La création d’emplois a toujours été un problème aigu au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENA). Le printemps arabe a replacé cette question en tête des priorités des politiques de développement de la plupart des pays de la région. Les médias de leur côté se font l’écho des difficultés des populations, en particulier des jeunes à la recherche d’un emploi conforme à leurs aspirations et, si possible, à leurs qualifications, pour pouvoir se lancer dans la vie et fonder une famille.
La région MENA doit, de toute évidence, créer davantage d’emplois : au cours des dix dernières années, à peine 3 millions de nouveaux emplois ont été proposés chaque année, bien loin des 6 à 7 millions requis pour remédier aux principales difficultés. Le chômage, en particulier chez les jeunes, reste très élevé alors que les taux de participation dans la population active, surtout des femmes, sont parmi les plus faibles du monde. Nous savons tous que les pays importateurs de pétrole de la région MENA tels que l’Égypte, la Tunisie et la Jordanie ont du mal à créer des emplois. On pourrait dès lors être enclin à penser que c’est le cas aussi des autres pays de la région. Un examen plus attentif de la situation indique le contraire.
Le nouveau rapport de la Banque mondiale sur les Évolutions et perspectives de l’économie, montre que les difficultés d’emploi de la région ne peuvent pas être uniquement imputées à la lenteur de la création d’emplois par rapport à la croissance économique. Si l’on se base sur l’élasticité de l’emploi à la croissance enregistrée en moyenne dans les années 2000, on voit que le pays type de la région MENA a une propension à créer des emplois plus forte que celle des autres pays à revenu intermédiaire. Ces élasticités sont particulièrement élevées dans les pays exportateurs de pétrole.
Ce résultat peut surprendre. En effet, la production de la région est nettement dominée par les industries intensives en capital. Le secteur des carburants représente pratiquement la moitié du produit intérieur brut (PIB) des pays de la région MENA exportateurs de pétrole et les produits industriels à forte intensité de capital occupent une part importante dans les exportations de marchandises hors pétrole dans la plupart des pays de la région.
Mais plusieurs facteurs ont permis de compenser ces caractéristiques structurelles des économies de la région MENA. En premier lieu, comme le montre le nouveau rapport, l’emploi informel est extrêmement répandu dans les pays en développement de la région. Le secteur informel assure environ un tiers du PIB et emploie les deux tiers de la population active. Les nouveaux entrants sur le marché du travail peuvent en général y trouver une occupation médiocre et peu productive. Par ailleurs, on a assisté ces dernières années à la mise en place de programmes spéciaux pour soutenir la création d’emplois. L’Algérie par exemple, parmi d’autres, avait une marge budgétaire et des rentrées pétrolières suffisantes pour recourir à de tels programmes. Enfin, le rapport EDP montre qu’au cours des dix dernières années, certains secteurs à forte intensité de main-d’œuvre ont connu un essor rapide, comme le bâtiment, le commerce, le tourisme, la logistique et les services de communication. Mais dans les pays exportateurs de pétrole, les ressortissants ont boudé la plupart de ces emplois, qui sont donc allés à des travailleurs étrangers.
On voit par là que le problème de l’emploi dans la région MENA, et en particulier dans les pays exportateurs de pétrole, tient essentiellement à l’atonie de la croissance économique et à la médiocrité des emplois proposés.
D’après nos évaluations, et en se basant sur une propension à créer des emplois similaire, la croissance économique régionale devra s’accélérer et passer au moins à 6 % dans les prochaines décennies — contre les 4,8 % enregistrés dans les années 2000 — pour pouvoir régler les problèmes quantitatifs de l’emploi.
L’enjeu en termes qualitatifs est tout aussi important, Il exige de développer les possibilités de remise à niveau des compétences et d’améliorer l’environnement des affaires afin que toutes les entreprises puissent devenir compétitives et innover. Il faudra aussi remettre à plat les systèmes de retraite, remédier aux obstacles réglementaires entravant les marchés du travail et réaligner les rémunérations et les avantages sociaux du secteur public.
De leur côté, les pays importateurs de pétrole affichent une croissance plus alerte que les pays exportateurs mais une propension nettement moindre à créer des emplois que la moyenne régionale. Ils doivent donc remédier à ce problème en pariant sur la création d’entreprises, en particulier dans le secteur industriel privé à forte intensité de main-d’œuvre, puisqu’ils ne peuvent pas compter sur leurs ressources naturelles pour déployer des programmes d’emploi.
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