Chaque année en Iran, le 23 septembre marque la reprise des cours dans les écoles et les universités. Alors même qu’il est capable de produire le meilleur — en témoigne le parcours de la regrettée
Maryam Mirzakhani, la seule femme à avoir obtenu à ce jour la médaille Fields, qui récompense l’excellence en mathématiques — le système éducatif iranien est en crise. Je voudrais revenir ici sur une situation qui pénalise depuis longtemps l’enseignement supérieur iranien et qui s’est aggravée depuis dix ans.
Commençons par planter le décor avec quelques chiffres : en 2015-16, plus de 4,3 millions d’Iraniens suivaient un cursus dans les universités du pays ; soit plus de 5 % de la population totale et 7,4 % des adultes iraniens (les 19 ans et plus). Pour bien comprendre ce que cela implique, comparons ces chiffres à ceux des États-Unis : en 2016, 20,4 millions d’Américains étaient inscrits à l’université, soit à peine plus de 6 % de la population totale (et 8,3 % des adultes). Entre les économies iranienne et américaine, le rapport est de 1 à 47 et la plupart des diplômés des universités aux États-Unis sont des ressortissants de pays étrangers qui rentreront travailler dans leurs pays respectifs. Ces données montrent que l’Amérique forme juste assez de diplômés du supérieur pour sa propre économie.
Et c’est là où transparaît la crise du système d’enseignement supérieur iranien, qui produit nettement plus de diplômés (dont le niveau est souvent médiocre) que l’économie nationale ne peut en absorber. Cette tendance, qui n’a fait que s’aggraver en dix ans, a eu pour conséquence d’exacerber les tensions économiques, sociales et politiques dans le pays.
Cela se traduit avant tout par l’insatisfaction des jeunes face aux perspectives économiques qui s’offrent à eux. Selon des chiffres officiels de la Banque mondiale, le chômage des jeunes (âgés de 15 à 24 ans) ressortirait aux environs de 26 % en 2016. Un tel niveau d’inactivité constitue, d’autant qu’il est probablement très sous-évalué, une sérieuse menace pour la stabilité économique et sociale de l’Iran, sans parler de sa sécurité. La moitié environ de ces jeunes sont diplômés de l’université. Et quelle que soit la qualité de leur diplôme ou son adéquation à l’économie locale, ces jeunes gens nourrissent des aspirations supérieures et sont donc encore plus déçus par les performances de l’économie de leur pays.
Je m’intéresse à l’évolution de l’économie et de la société iraniennes depuis un certain nombre d’années et j’ai vécu plus d’un an dans le pays comme chercheur et enseignant. Là, j’ai été en contact régulier avec les étudiants inscrits à l’université de Téhéran, l’un des deux établissements préférés des cerveaux les plus brillants. Je peux affirmer que la plupart d’entre eux, tous sortis dans les premiers rangs de leurs lycées, n’avaient aucune vision, aucun plan ni aucun espoir pour l’avenir une fois obtenu le diplôme de la meilleure université du pays. Pour eux, l’obtention d’un emploi reste un rêve distant d’autant que, dans ce pays, il faut surtout faire jouer les relations personnelles pour décrocher du travail. Leur intense frustration était tout à fait palpable et à l’origine de bien des troubles politiques et maux sociaux dans le pays.
Plus d’une fois, des étudiants m’ont demandé comment faire pour intégrer une université américaine ou européenne, estimant n’avoir aucun avenir en Iran. Cet exode des cerveaux est le deuxième visage de la crise de l’enseignement supérieur du pays. Autrement dit, les universités iraniennes forment d’excellents élèves (souvent gratuitement) au seul profit des économies occidentales qui, en les absorbant, seront les bénéficiaires de cet investissement. Selon une étude du FMI qui remonte à 1999 (a), plus de 25 % des Iraniens diplômés du supérieur vivaient et travaillaient à l’étranger, dans un pays de l’OCDE. Il n’y a aucune raison pour que cet exode ait ralenti. D’après des estimations, ces expatriations représenteraient chaque année plus de 50 milliards de dollars de manque à gagner, soit 1/8 e du PIB de 2016. Une ponction qui constitue à l’évidence une sérieuse perte pour l’économie du pays.
Empêtrée dans de multiples obstacles, l’économie iranienne est virtuellement incapable d’accélérer le rythme de la création de richesses et d’emplois. J’y reviendrai dans mes prochains billets.
On voit par là que la seule solution à ce problème de « sur-éducation » des Iraniens consiste à ramener le nombre de diplômés à un niveau qui autorise leur absorption par l’économie locale. Cela permettrait non seulement de dégager des ressources pour améliorer la qualité de l’enseignement et mettre l’accent sur les compétences et les filières adaptées au marché du travail mais aussi de réduire, voire d’enrayer, l’exode des cerveaux. Pourquoi ? Parce qu’un vivier plus restreint de diplômés du supérieur augmenterait les chances de chacun de trouver un emploi bien rémunéré sur place et, partant, réduirait la tentation de partir à l’étranger, malgré les coûts et les risques. De son côté, le pays pourrait bénéficier des investissements consentis pour éduquer sa jeunesse.
