Le Liban traverse actuellement une série de crises d’une ampleur sans précédent, catastrophique sur le plan socioéconomique, et exacerbée par la pandémie de COVID-19.
Les défaillances de la gouvernance y ont augmenté les risques de corruption et de mainmise des élites sur les institutions étatiques, au détriment de l’utilisation efficace des ressources publiques. Elles ont également pour effet de perpétuer un système caractérisé par la faiblesse de la gestion des finances publiques et des mécanismes de passation des marchés. Les capacités des institutions publiques de supervision sont insuffisantes : leurs fonctions de contrôle et d’audit internes sont très limitées, ce qui augmente le risque de détournement et de mauvaise gestion des fonds publics. Cette situation est aggravée par l’absence de mécanisme indépendant pour le traitement des plaintes en matière de passation des marchés et d’organisme de réglementation de la commande publique, deux éléments essentiels à l’usage transparent et responsable des deniers de l’État. Il n’est donc pas surprenant que les citoyens aient peu confiance dans les institutions publiques : le Liban occupe le 149e rang mondial selon l’indice de perception de la corruption de Transparency International (2020).
Dans ce contexte, des mécanismes de responsabilisation solides et transparents et des systèmes de vérification indépendants sont nécessaires pour garantir le respect des politiques et procédures de la Banque mondiale dans le cadre des projets qu’elle finance au Liban. Ces dispositifs sont également essentiels pour garantir la confiance des citoyens dans les opérations financées par la Banque, a fortiori aujourd’hui avec la mise en place d’interventions d’urgence visant à sauver des vies et à préserver des moyens de subsistance. Mais le renforcement des mesures de transparence a un coût. Et les ressources nécessaires ne sont pas facilement disponibles dans un pays où les financements, limités, doivent en priorité être dirigés vers un maximum de bénéficiaires.
Les responsables de projets de la Banque mondiale au Liban ont mis en place des mécanismes de vérification et de suivi indépendants, et exigé, dans le cadre des accords de financement juridiquement contraignants, le recrutement d’agents de suivi tiers. Ces agents sont chargés de contrôler de manière indépendante l’exécution de projets aux bénéficiaires et aux fins prévus.
En janvier 2021, la Banque mondiale a approuvé sa première opération de soutien à la vaccination contre la COVID-19 en réaffectant 34 millions de dollars au titre du projet sur le renforcement de la résilience du système de santé au Liban. Afin d’assurer le respect de ses politiques fiduciaires et de sauvegarde, ainsi que du plan de vaccination national, la Banque mondiale a fait appel à un agent de suivi tiers pour surveiller de manière indépendante le déploiement des vaccins et veiller à leur bonne manipulation ainsi qu’à leur accès équitable, large et rapide.
La définition de ce mandat a donné lieu à une coordination poussée entre les diverses équipes de la Banque mondiale concernées — contrôle fiduciaire, secteur de la santé, unité de gestion-pays et services institutionnels —, qui se sont mobilisées en quelques jours seulement, témoignant d’un remarquable engagement interservices. La Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) a été choisie comme organisme de suivi tiers et le contrat a été signé en 24 heures dans le respect des directives sur la passation des marchés.
Les activités de suivi de la FICR couvrent la gestion de la chaîne d’approvisionnement des vaccins anti-COVID ainsi que leur administration sur les sites de vaccination et dans les dispensaires itinérants. Les rapports de la FICR sont diffusés au public et les informations détaillées recueillies par les observateurs sur le terrain contribuent à l’amélioration continue de l’efficacité de la campagne de vaccination.
Des mécanismes indépendants de vérification et de suivi ont également été intégrés dans d’autres projets, avec une participation accrue des organismes des Nations Unies qui utilisent des approches simplifiées dans le cadre d’accords types. Face à la demande croissante de transparence et de responsabilisation, il est envisagé de faire appel à des organismes de suivi tiers pour les programmes de transferts monétaires, notamment pour vérifier l’éligibilité des bénéficiaires et pour obtenir l’assurance que les versements effectués par les organismes des Nations Unies sous contrat atteignent bien les bénéficiaires finaux. Leurs rapports respectifs seront diffusés au public.
La portée du contrat avec l’agent de suivi tiers et l’approche adoptée varient selon l’objectif poursuivi, le but étant d’aider la Banque mondiale à satisfaire ses exigences fiduciaires. Parallèlement, les équipes de projet de la Banque mondiale suivent de près la mise en œuvre des projets, y compris à travers l’examen des rapports des agents de suivi tiers et l’évaluation de leurs performances. L’adoption de mécanismes de vérification innovants pour répondre aux risques croissants de corruption et de détournement de fonds dans un contexte fragile est désormais une nécessité. La vérification indépendante, associée à d’autres mécanismes de suivi tels que les visites sur le terrain, la géolocalisation, les outils de participation citoyenne ou encore l’assistance directe à la mise en œuvre sont conçus pour contribuer efficacement à l’objectif ultime de la Banque mondiale en matière d’assurance fiduciaire, à savoir garantir que « les fonds sont utilisés aux fins prévues ».
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