Le Liban et la Jordanie fournissent à la communauté internationale un bien public mondial en accueillant un nombre impressionnant de réfugiés syriens fuyant le conflit qui fait rage dans leur pays. Ils sont actuellement plus de deux millions à vivre dans ces deux pays, voisins de la Syrie, lesquels ont des ressources limitées mais ne s’en montrent pas moins incroyablement généreux en leur ouvrant la porte sans hésiter, dans un élan d’humanité que l’histoire moderne n’avait jamais connu.
Au Liban, les Syriens représentent aujourd’hui plus de 25 % de la population. En Jordanie, cette proportion est légèrement inférieure, mais suffisamment importante pour peser sur l’économie et le tissu social. À mesure que les jours passent sans le moindre signe indiquant une fin prochaine du conflit, la question des réfugiés repousse les limites de la générosité en Jordanie et au Liban et ne fait qu’exacerber les problèmes politiques et de sécurité déjà considérables qui accablent ces deux pays. Imaginez que toute la population du Mexique afflue aux États-Unis en l’espace de deux ans. Imaginez que 20 millions de personnes traversent la Méditerranée pour débarquer en Europe du Sud. Imaginez…
La communauté internationale pourrait mettre plus d’empressement à aider ces deux pays, qui paient le prix fort pour une crise dont ils ne sont pas responsables et contre laquelle ils ne peuvent rien. Imaginez si le Liban et la Jordanie avaient choisi de fermer leurs frontières et de laisser des millions de personnes prises en étau entre un conflit impitoyable et un horizon bouché.
Le conflit syrien engendre des défis de développement significatifs pour les pays voisins, ne serait-ce qu’en raison des déplacements massifs de populations fuyant les violences meurtrières et des changements démographiques brusques qu’ils induisent.
On peut discerner trois phases dans l’approche adoptée par la communauté internationale vis-à-vis de l’impact de la crise syrienne sur la région du Machrek et dans ses tentatives pour y remédier.
Dans un premier temps, le monde a considéré la guerre civile syrienne et ses répercussions d’un point de vue purement humanitaire, en ne prêtant guère attention à ses effets sur les pays voisins.
Le système des Nations Unies, et en particulier le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), ainsi que les donateurs bilatéraux se sont rapidement engagés auprès des gouvernements libanais et jordanien pour organiser les premières mesures d’aide. Des camps ont été installés, principalement en Jordanie, et des établissements informels ont été tolérés au Liban.
Ensuite, les flux de réfugiés ont fortement augmenté, engendrant des défis humanitaires, de sécurité et de développement pour les pays d’accueil. La communauté internationale a commencé à évoquer la nécessité de lier aide humanitaire et appui au développement. Des instruments ont été mis en place, comme les plans de réaction rapide, les plans de stabilisation et les feuilles de route des Nations Unies. Plusieurs évaluations ont été effectuées, dont la plus révélatrice est l’ évaluation de l’impact économique et social de la crise syrienne sur le Liban, pilotée par la Banque mondiale. Ce document a permis au monde entier de prendre conscience de la situation alarmante dans laquelle se trouve ce pays.
Sur le plan du financement, le Fonds fiduciaire multidonateurs pour le Liban, géré par la Banque mondiale, ainsi que des opérations d’urgence à l’intention de la Jordanie et d’autres mécanismes de financement ont été instaurés. Ils témoignent de la volonté d’aider ces deux pays à surmonter ce choc venu de l’extérieur, qui met en péril leur propre développement et réduit à néant les progrès accomplis dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’eau et de l’assainissement.
Aujourd’hui, la situation sur le terrain prend un tour dramatique. On est en train de comprendre que la solution n’est pas pour demain. Aucune fin n’est en vue pour le conflit syrien. Et nul ne peut prévoir quand les réfugiés pourront rentrer chez eux. La seule certitude, c’est que la Jordanie et le Liban doivent s’occuper à la fois de leurs propres citoyens et des millions de réfugiés qui vivent à leurs côtés. Ces pays, et la planète entière, assistent à un bouleversement démographique sans précédent : en moins de trois ans, la population libanaise est passée de 4,2 millions à environ 5,5 millions d’habitants. La Jordanie a connu une évolution analogue, quoique d’une ampleur légèrement moindre.