La potion peut sembler amère, mais aux grands maux, les grands remèdes…
Commençons par planter le décor avec quelques chiffres : en 2015-16, plus de 4,3 millions d’Iraniens suivaient un cursus dans les universités du pays ; soit plus de 5 % de la population totale et 7,4 % des adultes iraniens (les 19 ans et plus). Pour bien comprendre ce que cela implique, comparons ces chiffres à ceux des États-Unis : en 2016, 20,4 millions d’Américains étaient inscrits à l’université, soit à peine plus de 6 % de la population totale (et 8,3 % des adultes). Entre les économies iranienne et américaine, le rapport est de 1 à 47 et la plupart des diplômés des universités aux États-Unis sont des ressortissants de pays étrangers qui rentreront travailler dans leurs pays respectifs. Ces données montrent que l’Amérique forme juste assez de diplômés du supérieur pour sa propre économie.
Et c’est là où transparaît la crise du système d’enseignement supérieur iranien, qui produit nettement plus de diplômés (dont le niveau est souvent médiocre) que l’économie nationale ne peut en absorber. Cette tendance, qui n’a fait que s’aggraver en dix ans, a eu pour conséquence d’exacerber les tensions économiques, sociales et politiques dans le pays.
Cela se traduit avant tout par l’insatisfaction des jeunes face aux perspectives économiques qui s’offrent à eux. Selon des chiffres officiels de la Banque mondiale, le chômage des jeunes (âgés de 15 à 24 ans) ressortirait aux environs de 26 % en 2016. Un tel niveau d’inactivité constitue, d’autant qu’il est probablement très sous-évalué, une sérieuse menace pour la stabilité économique et sociale de l’Iran, sans parler de sa sécurité. La moitié environ de ces jeunes sont diplômés de l’université. Et quelle que soit la qualité de leur diplôme ou son adéquation à l’économie locale, ces jeunes gens nourrissent des aspirations supérieures et sont donc encore plus déçus par les performances de l’économie de leur pays.
Je m’intéresse à l’évolution de l’économie et de la société iraniennes depuis un certain nombre d’années et j’ai vécu plus d’un an dans le pays comme chercheur et enseignant. Là, j’ai été en contact régulier avec les étudiants inscrits à l’université de Téhéran, l’un des deux établissements préférés des cerveaux les plus brillants. Je peux affirmer que la plupart d’entre eux, tous sortis dans les premiers rangs de leurs lycées, n’avaient aucune vision, aucun plan ni aucun espoir pour l’avenir une fois obtenu le diplôme de la meilleure université du pays. Pour eux, l’obtention d’un emploi reste un rêve distant d’autant que, dans ce pays, il faut surtout faire jouer les relations personnelles pour décrocher du travail. Leur intense frustration était tout à fait palpable et à l’origine de bien des troubles politiques et maux sociaux dans le pays.
Plus d’une fois, des étudiants m’ont demandé comment faire pour intégrer une université américaine ou européenne, estimant n’avoir aucun avenir en Iran. Cet exode des cerveaux est le deuxième visage de la crise de l’enseignement supérieur du pays. Autrement dit, les universités iraniennes forment d’excellents élèves (souvent gratuitement) au seul profit des économies occidentales qui, en les absorbant, seront les bénéficiaires de cet investissement. Selon une étude du FMI qui remonte à 1999 (a), plus de 25 % des Iraniens diplômés du supérieur vivaient et travaillaient à l’étranger, dans un pays de l’OCDE. Il n’y a aucune raison pour que cet exode ait ralenti. D’après des estimations, ces expatriations représenteraient chaque année plus de 50 milliards de dollars de manque à gagner, soit 1/8 e du PIB de 2016. Une ponction qui constitue à l’évidence une sérieuse perte pour l’économie du pays.
Empêtrée dans de multiples obstacles, l’économie iranienne est virtuellement incapable d’accélérer le rythme de la création de richesses et d’emplois. J’y reviendrai dans mes prochains billets.
On voit par là que la seule solution à ce problème de « sur-éducation » des Iraniens consiste à ramener le nombre de diplômés à un niveau qui autorise leur absorption par l’économie locale. Cela permettrait non seulement de dégager des ressources pour améliorer la qualité de l’enseignement et mettre l’accent sur les compétences et les filières adaptées au marché du travail mais aussi de réduire, voire d’enrayer, l’exode des cerveaux. Pourquoi ? Parce qu’un vivier plus restreint de diplômés du supérieur augmenterait les chances de chacun de trouver un emploi bien rémunéré sur place et, partant, réduirait la tentation de partir à l’étranger, malgré les coûts et les risques. De son côté, le pays pourrait bénéficier des investissements consentis pour éduquer sa jeunesse.
La potion peut sembler amère, mais aux grands maux, les grands remèdes…
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