Faut-il renoncer à certains droits pour préserver la sécurité du pays ? Cette question comme bien d’autres a fait l’objet d’un récent débat organisé entre jeunes Tunisiens venus dans leur capitale traiter de l’un des problèmes les plus brûlants du pays.
« Abandonnons un peu de nos libertés de manière temporaire » , plaide Lina Boufla, l’une des oratrices de l’équipe gagnante, favorable à cette motion, en proposant par exemple l’instauration de couvre-feux. « La Tunisie a besoin de ça, le terrorisme nous conduit à la mort. ».
D’autres défenseurs de cette motion partagent son avis. « Les gens n’en ont rien à faire de la liberté s’ils ne sont pas en sécurité », affirme l’un d’eux.
L’argument des opposants à cette motion est le suivant : « Rien n’a été proposé pour éradiquer le terrorisme ; restreindre les libertés n’est pas la solution. » Et d’évoquer à l’appui de cette thèse le cas du groupe État islamique : « L’exemple iraquien nous montre que restreindre les libertés pour lutter contre le terrorisme n’est pas la solution. L’une des conséquences de cette politique s’est soldée par l’essor de l’État islamique en Iraq et au Levant. »
Du haut de ses 17 ans, Lina campe sur ses positions : dans le contexte actuel, la solution consiste à autoriser le gouvernement à rogner sur les libertés des personnes, à court terme uniquement. Selon elle, cette disposition est nécessaire pour s’attaquer aux racines de l’extrémisme, pour lequel la jeunesse est un enjeu clé. « Nous devons nous écouter les uns les autres », conclut-elle.
Ces différentes opinions ont été exprimées à l’occasion d’un concours d’éloquence organisé par le projet Young Arab Voices (a), à l’instigation de la Banque mondiale et du British Council. Pendant trois jours, 80 jeunes ont débattu de sujets liés à l’extrémisme, de la censure aux établissements scolaires religieux. Comme le souligne Nigel Bellingham, directeur du British Council en Tunisie, « la voix de la jeunesse doit être entendue » .
Écouter l’avis des autres, c’est essentiel
Débattre, c’est bien plus qu’exprimer une opinion. Pour Lina, l’harmonie est à l’origine du succès de son équipe. « Nous nous complétons et nous nous serrons les coudes. » Lina est membre d’un club d’éloquence depuis trois ans. C’était pour elle une expérience totalement nouvelle, qui a « changé [sa] vie ». « Les mots ont un sens », ajoute-t-elle, en expliquant que son regard sur ce qu’elle lit est aujourd’hui beaucoup plus critique.
« Ces jeunes seront les dirigeants de demain », avance Moez Dhahri, un enseignant qui forme à l’art de débattre et membre du comité des motions du concours. Les motions, choisies pour leur difficulté et leur pertinence, portaient sur des sujets généraux tels que les conflits syrien ou libyen ou des enjeux nationaux et locaux, comme le système éducatif tunisien ou les élections locales. Moez est originaire du sud de la Tunisie, région la plus en marge du pays, où, selon lui, les écoles de prise de la parole sont d’autant plus nécessaires que rien n’est proposé aux jeunes. Il a pour ambition de créer un club d’éloquence dans chaque école.
Un programme pour inviter un million de jeunes à débattre
Le programme a pour ambition de toucher un million de jeunes au Moyen-Orient et en Afrique du Nord . Depuis le lancement de ce programme en 2011, 100 000 jeunes y ont pris part . En 2015, 380 débats ont été organisés sous l’égide de Young Arab Voices , avec la participation de 4 000 débatteurs et la tenue de 130 séances de formation. Le concept repose sur l’idée (a) que le débat et la pensée critique forgent des individus plus résilients face à la radicalisation et aux discours extrémistes.
Comment forme-t-on à l’esprit critique ? Selon Nesrine Ben Brahim, formatrice chez Young Arab Voices Tunisie, il s’agit de placer un individu dans une position inconfortable, ou plus exactement dans la peau d’un autre. « Cela vous contraint à réfléchir, explique cette jeune femme de 25 ans. Et cela vous astreint à écouter les autres. »
Selon elle, le dialogue et le débat permettent une meilleure compréhension d’autrui et ouvrent les jeunes à la tolérance. « Débattre, c’est moins exprimer une opinion que comprendre les autres , poursuit-elle. Ce qui est autrement plus difficile. » C’est également un moyen constructif de combattre l’extrémisme sur le long terme. Elle cite, en guise d’exemple, son propre parcours. L’amour du débat, qui a joué un rôle considérable dans sa vie, l’a poussée à aller au terme d’un master en politique publique.
Yacine Montacer, 17 ans, en convient : « Débattre, ça libère la créativité. » Il a fondé un club d’éloquence voilà deux ans dans son lycée pilote à Tunis. Il affirme que débattre l’a aidé à mieux s’exprimer en public mais aussi à tenir un rôle de leader. « Ça m’a également appris à penser par moi-même. »
Cette initiative remporte beaucoup de succès auprès des quelque 600 camarades du jeune garçon. Lors de séances hebdomadaires, environ 20 lycéens se répartissent en deux groupes pour débattre de sujets tirés de la politique internationale ou d’enjeux nationaux. Les participants sont tenus d’effectuer des recherches sur les sujets retenus, ce qui améliore leur faculté à se documenter. « Cela leur apprend également à penser librement, par eux-mêmes, ajoute Yacine. Aucun autre environnement ne favorise cet espace de débat au sein du système éducatif tunisien. »
« Abandonnons un peu de nos libertés de manière temporaire » , plaide Lina Boufla, l’une des oratrices de l’équipe gagnante, favorable à cette motion, en proposant par exemple l’instauration de couvre-feux. « La Tunisie a besoin de ça, le terrorisme nous conduit à la mort. ».
