Publié sur Voix Arabes

Maroc : développer le financement des risques de catastrophe en sollicitant les marchés privés pour transférer le risque souverain

Ouarzazate Ouarzazate

Les chocs climatiques et les catastrophes naturelles ont des conséquences durables sur les plans humain, social, économique et environnemental. Pour les gouvernements du monde entier, leur gestion est un défi redoutable de tous les points de vue, notamment financier.  Seuls des marchés financiers privés solides peuvent assurer le financement de la reprise ou de la reconstruction à la suite d’une catastrophe. En offrant d’autres options de financement, ces marchés de capitaux et de réassurance aident les gouvernements à diversifier le coût du risque sans fragiliser leur économie.

Les solutions de transfert du risque consistent à faire assumer les aléas découlant de catastrophes naturelles à des tiers — compagnies d’assurance ou de réassurance, banques et autres investisseurs — en échange d’une prime de risque. Ces marchés présentent un intérêt particulier pour les risques de catastrophe dans les pays en développement, car ils constituent une source de revenus hautement diversifiée par rapport à des placements classiques, plus concentrés (l’assurance vie ou l’assurance auto dans les économies développées par exemple), avec des coûts en capital bien supérieurs.

Un gouvernement peut optimiser sa gestion des risques en mobilisant les réserves publiques et des instruments de transfert des risques. Le fait de solliciter (avant une catastrophe) des financements auprès de deux sources différentes et de les lier à des réponses prédéfinies permet, au moment où la catastrophe survient, d’acheminer rapidement les fonds aux bénéficiaires de la manière la plus rentable. Les réserves sont mobilisées pour des événements fréquents de faible gravité, contrairement aux assurances, déclenchées face à un événement plus extrême nécessitant beaucoup de capitaux. Les gouvernements peuvent alors maximiser leur réponse à une catastrophe et réduire son impact financier final sur les populations, les entreprises et les secteurs les plus vulnérables.

Depuis dix ans, l’équipe de la Banque mondiale chargée du financement des risques de crise et de catastrophe (CDRF) accompagne les autorités du Maroc à travers une assistance technique couvrant l’analyse des risques, l’élaboration d’une stratégie financière, la conception d’instruments et des conseils en matière d’action publique. La Banque mondiale s’est appuyée sur son pouvoir de rassemblement pour réunir des parties prenantes clés venues du secteur privé et des marchés de l’assurance en vue de mettre sur pied une solide collaboration public-privé. Elle a par ailleurs mobilisé le soutien financier indispensable au renforcement des capacités du Maroc à s’atteler à un programme plus large, comprenant la réduction des risques de catastrophe, la consolidation de la protection sociale, la gestion des risques budgétaires et le développement des marchés financiers.

Le chemin parcouru

L’aventure a débuté en 2008, avec l’assistance technique de l’équipe de la CDRF, soutenue par le secrétariat d’État aux affaires économiques de la Suisse, afin d’évaluer l’exposition du royaume aux risques de catastrophes naturelles, de définir une stratégie ambitieuse de financement du risque et de faire appel à des instruments de marchés sophistiqués adaptés.

Cet accompagnement de la direction du Trésor et des Finances extérieures du Maroc a également permis de définir un cadre juridique et de gouvernance national pour les risques de catastrophe, avec la constitution du Fonds de solidarité contre les événements catastrophiques (FSEC), un mécanisme de financement public pérenne qui vise à couvrir les populations non assurées et les ménages les plus vulnérables. Cela a également permis d’étendre les polices d’assurance — soutenues par les assureurs et réassureurs nationaux — afin d’y inclure le risque de catastrophe et de couvrir les dommages et les blessures corporelles des propriétaires de voiture, des propriétaires de maison, des entreprises et des industries assurés.

Deux opérations distinctes de réassurance pour les marchés d’assurance nationaux et le FSEC ont été finalisées depuis janvier 2020 afin d’assurer un apport rapide de liquidités (trésorerie) en cas de catastrophe grave en faisant appel aux marchés internationaux. Elles relèvent de la stratégie nationale de financement des risques de catastrophe, et permettent d’apporter une réponse financière pour 99 % des événements naturels susceptibles de frapper le Maroc.

Le Trésor marocain a en grande partie rendu possibles cette vision et ce niveau de sophistication financière, à la faveur de travaux techniques et analytiques considérables en vue d’améliorer la prise de décisions au niveau gouvernemental et de diversifier les options de transfert du risque en synergie avec les acteurs de l’assurance privée. La maturité du marché local de l’assurance et son organisme de réglementation, l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS), ont joué un rôle décisif : ils ont garanti le niveau de surveillance nécessaire des capacités techniques et financières du gouvernement et soutenu la volonté de faire de l’assurance contre les risques de catastrophe au Maroc un nouveau produit à long terme adossé à des réglementations prudentielles adaptées et à un niveau de capitaux adéquat.

Le Maroc a désormais une longueur d’avance face aux autres risques de crise, liés aux épidémies et au changement climatique  Au fil du temps, ses instruments financiers s’amélioreront et leur champ d’application se développera pour s’adapter aux nouvelles menaces, priorités et aux besoins de financement .

L’équipe CDRF de la Banque mondiale continuera d’aider le Maroc à améliorer sa stratégie et sa vision du financement des risques de catastrophe, grâce à une modélisation plus fine des risques, des informations en temps quasi réel tirées de données d’imagerie par satellite, des plateformes efficaces de gestion des sinistres et une protection financière étendue. Tout cela devrait déboucher sur un programme de protection financière encore plus efficace au Maroc, conçu pour bénéficier aux populations les plus vulnérables et créer une économie plus résiliente dans les années à venir.

LIENS UTILES

La Banque Mondiale du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord


Auteurs

Antoine Bavandi

Spécialiste principal en financement des risques, Banque mondiale

Abdeljalil El Hafre

Chef de la Division des Assurances et de la Prévoyance Sociale, Direction du Trésor et des Finances Extérieures du Maroc

Prenez part au débat

Le contenu de ce champ est confidentiel et ne sera pas visible sur le site
Nombre de caractères restants: 1000