Ce blog a été posté sur le blog du Development Marketplace le 12 décembre 2011.
Le niveau élevé de chômage des jeunes au Moyen- Orient et en Afrique du Nord (MENA) a été l’un des principaux déclencheurs des révolutions du printemps arabe. Face à l’urgence de cette situation, le programme Development Marketplace de la Banque mondiale prépare un nouveau concours en Égypte, qui sera lancé début 2012 à l’échelle de tout le pays. Le thème retenu est celui de l’entreprenariat social. Les projets privilégiés seront ceux ayant un fort impact sur la création d’emplois durables, surtout pour les groupes à faible revenu et marginalisés. Les subventions iront en priorité aux initiatives destinées au secteur agricole et aux circuits d’approvisionnement.
Pour mieux comprendre la situation de l’entreprenariat social en Égypte, j’ai discuté avec Ehaab Abdou, qui vient de rejoindre l’équipe Development Marketplace afin de mettre au point la nouvelle initiative en Égypte.Avant d’entrer à la Banque mondiale, Ehaab Abdou a fait partie du réseau des « fellows » de l’association Ashoka et travaillé comme conseiller pour l’initiative en faveur de la jeunesse du Moyen-Orient à la Brookings Institution. Pour lui, l’entreprenariat social dans la région MENA, et notamment en Égypte, se heurte à trois grands défis:
· l’absence d’infrastructures pour cette forme d’entreprenariat. Dans la région, rares sont les intermédiaires d’appui dont les entrepreneurs sociaux ont besoin pour se développer et prendre de l’envergure : incubateurs, réseaux d’investisseurs providentiels, fonds de réplication, etc.;
· les cadres législatifs et réglementaires sont trop restrictifs. Les lois régissant les marchés financiers doivent être modifiées si l’on veut inciter les fonds d’investissement social à intervenir dans la région. De plus, la législation actuelle freine l’autonomisation —à travers des modèles hybrides — des ONG, qui restent donc fortement tributaires des bailleurs de fonds;
· les traditions culturelles et les systèmes éducatifs n’offrent pas un environnement propice au développement de cette forme d’entreprenariat. Presque tout le monde s’accorde à dire que la pensée critique et les compétences analytiques sont essentielles pour bâtir une nouvelle génération d’entrepreneurs sociaux. Or les écoles de la région n’encouragent pas suffisamment cette forme de pensée et ne permettent pas aux élèves de développer leurs capacités de raisonnement. Il faudrait aussi mettre davantage l’accent sur les services communautaires afin que les entrepreneurs en herbe s’attellent aux difficultés de leurs communautés pour y apporter des solutions.
Malgré les obstacles auxquels se heurte l’entreprenariat social en Égypte, les dernières tendances sont encourageantes, puisque l’écosystème de cette forme d’entreprenariat se met en place. Ainsi, Technoserve devrait monter en puissance, rejoignant d’autres grands acteurs déjà engagés dans la région depuis quelques années, comme Ashoka, Acumen, Endeavor, Schwab et la fondation Skoll.
Des plans pour organiser un débat public/privé sur la question des limites qu’impose le cadre réglementaire sont en cours d’élaboration. Enfin, des groupes de la société civile qui souhaitent devenir des partenaires pour la mise en œuvre de l’initiative Development Market en Égypte ont exprimé leur désir de travailler dans un esprit de collaboration et non de concurrence. Le sentiment qu’il faut exploiter les dynamiques à l’œuvre depuis quelque temps est plus fort que jamais et offre aux innovateurs sociaux du pays le soutien dont ils ont besoin pour transformer la société. Comme l’affirme Ehaab Abdou
« Si l’on veut que l’entreprenariat social et les modèles d’entreprise solidaire s’épanouissent et jouent pleinement le rôle souhaité et tant attendu pour le développement de la région, alors nous devons instaurer l’écosystème requis en mettant en place les intermédiaires qui font actuellement défaut et en nous attaquant aux limites posées par le cadre juridique et réglementaire ».
Prenez part au débat