D’autres défenseurs de cette motion partagent son avis. « Les gens n’en ont rien à faire de la liberté s’ils ne sont pas en sécurité », affirme l’un d’eux.
L’argument des opposants à cette motion est le suivant : « Rien n’a été proposé pour éradiquer le terrorisme ; restreindre les libertés n’est pas la solution. » Et d’évoquer à l’appui de cette thèse le cas du groupe État islamique : « L’exemple iraquien nous montre que restreindre les libertés pour lutter contre le terrorisme n’est pas la solution. L’une des conséquences de cette politique s’est soldée par l’essor de l’État islamique en Iraq et au Levant. »
Du haut de ses 17 ans, Lina campe sur ses positions : dans le contexte actuel, la solution consiste à autoriser le gouvernement à rogner sur les libertés des personnes, à court terme uniquement. Selon elle, cette disposition est nécessaire pour s’attaquer aux racines de l’extrémisme, pour lequel la jeunesse est un enjeu clé. « Nous devons nous écouter les uns les autres », conclut-elle.
Ces différentes opinions ont été exprimées à l’occasion d’un concours d’éloquence organisé par le projet Young Arab Voices (a), à l’instigation de la Banque mondiale et du British Council. Pendant trois jours, 80 jeunes ont débattu de sujets liés à l’extrémisme, de la censure aux établissements scolaires religieux. Comme le souligne Nigel Bellingham, directeur du British Council en Tunisie, « la voix de la jeunesse doit être entendue » .
Écouter l’avis des autres, c’est essentiel
Débattre, c’est bien plus qu’exprimer une opinion. Pour Lina, l’harmonie est à l’origine du succès de son équipe. « Nous nous complétons et nous nous serrons les coudes. » Lina est membre d’un club d’éloquence depuis trois ans. C’était pour elle une expérience totalement nouvelle, qui a « changé [sa] vie ». « Les mots ont un sens », ajoute-t-elle, en expliquant que son regard sur ce qu’elle lit est aujourd’hui beaucoup plus critique.
« Ces jeunes seront les dirigeants de demain », avance Moez Dhahri, un enseignant qui forme à l’art de débattre et membre du comité des motions du concours. Les motions, choisies pour leur difficulté et leur pertinence, portaient sur des sujets généraux tels que les conflits syrien ou libyen ou des enjeux nationaux et locaux, comme le système éducatif tunisien ou les élections locales. Moez est originaire du sud de la Tunisie, région la plus en marge du pays, où, selon lui, les écoles de prise de la parole sont d’autant plus nécessaires que rien n’est proposé aux jeunes. Il a pour ambition de créer un club d’éloquence dans chaque école.
Un programme pour inviter un million de jeunes à débattre
Le programme a pour ambition de toucher un million de jeunes au Moyen-Orient et en Afrique du Nord . Depuis le lancement de ce programme en 2011, 100 000 jeunes y ont pris part . En 2015, 380 débats ont été organisés sous l’égide de Young Arab Voices , avec la participation de 4 000 débatteurs et la tenue de 130 séances de formation. Le concept repose sur l’idée (a) que le débat et la pensée critique forgent des individus plus résilients face à la radicalisation et aux discours extrémistes.
Comment forme-t-on à l’esprit critique ? Selon Nesrine Ben Brahim, formatrice chez Young Arab Voices Tunisie, il s’agit de placer un individu dans une position inconfortable, ou plus exactement dans la peau d’un autre. « Cela vous contraint à réfléchir, explique cette jeune femme de 25 ans. Et cela vous astreint à écouter les autres. »
Selon elle, le dialogue et le débat permettent une meilleure compréhension d’autrui et ouvrent les jeunes à la tolérance. « Débattre, c’est moins exprimer une opinion que comprendre les autres , poursuit-elle. Ce qui est autrement plus difficile. » C’est également un moyen constructif de combattre l’extrémisme sur le long terme. Elle cite, en guise d’exemple, son propre parcours. L’amour du débat, qui a joué un rôle considérable dans sa vie, l’a poussée à aller au terme d’un master en politique publique.
Yacine Montacer, 17 ans, en convient : « Débattre, ça libère la créativité. » Il a fondé un club d’éloquence voilà deux ans dans son lycée pilote à Tunis. Il affirme que débattre l’a aidé à mieux s’exprimer en public mais aussi à tenir un rôle de leader. « Ça m’a également appris à penser par moi-même. »
Cette initiative remporte beaucoup de succès auprès des quelque 600 camarades du jeune garçon. Lors de séances hebdomadaires, environ 20 lycéens se répartissent en deux groupes pour débattre de sujets tirés de la politique internationale ou d’enjeux nationaux. Les participants sont tenus d’effectuer des recherches sur les sujets retenus, ce qui améliore leur faculté à se documenter. « Cela leur apprend également à penser librement, par eux-mêmes, ajoute Yacine. Aucun autre environnement ne favorise cet espace de débat au sein du système éducatif tunisien. »
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