À voir les gros titres de la presse consacrés aux violences et aux soubresauts politiques qui continuent de sévir au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, on en oublierait facilement que, comme chaque année, un nouveau départ est à l’ordre du jour. Du Mashreq au Maghreb, les enfants sont de retour en classe. Les parents achètent des fournitures aux petits et des milliers d’adolescents empruntent un chemin souvent déterminant pour leur carrière future. Cette semaine, notre plateforme Visions et voix du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord propose une série de billets qui traiteront des défis auxquels enseignants et élèves sont confrontés, ainsi que des politiques et des programmes susceptibles de changer l’avenir de toute une génération.
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L’impact du changement climatique sur l’éducation
Le changement climatique frappe le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord au premier chef. D’après le rapport de la Banque mondiale intitulé Baissons la chaleur : Pourquoi il faut absolument éviter une élévation de 4 °C de la température de la planète (Banque mondiale, 2012), chaleur et sécheresse ne cessent de s’accentuer dans cette région. Sur les 19 pays à travers le monde qui ont battu de nouveaux records de chaleur en 2010, l’année la plus chaude à l’échelle de la planète depuis que les températures sont officiellement relevées, c’est-à-dire depuis le XIXe siècle, cinq se situent dans le monde arabe.
La hausse des températures va intensifier la fréquence des événements météorologiques extrêmes. Les sécheresses accablent le Maghreb. En juin 2010, le cyclone Phet, le plus violent jamais enregistré, a touché Oman, tuant 44 personnes et causant 700 millions de dollars de dégâts. Les effets à long terme du changement climatique seront moins spectaculaires, mais tout aussi graves. Dans une région où la quantité d’eau douce disponible est l’une des plus faibles au monde, on estime que 80 à 100 millions de personnes souffriront de stress hydrique d’ici 2025, car les nappes phréatiques s’assécheront plus vite que les régimes pluviométriques en mutation ne pourront les réalimenter. Alors que de plus en plus de personnes seront affectées par le changement climatique, diverses études récentes ont examiné son impact potentiel sur l’une des premières étapes cruciales du développement humain, à savoir l’éducation.
Comme le montrent des rapports de Save the Children (2008) et de l’UNICEF (2008), cet impact se fera vraisemblablement sentir à très court terme, par des perturbations dans la possibilité d’aller en classe. C’est déjà le cas dans la région : en période de grosse chaleur, les élèves ne peuvent pas aller à l’école, tout comme en cas de tempête de sable, lesquelles sont toujours plus fréquentes, ainsi que l’on a pu l’observer dans les pays du Conseil de coopération du Golfe. Dans certaines zones, où les sols, brûlés par les sécheresses, ne parviennent pas à absorber les pluies, des crues éclair peuvent rendre les routes impraticables, empêchant les élèves de se rendre en classe, comme l’illustrent les inondations observées en juin 2009 au Yémen. Des perturbations dans l’approvisionnement en électricité, qui en sont un effet secondaire, peuvent contraindre les écoles à suspendre leur activité, et dans les cas extrêmes, les intempéries peuvent même endommager les infrastructures. Si l’on connaît mal les effets cumulés de ces perturbations sur les résultats scolaires des enfants, il est évident qu’une fréquentation discontinue des cours ne peut avoir que des conséquences délétères sur l’apprentissage.
À plus long terme, on anticipe que le changement climatique et d’autres facteurs aggravants, tels que le fort taux de pauvreté dans la région, se combineront pour dégrader l’environnement et, par suite, les moyens de subsistance, contraignant ainsi les populations à migrer. Les études semblent indiquer que, dans tous les cas, ces effets délétères risquent de peser davantage sur les enfants, leur bien-être et les soins qui leur sont prodigués, ainsi que sur la possibilité qu’ils auront de bénéficier d’une éducation de qualité et équitable.
Le changement climatique aura également d’autres incidences indirectes sur l’éducation. Un climat plus chaud modifie l’aire de répartition géographique des vecteurs de maladie, comme les moustiques. En conséquence, des populations jusqu’à présent épargnées seront exposées à des maladies telles que le paludisme et la dengue, alors qu’elles n’y sont pas préparées. Des flambées de trois maladies différentes dans plusieurs pays de la région — la fièvre de la vallée du Rift au Yémen et en Arabie saoudite, la méningite à liquide clair à Djibouti et les infections à Vibrio Vulnificus dans la bande de Gaza — sont toutes attribuées soit à des températures hivernales trop élevées pour la saison, générées par des phénomènes El Niňo nouveaux et exceptionnels, soit par des vagues de chaleur. La perturbation des pratiques agricoles actuelles, autre effet secondaire du changement climatique, conduira à une progression de la malnutrition en raison du renchérissement des produits alimentaires. La conjugaison de ces facteurs a un impact particulièrement inquiétant du point de vue de l’éducation des enfants.
