Dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENA), 20 % seulement des femmes en âge de travailler exercent un emploi ou en recherchent un activement. Les femmes ne représentent actuellement que 21 % de la population active et elles contribuent à seulement 18 % du PIB régional (a). Si, au cours de la décennie écoulée, la région MENA était parvenue à résorber l’écart entre les taux d’activité des hommes et des femmes, son taux de croissance aurait été deux fois supérieur, avec, à la clé, un gain d’environ 1 000 milliards de dollars en production cumulée. Or, au contraire, le fossé hommes-femmes sur le marché du travail « traditionnel » s’est étendu au reste de l'économie, et notamment au secteur des nouvelles technologies, où la population féminine est à la traîne en matière d’accessibilité et d’utilisation des services numériques Dans la région MENA, une femme a 9 % de chances en moins qu’un homme de posséder un téléphone portable et 21 % de chances en moins (a) d’utiliser une connexion internet mobile.
Ce statu quo n’est pas tenable. Il est temps d’agir autrement et d’œuvrer collectivement pour concevoir et appliquer, sur la base de données probantes, les politiques et programmes innovants qui permettront d’en finir définitivement avec les disparités hommes-femmes dans la région. Alors que le fossé entre les sexes ne cesse de se creuser, il est indispensable de prendre des mesures sur de nombreux plans : les opportunités d’emploi et les rémunérations, mais aussi la mobilité, l’accessibilité et l’utilisation des services numériques, ou encore l’acquisition de compétences comportementales et l’accès aux postes de direction — sans oublier la collecte de données sexospécifiques et le manque de connaissances sur les points de vue des hommes et des femmes concernant l'égalité des sexes.
À cette fin, et à l’occasion de la Journée internationale des femmes 2019, la Banque mondiale lance le Laboratoire d’innovation sur le genre et l'égalité des sexes dans la région MENA (ou MNAGIL selon son acronyme en anglais). Initiative sans précédent dans la région, ce pôle de recherche sert de plate-forme régionale pour la réalisation d'études rigoureuses et d’interventions novatrices qui viendront éclairer la conception et la mise en œuvre de politiques et de programmes en faveur de l’égalité des sexes dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. Le Laboratoire réalise des évaluations d’impact (a) en recourant à des essais randomisés contrôlés afin de discerner ce qui marche et ce qui ne marche pas, et pourquoi, et de comprendre comment favoriser l’autonomisation des femmes dans la région MENA. Il s’associera aussi à des responsables publics de la région et des professionnels du monde entier pour améliorer en permanence les interventions destinées à éliminer les nombreuses disparités entre hommes-femmes dans la région, en particulier dans les situations de conflit et parmi les populations réfugiées et déplacées.
Des croyances et pratiques culturelles aux lois et réglementations restrictives, en passant par la multitude de normes sociales discriminantes qui empêchent les femmes d'accéder aux emplois, aux services numériques et aux formations professionnelles : les inégalités entre les sexes s’aggravent dans la région MENA, en particulier dans les régions fragiles et reculées. Afin d’inverser cette tendance, le Laboratoire a mis en place un cadre unifié reposant sur trois piliers stratégiques. Ces « 3 A » sont les suivants :
1. Faire Avancer les femmes dans la vie active : il s'agit ici de renforcer l’offre de formation à un métier et au numérique pour les femmes afin de créer des entreprises et d’accroître leur mobilité et leurs choix professionnels. Le faible taux d'activité des femmes dans la région MENA est le signe d’un manque d’investissements criant dans l’éducation des femmes et dans le développement de leurs compétences, mais aussi en matière de santé et de nutrition. De même, il est capital de promouvoir l’enseignement des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM) chez les filles et les femmes et de les doter de compétences numériques ; de leur permettre de tirer parti des nouvelles technologies et des meilleures pratiques pour améliorer leur productivité ; et de favoriser leur insertion en soutenant leur accès à des emplois de début de carrière. La recherche (a) montre en effet que les femmes qui exécutent un plus grand nombre de tâches liées aux technologies de l’information et de la communication (TIC) perçoivent des rémunérations supérieures (jusqu’à 12 %) que celles ne possédant pas ces compétences.
3. Accélérer l'accès des femmes aux financements : l’enjeu ici est de soutenir l’autonomie des femmes en facilitant leur accès aux services financiers, bancaires et de crédit ainsi qu’aux paiements numériques. Selon une étude récente de l’IFC (a), les micro-entreprises féminines de la région MENA souffrent d’un manque de financements qui se chiffre à 16 milliards de dollars, ce qui correspond au deuxième déficit le plus élevé du monde (29 %) après l’Asie de l’Est. La région présente également de fortes disparités hommes-femmes en ce qui concerne la possession de biens et d’un compte bancaire (figure 1). Les données ventilées par sexe sont insuffisantes, notamment en ce qui concerne la mobilité et les déplacements. Il faut surtout et absolument produire des données sur le comportement et l’opinion des femmes en matière de moyens de transport.
Figure 1. Taux de bancarisation chez les hommes et les femmes, 2018
Source : Données de la Banque mondiale.
3. Renforcer la capacité d’Agir et la voix des femmes : il faut s’attacher à promouvoir et faire appliquer les lois et réglementations en faveur de l'égalité des chances en veillant à ce qu’elles correspondent aux besoins des femmes, tout en brisant les barrières culturelles qui les empêchent de participer à la vie économique. Selon l’édition 2018 du rapport de la Banque mondiale sur les Femmes, l’Entreprise et le Droit, plus de la moitié des pays de la région MENA interdisent aux femmes de travailler dans certains secteurs. En outre, dans 65 % des pays, il est considéré comme déplacé ou moralement répréhensible qu’une femme travaille en dehors du foyer familial (figure 2). Dans un nombre encore plus grand de pays, les femmes ne jouissent pas des mêmes droits de succession (foncière et autre) que les hommes et ne peuvent pas ouvrir un compte en banque sans l’autorisation d’un parent masculin.
Figure 2. Restrictions à l’emploi des femmes
Nous vous invitons à consulter le site web du Laboratoire d’innovation sur le genre et l'égalité des sexes dans la région MENA pour en savoir plus sur le programme de recherche, accéder à des données et vous tenir informés des appels à propositions.
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