C’est à ce nouvel état de fait qu’il convient de remédier de toute urgence, par des méthodes et des instruments nouveaux. Plus question ici d’actions humanitaires ou d’aide au développement ordinaires. Nous assistons à une transformation démographique, à des défis économiques et sociaux risquant de porter gravement préjudice à ces pays en remettant en cause les acquis de développement, certes insuffisants mais bien réels, engrangés au cours des 30 dernières années. Dans le cas du Liban, où l’équilibre social est si particulier, c’est l’existence même du pays qui est menacée.
Le déploiement d’une approche axée sur le développement dans le but d’atténuer l’impact du conflit syrien est loin de répondre aux besoins, car l’appui budgétaire aux pays d’accueil reste limité. Ce conflit est aujourd’hui dans sa cinquième année, et l’on s’accorde à considérer qu’il convient aussi d’en traiter les retombées par des approches axées sur le développement. Or, le financement consenti pour ces approches demeure modeste par rapport aux besoins, surtout dans le cas du Liban.
Les partenaires humanitaires et au développement, y compris les donateurs, apportent un appui sensiblement plus important aux dépenses extrabudgétaires des pays d’accueil. Cette aide atténue bien sûr une partie des retombées sur le développement pour les populations locales et les réfugiés, mais n’allège en rien les pressions qui pèsent sur les budgets nationaux.
À l’évidence, les besoins financiers des pays d’accueil dépassent largement les moyens de la Jordanie et du Liban : les dons sont limités à une fraction de ce qui est nécessaire, et risquent bien de le rester. Le financement classique du développement est disponible à l’échelle requise, mais les pays à revenu intermédiaire voisins de la Syrie ne sont pas éligibles aux emprunts à taux concessionnels offerts aux pays pauvres.
Aujourd’hui, il est impératif que tous les membres de la communauté internationale et les donateurs multilatéraux imaginent des moyens inédits d’aider le Liban et la Jordanie à absorber le stress économique et social causé par cette crise sans précédent. La Banque mondiale doit jouer un rôle moteur dans cette démarche.
Si le monde continue d’abandonner les pays d’accueil, le prix à payer sera colossal. Plutôt que de contribuer à financer le bien public mondial que ces pays procurent, la communauté internationale devra régler la facture pour le « préjudice public » mondial que cette indifférence vis-à-vis de la Jordanie et du Liban ne manquera pas d’entraîner.
Au Liban, les Syriens représentent aujourd’hui plus de 25 % de la population. En Jordanie, cette proportion est légèrement inférieure, mais suffisamment importante pour peser sur l’économie et le tissu social. À mesure que les jours passent sans le moindre signe indiquant une fin prochaine du conflit, la question des réfugiés repousse les limites de la générosité en Jordanie et au Liban et ne fait qu’exacerber les problèmes politiques et de sécurité déjà considérables qui accablent ces deux pays. Imaginez que toute la population du Mexique afflue aux États-Unis en l’espace de deux ans. Imaginez que 20 millions de personnes traversent la Méditerranée pour débarquer en Europe du Sud. Imaginez…
La communauté internationale pourrait mettre plus d’empressement à aider ces deux pays, qui paient le prix fort pour une crise dont ils ne sont pas responsables et contre laquelle ils ne peuvent rien. Imaginez si le Liban et la Jordanie avaient choisi de fermer leurs frontières et de laisser des millions de personnes prises en étau entre un conflit impitoyable et un horizon bouché.
Le conflit syrien engendre des défis de développement significatifs pour les pays voisins, ne serait-ce qu’en raison des déplacements massifs de populations fuyant les violences meurtrières et des changements démographiques brusques qu’ils induisent.
On peut discerner trois phases dans l’approche adoptée par la communauté internationale vis-à-vis de l’impact de la crise syrienne sur la région du Machrek et dans ses tentatives pour y remédier.
Dans un premier temps, le monde a considéré la guerre civile syrienne et ses répercussions d’un point de vue purement humanitaire, en ne prêtant guère attention à ses effets sur les pays voisins.
Le système des Nations Unies, et en particulier le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), ainsi que les donateurs bilatéraux se sont rapidement engagés auprès des gouvernements libanais et jordanien pour organiser les premières mesures d’aide. Des camps ont été installés, principalement en Jordanie, et des établissements informels ont été tolérés au Liban.
