brésil, et Kenneth Roth, directeur exécutif de Human Rights Watch.

Voici, en substance, un résumé des positions exprimées par M. Ghannouchi sur certains des thèmes traités lors du débat d’AP :

Démocratie, Islam et modernité dans le Printemps arabe : Il est désormais évident que ces concepts et convictions sont compatibles, le monde arabe est devenu partie intégrante du processus de démocratisation mondiale après avoir été soumis au colonialisme et à des régimes autocratiques solidement soutenus par l’étranger. La comparaison avec les courants de la démocratie chrétienne en Occident est pertinente (comme l’a aussi évoqué George Soros lors d’un autre événement à Davos). À l’instar des chrétiens démocrates, nous espérons introduire de la morale dans l’arène politique. Il est clair que les élections sont nécessaires mais pas suffisantes ; il nous faut renforcer notre société civile. Je suis optimiste pour le Printemps arabe, nous allons parvenir au succès et ce succès profitera non seulement aux pays arabes mais aussi au monde entier. En ce qui concerne la Syrie, je crois à la victoire du peuple et de la révolution.

Développement économique : Les élections ont eu lieu et nous devons à présent nous concentrer sur le développement et nous ouvrir aux investisseurs — à l’intérieur comme à l’extérieur. Nous devons aussi ouvrir nos économies afin d’empêcher l’émergence d’un capitalisme sauvage et mafieux. La justice sociale doit faire partie de l’équation du développement, comme l’a nettement revendiqué la population. 

Occident, Islam et pluralisme : L’Islam est une religion sans Église : personne ne peut se prévaloir de parler au nom de Dieu, et beaucoup peuvent se prévaloir de représenter l’Islam — du Premier ministre turc Erdogan, d’un côté, à Ben Laden, à l’autre extrémité. L’Occident se souviendra des terroristes d’extrême-droite et d’extrême-gauche dans l’Europe des années 70 et ne nous assimilera pas à la toute petite minorité d’extrémistes qui interprètent mal l’Islam.

Médias sociaux et Al-Jazeera : Encore plus que l’influente Al-Jazeera, Facebook et Twitter ont joué un rôle crucial dans les révolutions arabes. Je voudrais remercier ceux qui ont apporté au monde Facebook et Twitter. 

Même si M. Ghannouchi n’est pas totalement représentatif des Frères musulmans d’Égypte (dans leurs tendances diverses), ni du PJD marocain ou des autres formations politiques arabes similaires, il me semble que ses opinions sont largement représentatives du nouveau discours qui émane du monde arabe par la voix de ces dirigeants fraîchement élus. Qu’en pensez-vous ?


Auteurs

Omer Karasapan

Coordonnateur régional Connaissances et apprentissage

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