Comme on peut le lire dans un rapport du consortium CREATE (2008), « de solides éléments tendent à montrer que les enfants d’âge scolaire qui souffrent de malnutrition protéino-énergétique, de faim ou dont le régime alimentaire est carencé en certains micronutriments (en particulier en fer, en iode ou en vitamine A) ou qui sont atteints de maladies telles que le paludisme, la diarrhée ou des affections parasitaires n’ont pas le même potentiel d’apprentissage que les enfant en bonne santé et bénéficiant d’une bonne nutrition, qu’ils risquent davantage de redoubler, d’arrêter leur scolarité précocement et de ne pas apprendre correctement par manque de concentration ou de motivation ou à cause de déficits cognitifs ».
Relever les défis relatifs l’éducation
Pour commencer, il est impératif d’améliorer la compréhension générale du concept de changement climatique, ainsi que la sensibilisation à ses conséquences au niveau régional et local, ce qui permettra aux autorités nationales de rendre les systèmes éducatifs plus résilients au risque climatique et permettra au milieu scolaire d’être mieux préparé en cas de catastrophes liées au climat.
En termes pratiques, tester la résilience de l’éducation au changement climatique signifie, par exemple, vérifier que l’infrastructure existante est sans danger en cas de graves intempéries et s’assurer que l’établissement possède un plan de gestion des risques climatiques. Pour les écoles nouvelles, il s’agit de mieux évaluer les risques lorsque l’on décide du lieu où sera bâtie l’école et de choisir une infrastructure mieux adaptée, conçue pour résister aux événements climatiques extrêmes. Dans le même temps, on pourrait également inclure des éléments mieux adaptés aux évolutions climatiques de la région : bâtiments plus économes en énergie, qui utilisent l’abondant potentiel régional en énergie solaire, par exemple, qui recueillent l'eau de pluie pour la réutiliser, etc. De cette manière, l’infrastructure physique des systèmes d’éducation sera plus à même de résister au climat.
L’éducation fait également partie de la solution
Si l’on veut renforcer la résilience des systèmes éducatifs, il est indispensable de se concentrer sur le rôle que l’éducation elle-même doit jouer dans l’adaptation au changement climatique. En effet, l’article 6 de la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique, dont l’application est régie par le « programme de travail de New Delhi » (2002-2012), propose que l’enseignement, la formation et la sensibilisation du public fassent partie des réponses apportées au changement climatique. Cet appel a été renouvelé en 2012 avec le programme de travail de Doha relatif à l’article 6. Pour l’instant, lorsqu’il est enseigné dans les établissements scolaires de la région, le changement climatique ne représente habituellement qu’une partie du programme de sciences dans le secondaire et le supérieur. C’est généralement le cas dans le monde entier, à l’exception notamment de l’Australie, premier pays à avoir cherché à intégrer plus largement cette problématique à l’enseignement en incluant des modules relatifs au changement climatique dans toutes les matières pertinentes. C’est un pas dans la bonne direction, mais un changement d’attitude plus large et plus fondamental est indispensable.
On observe aujourd’hui un débat riche et dynamique sur le rôle que doit jouer l’enseignement pour encourager le développement durable et combattre le changement climatique. La question est de déterminer si l’objectif des programmes éducatifs doit être d’enseigner aux individus comment adopter des comportements adaptés (recycler, économiser l’énergie ou réduire son empreinte carbone), de les encourager à développer les compétences qui leur permettront d’affronter et de surmonter des changements rapides et des incertitudes (pensée critique ou résolution de problèmes) ou de promouvoir certaines valeurs (respect de soi, des autres et de l’environnement).
Selon toute vraisemblance, si l’on veut relever les multiples défis associés au changement climatique, il faudra combiner tous ces éléments : « la tâche la plus longue et la plus ardue consiste à développer des systèmes éducatifs qui donnent aux apprenants les compétences, les connaissances et les capacités pour relever les défis à venir. Ce n’est pour l’essentiel pas nouveau, mais c’est au cœur de l’objectif même des programmes publics d’enseignement et de développement. Toutefois, la nature et l’urgence des défis ont changé, que ce soit au niveau local, national ou mondial » (Bangay et Blum, 2009).
Il est intéressant de noter que ces compétences nécessaires recoupent à de nombreux égards les « compétences du XXIe siècle » qui, selon de nombreux spécialistes, sont essentielles pour que les jeunes des pays arabes soient prêts à affronter le marché du travail et la vie en général. Grâce à ses initiatives par pays et régionales, cela fait au moins vingt ans que la Banque mondiale promeut ces compétences dans le contexte plus vaste de l’amélioration de la qualité de l’enseignement.
Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, les sociétés ont réussi à s’adapter au changement climatique depuis des milliers d’années et, avec les bonnes compétences et stratégies, elles y parviendront à nouveau.
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