Ensuite, les flux de réfugiés ont fortement augmenté, engendrant des défis humanitaires, de sécurité et de développement pour les pays d’accueil. La communauté internationale a commencé à évoquer la nécessité de lier aide humanitaire et appui au développement. Des instruments ont été mis en place, comme les plans de réaction rapide, les plans de stabilisation et les feuilles de route des Nations Unies. Plusieurs évaluations ont été effectuées, dont la plus révélatrice est l’ évaluation de l’impact économique et social de la crise syrienne sur le Liban, pilotée par la Banque mondiale. Ce document a permis au monde entier de prendre conscience de la situation alarmante dans laquelle se trouve ce pays.
Sur le plan du financement, le Fonds fiduciaire multidonateurs pour le Liban, géré par la Banque mondiale, ainsi que des opérations d’urgence à l’intention de la Jordanie et d’autres mécanismes de financement ont été instaurés. Ils témoignent de la volonté d’aider ces deux pays à surmonter ce choc venu de l’extérieur, qui met en péril leur propre développement et réduit à néant les progrès accomplis dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’eau et de l’assainissement.
Aujourd’hui, la situation sur le terrain prend un tour dramatique. On est en train de comprendre que la solution n’est pas pour demain. Aucune fin n’est en vue pour le conflit syrien. Et nul ne peut prévoir quand les réfugiés pourront rentrer chez eux. La seule certitude, c’est que la Jordanie et le Liban doivent s’occuper à la fois de leurs propres citoyens et des millions de réfugiés qui vivent à leurs côtés. Ces pays, et la planète entière, assistent à un bouleversement démographique sans précédent : en moins de trois ans, la population libanaise est passée de 4,2 millions à environ 5,5 millions d’habitants. La Jordanie a connu une évolution analogue, quoique d’une ampleur légèrement moindre.
C’est à ce nouvel état de fait qu’il convient de remédier de toute urgence, par des méthodes et des instruments nouveaux. Plus question ici d’actions humanitaires ou d’aide au développement ordinaires. Nous assistons à une transformation démographique, à des défis économiques et sociaux risquant de porter gravement préjudice à ces pays en remettant en cause les acquis de développement, certes insuffisants mais bien réels, engrangés au cours des 30 dernières années. Dans le cas du Liban, où l’équilibre social est si particulier, c’est l’existence même du pays qui est menacée.
Le déploiement d’une approche axée sur le développement dans le but d’atténuer l’impact du conflit syrien est loin de répondre aux besoins, car l’appui budgétaire aux pays d’accueil reste limité. Ce conflit est aujourd’hui dans sa cinquième année, et l’on s’accorde à considérer qu’il convient aussi d’en traiter les retombées par des approches axées sur le développement. Or, le financement consenti pour ces approches demeure modeste par rapport aux besoins, surtout dans le cas du Liban.
Les partenaires humanitaires et au développement, y compris les donateurs, apportent un appui sensiblement plus important aux dépenses extrabudgétaires des pays d’accueil. Cette aide atténue bien sûr une partie des retombées sur le développement pour les populations locales et les réfugiés, mais n’allège en rien les pressions qui pèsent sur les budgets nationaux.
À l’évidence, les besoins financiers des pays d’accueil dépassent largement les moyens de la Jordanie et du Liban : les dons sont limités à une fraction de ce qui est nécessaire, et risquent bien de le rester. Le financement classique du développement est disponible à l’échelle requise, mais les pays à revenu intermédiaire voisins de la Syrie ne sont pas éligibles aux emprunts à taux concessionnels offerts aux pays pauvres.
Aujourd’hui, il est impératif que tous les membres de la communauté internationale et les donateurs multilatéraux imaginent des moyens inédits d’aider le Liban et la Jordanie à absorber le stress économique et social causé par cette crise sans précédent. La Banque mondiale doit jouer un rôle moteur dans cette démarche.
Si le monde continue d’abandonner les pays d’accueil, le prix à payer sera colossal. Plutôt que de contribuer à financer le bien public mondial que ces pays procurent, la communauté internationale devra régler la facture pour le « préjudice public » mondial que cette indifférence vis-à-vis de la Jordanie et du Liban ne manquera pas d’entraîner.
Prenez part au débat