Publié sur Voix Arabes

Décentralisation : Tunisie, Sénégal, deux pays aux fortes similitudes

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Un maire secrétaire de l’Association des maires du Sénégal (AMS), deux conseillers techniques, cinq hauts fonctionnaires de l’Agence de développement municipal (ADM) et de la Direction des collectivités locales (DGL), telle était la composition de la délégation sénégalaise venue en visite du 21 au 24 novembre à Tunis.
 
Le but de la visite ? S’inspirer de l’expérience tunisienne en matière de décentralisation, notamment par rapport au soutien que la Banque mondiale apporte dans le cadre du Programme de développement urbain et de la gouvernance locale (PDUGL). Ce programme, mené par le gouvernement tunisien, d’un montant de 600 millions de dollars, dont 300 millions de dollars de prêt par la Banque mondiale, est le premier « Program For Results » en Tunisie.
 
Au programme de la visite, la rencontre avec les principaux acteurs de la décentralisation en Tunisie : le Ministre des affaires locales et de l’environnement, l’administration tunisienne en charge du programme et les municipalités bénéficiaires du programme.
 
L’année 2014 a marqué pour le Sénégal et la Tunisie une étape nouvelle dans le processus de décentralisation. La Constitution tunisienne nouvellement promulguée place la décentralisation parmi les principaux moyens pour réaliser les objectifs de la révolution de 2011. Au Sénégal, l’Acte III, initié par le Président Macky Sall, a pour objectifs la départementalisation du territoire et la communalisation intégrale.
 
Vidéo

« Un millier de questions »
 
Ce voyage était l’occasion d’échanger sur les défis et enjeux de la décentralisation, mais aussi de partager sur le ressenti des acteurs. Il aura fallu les deux années et demie pour rédiger le Code des Collectivités locales et la Loi électorale des Conseils municipaux et régionaux. Mokhtar Hammami, directeur général de la Direction générale des collectivités locales, explique que «la décentralisation ne se décrète pas, il faut instaurer une culture. Laisser du temps au temps ». Du temps, mais également la constitution d’un réseau qui sert de point d’appui au programme : cadres administratifs, universitaires, experts et membres de la société civile ont été mobilisés pour aider à la compréhension et à l’organisation de consultations locales et régionales.
 
« J’ai un millier de questions à poser » a déclaré Mamadou Wade, secrétaire général de l’ADM, à l’issue de la première réunion de travail.

Des questions qui fuseront durant la rencontre avec les fonctionnaires de la Caisse des prêts et de soutien des collectivités locales (CPSCL), principalement lors de la présentation de l’approche participative au Plan annuel d’investissement (PAI). Elle résonnera avec le discours tenu la veille : sans cadre participatif, la décentralisation ne peut réussir. Ines Sallem Zaghdoudi, ingénieur général en génie civil, responsable évaluation technique et environnementale chez CPSCL, a détaillé la manière avec laquelle le PDUGL a mobilisé de nombreux facilitateurs et accompagnateurs pour assister les municipalités dans la réussite de cette approche, au travers d’outils de communication faisant la part belle à la créativité de chacun (vidéos, tracts, crieurs publics…).

Le troisième pilier du PDUGL, incarné par le rôle du CFAD dans la formalisation et l’accompagnement des 264 municipalités tunisiennes, a été l’occasion de souligner l’importance des moyens engagés par l’Etat tunisien pour réussir le transfert des compétences.
 
« Comment impliquer les citoyens en continu ? », former les acteurs, mais également informer les citoyens : le programme accorde une place importante à l’accès à l’information et la transparence, notamment par le biais des technologies numériques. Ainsi, dans le cadre du programme, un portail des collectivités locales tunisiennes a été mis en place. Ce portail permet à tous les citoyens de consulter plusieurs informations liées aux municipalités : les budgets mais également le classement des municipalités en fonction de leurs performances et les subventions auxquelles elles peuvent prétendre.
 
Valider par le terrain

« Comment réagit le terrain ? » s’interroge Oumar Ba, maire de N’diob et secrétaire permanent de l’AMS, bien qu’impressionné par le dispositif mis en place au niveau institutionnel. La visite de deux municipalités tunisiennes, Mégrine et La Soukra, est l’occasion pour lui d’échanger avec les bénéficiaires directs du programme et de se faire une opinion définitive de ses impacts.
 
« Y’a-t-il une volonté réelle de transférer les compétences ? L’Etat ne s’ingère-t-il pas dans vos projets ? », deux questions qui reflètent le souci de l’élu de voir se concrétiser les bonnes intentions gouvernementales. « On nous laisse travailler, ce qui nous donne encore plus envie de travailler », répond Safouen Fessi, maire de Mégrine. Des comptes financiers de la commune au taux d’encadrement, en passant par le taux d’exécution des projets participatifs, les visites aux municipalités ont permis à la délégation sénégalaise de vérifier à quel point le PDUGL trouvait une résonnance dans le travail quotidien des communes.
 
Le partage d’expérience ne saurait se limiter à cette visite à Tunis. Les collègues sénégalais et tunisiens continuent d’échanger, notamment sur les aspects techniques du programme tunisien qui n’ont pu être couverts durant la visite.
 
La décentralisation est un processus long, qui implique à la fois volonté politique, participation citoyenne et cadre réglementaire. L’appui de la Banque mondiale réside dans la mise à disposition d’outils spécifiques tels que le Program For Results accompagnant la volonté des gouvernements engagés dans ce processus. La prise en compte des contextes et des particularités de chaque pays permet de co-construire ces programmes, engageant ainsi une démarche participative entre les gouvernements et la Banque mondiale dès le départ et assurant de fait une exécution qui correspond à la capacité de réussir la réforme.

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