Publié sur Voix Arabes

Améliorer les données sur la pauvreté dans le monde : le cas de l’Algérie

ImageLe Groupe de la Banque mondiale a défini des objectifs clairs et ambitieux (a) pour mettre fin à la pauvreté d’ici 2030 et pour promouvoir une prospérité partagée dans chaque pays. Ces deux grands objectifs guident nos opérations, nos analyses et nos conseils en matière de politique publique. La mesure de l’extrême pauvreté est ainsi devenue un objectif institutionnel (a) explicite au sein du Groupe de la Banque mondiale. Cependant, lorsque nous cherchons à déterminer les avancées réalisées dans le monde, nous nous heurtons à un problème en apparence simple, mais qu’il est crucial de résoudre : le manque d’estimations comparables au niveau international. Il est en effet indispensable de disposer d’estimations de qualité, comparables et fréquentes sur la pauvreté pour cibler les programmes, les dépenses et les conseils destinés à ceux qui en ont besoin, afin de produire un impact maximal.

Ce problème se pose tout particulièrement pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (région MENA) : à ce jour, les rapports du Groupe de la Banque mondiale ne présentent presque pas d’informations sur les pays de cette région, faute de données d’enquête disponibles et en raison des difficultés à obtenir, pour certains pays, les données les plus récentes en parité de pouvoir d’achat (PPA). En 2013, par exemple, les données disponibles ne couvraient que 34 % de la population de la région MENA, ce qui nous a conduit à ne pas publier une estimation régionale plus trompeuse qu’utile (contrairement à toutes les autres régions du monde pour lesquelles nous avons été en mesure de fournir ces estimations). Or, sachant que la région MENA connaît actuellement des mutations politiques, sociales et économiques, il est plus que jamais essentiel de pouvoir déterminer plus précisément le niveau de vie de ses habitants.

Graphique 1. Évolution des taux d’extrême pauvreté dans les différentes régions du monde, sur la base d’un seuil de pauvreté de 1,90 dollar par jour en PPA de 2011
 
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Pour tenter de remédier à ces lacunes, notre équipe au sein du pôle mondial d’expertise en Pauvreté a mis en place un vaste programme d’assistance technique en collaboration avec plusieurs bureaux de statistique de la région MENA. Ainsi, récemment, nous avons travaillé avec l’Office national des statistiques (ONS) de l’Algérie pour produire des estimations du bien-être de la population, qui peuvent notamment aider ce pays à mieux cibler les programmes destinés aux plus pauvres. Nous avons d’abord utilisé des données groupées qui proviennent de l’enquête de 2010/11 sur la consommation des ménages, et que l’ONS nous a gracieusement communiquées, pour calculer les dépenses journalières de toutes les catégories sociales. Nous avons ensuite estimé des indicateurs du bien-être pour déterminer l’ampleur de la pauvreté et des inégalités. L’intégration des données relatives à l’Algérie permettra de porter à plus de 40 % le taux de couverture des enquêtes dans la région MENA et, ce faisant, de publier les estimations du taux de pauvreté régional (graphique 2).
 
Graphique 2. Taux de couverture des enquêtes dans la région MENA, avec et sans les données de 2011 relatives à l’Algérie
 
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Source : Calculs des auteurs d’après la base de données PovcalNet.
 
D’après les données de 2010/11, un Algérien dépense, en moyenne, environ 262,86 dinars par jour, soit l’équivalent de 8,14 dollars (en PPA de 2011) *. Seulement 0,5 % de la population du pays (170 000 personnes) vit dans l’extrême pauvreté (moins de 1,90 dollar par personne et par jour), mais le taux d’extrême pauvreté est plus élevé dans les zones urbaines que dans les zones rurales, ce qui est peu fréquent. En prenant pour base un seuil de pauvreté de 3,10 dollars par jour (en PPA de 2011), nous estimons le taux de pauvreté à 3,3 %. Par comparaison, le taux de pauvreté national officiel, qui se fonde sur le seuil de pauvreté « élevé », est de 5,5 %. En PPA de 2011, le seuil de pauvreté est de 3,57 dollars dans les zones urbaines (taux de pauvreté de 5,8 %) et de 3,18 dollars dans les zones rurales (taux de pauvreté de 4,8 %). Les chiffres font aussi apparaître des inégalités moins fortes dans ce pays que dans les autres pays de la région (du moins dans ceux pour lesquels nous disposons de données) : l’Algérie affiche un indice de Gini de 27,61 (graphique 4).
 
Graphique 3. Taux de pauvreté dans un échantillon de pays de la région MENA, sur la base d’un seuil de pauvreté de 3,10 dollars et d’un seuil de pauvreté de 1,90 dollar par jour en PPA de 2011
 
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Source : Base de données PovcalNet au 16 mai 2017.
 
Notes : Ce graphique ne présente que les données autour de l’année 2010. Dans le cas du Maroc, les données disponibles pour 2006 indiquent un taux de pauvreté de 15,5 % sur la base d’un seuil de pauvreté de 3,10 dollars/jour (et de 1,3 % sur la base d’un seuil de pauvreté de 1,90 dollar/jour). Djibouti (2013) ne figure pas sur ce graphique, pour des questions de présentation ; d’après les données disponibles, le taux de pauvreté dans ce pays serait de 43 % sur la base d’un seuil de pauvreté de 3,10 dollars/jour (et de 22,5 % sur la base d’un seuil de pauvreté de 1,90 dollar/jour). 
 
Graphique 4. Indices de Gini dans un échantillon de pays de la région MENA
 
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Source : Base de données PovcalNet au 16 mai 2017.
 
La publication des données de l’Algérie est essentielle pour améliorer la disponibilité des données relatives à la région MENA. En incluant l’Algérie, un pays qui comptait environ 38,1 millions d’habitants en 2013, il sera possible d’élargir nettement la couverture de la base de données sur cette région, de disposer du volume de données minimum qui est nécessaire pour publier un rapport, et d’actualiser les estimations régionales pour les périodes correspondantes. Avec nos partenaires, nous pourrons alors attirer davantage l’attention de la communauté internationale sur le sort des plus démunis. Nous allons continuer de travailler avec les autorités nationales, non seulement dans la région MENA, mais plus largement dans le monde entier, pour accroître la disponibilité des données afin que nos programmes et nos politiques puissent s’appuyer sur une analyse complète de la situation et des besoins des populations dont nous cherchons à améliorer les conditions de vie.

Auteurs

Gabriel Lara Ibarra

Économiste au sein du pôle mondial d'expertise sur la pauvreté et l'équité

Aziz Atamanov

Senior Economist, Poverty Global Practice, World Bank

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