Comme chaque matin, Ragueh souhaite la bienvenue aux enfants de l’école Nelson Mandela, dans le camp de réfugiés d’Ali Addeh. Lui-même ancien réfugié, il est aujourd’hui, comme ses pairs enseignants, l’un des acteurs essentiels du soutien qu’apporte Djibouti aux élèves vulnérables et exclus du système scolaire classique.
En 2017, un enfant réfugié avait cinq fois moins de chances d’être scolarisé (a) qu’un enfant non réfugié. Sous l’effet de la pandémie de COVID-19, ces disparités et les tensions sur les systèmes éducatifs se sont accrues ; les populations vulnérables sont en effet plus exposées au décrochage scolaire et les réfugiés nettement plus susceptibles de ne pas être scolarisés. Il est généralement admis que l’intégration des jeunes réfugiés au sein des systèmes éducatifs favorise non seulement leur autonomie, mais aussi l’instauration de relations vitales avec les communautés d’accueil. Djibouti l’a bien compris. En 2017, ce pays est devenu l’un des premiers à mettre en œuvre une approche plus inclusive en faveur des réfugiés à l’échelle régionale et dans le cadre du Pacte mondial sur les réfugiés (a), soucieuse de trouver des solutions pédagogiques pérennes pour les réfugiés et les communautés d’accueil. En dépit des difficultés, Djibouti figure aujourd’hui parmi les rares pays ayant réussi à préserver ses effectifs scolaires et même à scolariser une plus grande proportion d’enfants réfugiés — rapporté à sa population, Djibouti se classe au 6e rang des pays (a) qui comptent le plus de réfugiés et de demandeurs d’asile sur leur territoire.
À Djibouti comme ailleurs, la pandémie éprouve depuis deux ans la résilience des écoles. Mais elle a ouvert aussi de nouvelles possibilités, en encourageant les systèmes éducatifs à s’adapter à de nouvelles formes d’apprentissage et en leur permettant de toucher ceux qui seraient, autrement, restés exclus. Le ministère djiboutien de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle a réagi rapidement à la COVID-19, en fermant les établissements scolaires d’avril à août 2020 et surtout en développant le télé-enseignement par divers canaux (web, télévision et radio), afin de faciliter l’apprentissage des élèves selon leur accès à ces ressources. Fort des échanges menés avec des groupes de parents et de réfugiés, le ministère a donné la priorité à la distribution de livres, de supports pédagogiques et de repas scolaires aux enfants vulnérables, afin qu’ils continuent d’apprendre et qu’ils gardent le contact avec leur école. Cette initiative a bénéficié du soutien de la Banque mondiale, du Partenariat mondial pour l’éducation et de la fondation Education Above All. Depuis leur réouverture, les établissements ont poursuivi un soutien ciblé aux réfugiés par le biais de programmes d’alphabétisation à l’intention des parents, afin de doter ces derniers d’outils encourageant les enfants à lire et à prolonger l’apprentissage à la maison. Une démarche inclusive grâce à laquelle Djibouti s’emploie à renforcer la résilience des écoles et du système éducatif face aux chocs actuels et futurs.
Le défi ne se limite pas au retour des élèves dans les classes, alors que l’on commence à peine à dresser le bilan de la fermeture des écoles. Et que, de surcroît, le retard moyen accumulé par les enfants réfugiés est estimé à 3 à 4 années d’enseignement selon le HCR, comme le souligne un récent rapport (a) publié conjointement avec la Banque mondiale. Pour les écoles, il est donc crucial d’accompagner le retour des enfants réfugiés, mais aussi de remédier aux difficultés qui leur sont propres — rattraper leur retard et apprendre en même temps une nouvelle langue, par exemple.
La Banque mondiale et ses partenaires sont déterminés à aider Djibouti à élargir l’accès à une éducation de qualité et inclusive, au-delà des mesures d’urgence liées à la COVID. Le pays s’est déjà mobilisé afin d’assurer de meilleurs apprentissages pour tous dans le cadre du projet d'élargissement des possibilités d’apprentissage. Il a ainsi favorisé l’apprentissage des réfugiés en traduisant le programme scolaire national en anglais et en arabe, afin que les élèves puissent étudier dans la langue d’enseignement qu’ils connaissaient, et en dispensant une formation pédagogique spécialisée aux enseignants intervenant dans les écoles de réfugiés. La certification du programme scolaire vise par ailleurs à reconnaître la scolarité suivie au sein de camps de réfugiés kényans et offre aux élèves réfugiés la possibilité de passer l’examen du baccalauréat djiboutien à l’issue du cycle secondaire.
Photo :Ragueh aux côtés du ministre de l’Éducation.
Adapter l’enseignement, c’est donner la possibilité à un élève réfugié, comme Ragueh voilà quelques années, de poursuivre ses études et d’acquérir des compétences dans différentes langues d’enseignement. Cette volonté s’inscrit dans une stratégie d’inclusion à long terme qui prévoit d’offrir aux réfugiés le même droit d’accès à l’école, à la santé et à l’emploi que tout autre enfant. C’est un jalon important dans l’accompagnement des réfugiés vers l’autonomie économique, l’interaction avec les communautés d’accueil et la possibilité de redonner un sens à leur vie après le traumatisme de l'exil.
Djibouti est parvenu, en ces temps pourtant difficiles, à préserver la scolarité et l’éducation des jeunes réfugiés. Des progrès encourageants qui témoignent d’un engagement politique et d’une volonté d’inclusion fructueux. Face à la hausse du nombre de réfugiés dans la région, les premiers enseignements tirés de l’exemple djiboutien illustrent ce qui peut être accompli pour intégrer plus d’enfants réfugiés à l’école, dans le but de former la prochaine génération de travailleurs productifs, à l’instar de Ragueh qui, après ses études, est revenu à Ali Addeh pour passer de l’autre côté du bureau.
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