Imaginez-vous à bord d’un avion, dont le poids approche celui d’une voiture moyenne et dont l’envergure s’apparente à celle d’un Airbus 340. Et puis imaginez pouvoir décoller sans une seule goutte de carburant. Pour Sam Shepard*, rien de plus simple, à moins que mes yeux ne me trahissent. C’est triste à dire, mais mes yeux m’ont en effet trahie.
Pourtant, André Borschberg ressemble trait pour trait au protagoniste de l'Étoffe des héros, ce film célèbre où des pilotes d'essai repoussent les limites de l'impossible. André lui aussi est pilote d’essai et lui aussi repousse aussi loin que possible les limites… mais à bord du Solar Impulse, premier avion expérimental à propulsion solaire, grâce auquel il a accompli le premier vol intercontinental entre la Suisse et le Maroc.
Pour André et Bertrand Piccard (son associé, copilote et fondateur du projet Solar Impulse), cette première étape sur le continent africain précède une arrivée à Ouarzazate, au sud du Maroc, sur le versant brûlant des montagnes de l'Atlas. Je les vois descendre de leur cockpit, équipés de leur impressionnante combinaison de vol et de leur casque. Ils manifestent leur victoire par un léger sourire, à l’instar des pilotes de l’Étoffe des héros, au sortir de leur invraisemblable prototype, propulsé par des fusées qui leur ont permis de dépasser le mur du son. Ici, la presse réunie sur le tarmac de l’aéroport de Rabat-Salé est ravie : quelle image ! Moi, j’ai les jambes en coton.
Le Solar Impulse est majestueux. Au premier regard, son apparence est un peu curieuse, mais son aérodynamisme rappelle le profil d’une libellule. Ultra léger, sa conception high-tech intègre 12 000 cellules solaires réparties sur ses ailes qui alimentent des moteurs de 10 chevaux. La journée, les panneaux solaires chargent des batteries au lithium pour permettre à cet avion solaire de voler toute la nuit. Sa vitesse, en revanche, n’est pas spectaculaire : avec une moyenne de 48 km/h, l’élégant Solar Impulse n’a rien d’une fusée. Mais là n’est pas la question.
Outre qu’il s’agit d’un symbole de courage et d’inventivité, le projet Solar Impulse est porteur d’un message de plus grande envergure. L’aéronef a atterri au Maroc parce que ce pays est en passe de lancer l'un des programmes solaires les plus ambitieux au monde. Ouarzazate, prochaine étape prévue au plan de vol, accueillera bientôt une centrale solaire de 500 MW, l'une des plus importantes au monde.
Longues et fragiles, les ailes du Solar Impulse nous adressent un signal fort sur ce qui nous attend tous, par delà les frontières et indépendamment du poids économique de chacun, si rien n’est fait pour protéger notre planète, réduire les gaz à effet de serre et promouvoir des sources d’énergie propres. De fait, l’objectif de la centrale solaire de Ouarzazate, dont la gestion est assurée par l’Agence marocaine de l’énergie solaire (MASEN), est de devenir une plateforme de production énergétique à destination du marché intérieur mais aussi de l’Europe voisine.
Voilà presque trois ans que je travaille au Maroc au sein de l'équipe de la Banque mondiale chargée d’accompagner les projets nationaux de développement des énergies propres, et plus précisément de l’énergie solaire concentrée. Pionnier de l'énergie propre en Afrique, le Maroc incarne selon moi un rôle de visionnaire, non seulement au sein de la région mais pour le monde entier. C’est là l’étoffe des vrais héros, et je suis fière d’avoir travaillé avec mes collègues de la Banque mondiale pour que la MASEN puisse concrétiser l’ambition solaire marocaine.
Je regarde le Solar Impulse et je dois retirer mes Ray-Ban, tellement j’en ai les larmes aux yeux...
L’imagination humaine a pris son envol. Voyez par vous-même.
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* Acteur principal du film "L'Étoffe des héros"
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