Publié sur Voix Arabes

Tout le monde à bord et en route pour la transparence !

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ImageFrancis Maude, secrétaire d’État au Cabinet Office britannique, s’est récemment exprimé, à la Banque mondiale, sur la transparence au Royaume-Uni. Il en a décrit la dynamique classique : "Les membres de la classe politique pensent que la transparence est un excellent thème de campagne. Une fois élus, ils pensent que la transparence est une excellente idée, parce qu’elle expose au grand jour ce qu’ont fait leurs prédécesseurs. Mais après un an environ, la transparence ne leur semble plus une si bonne idée que ça, car ils doivent eux-mêmes s’exposer." On ne saurait mieux dire. Les bénéfices issus de la transparence au Royaume-Uni, ainsi que les difficultés qui en découlent, ne sont guère différents de ceux qui existent dans la région MENA (Afrique du Nord et Moyen-Orient) et ailleurs. Si le Royaume-Uni s’est engagé dans la promotion de la transparence, c’est parce que le pays a pris la mesure des gains sociaux, politiques et économiques qui pourraient en découler (quant au dernier élément de cet engagement, à savoir le fait d’être soi-même l’objet de cette transparence, bien évidemment, cela reste un chantier permanent). Or, lors du Printemps arabe, les manifestants réclamaient justement le droit d’expression pour les citoyens, la responsabilisation des pouvoirs publics et des emplois. La transparence et l’accès à l’information sont parfaitement à même de servir ces trois objectifs.

Le manque d’accès à l’information constitue une immense barrière sociale. Il crée des injustices et empêche une véritable responsabilisation. L’amélioration de la transparence peut permettre aux citoyens de donner leur avis sur ce qui peut ou doit être fait pour eux. Elle amène également la classe politique à rendre des comptes au jour le jour, et non pas seulement en période électorale. Utilisée à bon escient, la communication régulière d’informations collectées par l’État peut être économiquement bénéfique : elle offre la possibilité d’accroître l’efficience des services (avec, à la clé, une réduction des coûts) et donne aux individus les moyens de recourir à des produits novateurs (par exemple, des applications pour téléphone portable qui renseignent en temps réel sur les transports publics), ce qui crée des emplois et de la richesse.

La qualité et la confidentialité des données sont deux préoccupations au Royaume-Uni, et elles intéressent aussi au plus haut point la région MENA. Globalement, d’après Francis Maude, dès lors que l’on diffuse l’information, l’exposition et l’attention qu’y porte la population incitent à en améliorer la qualité. De plus, à l’heure où la question de la confidentialité se pose aux citoyens dans la mesure où ils réclament la transparence sans savoir exactement ce qu’elle implique à leur niveau, il faut que l’État définisse avec précaution le niveau de détail des micro-informations qu’il diffuse, tout en veillant à ce que cette problématique ne supplante pas celle de l’accès.

S’agissant de la pertinence de l’expérience britannique en matière de transparence pour la région MENA, deux dissemblances me sautent aux yeux, qui ont trait à fois à la demande et à l’offre d’information. Côté offre, "embarquer" les autorités britanniques dans le processus de transparence est apparu relativement simple. En effet, le Premier ministre du Royaume-Uni a pris fait et cause pour la réforme au profit d’une transparence accrue en rendant publics les engagements que son gouvernement devait respecter, et celui-ci s’y est tenu. Or les obstacles politiques risquent d’être plus nombreux au niveau des gouvernements de la région MENA, surtout parce que les réformes concrètes n’arrivent pas forcément aussitôt qu’elles sont promises sur le papier. Cependant, même si le changement s’avère plus difficile qu’au Royaume-Uni, je pense que l’accès à l’information y est possible à condition qu’il soit porté par un bon leadership politique et qu’il s’accompagne d’une législation globale sur la liberté d’information.

Côté demande, Francis Maude n’a pas eu le sentiment que les organisations de la société civile auraient du mal à faire usage des informations communiquées. Dans la région MENA, il faudra peut-être former ces organisations à l’utilisation des données disponibles. C’est un aspect sur lequel la Banque mondiale et d’autres donateurs pourraient devoir se concentrer afin de maximiser les gains sociaux, politiques et économiques induits par la transparence.


Auteurs

Lydia Habhab

Spécialiste en gouvernance

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