Voici un an, la Tunisie et l’Égypte s’engageaient dans le Printemps arabe. Comme le rappelle un chat en direct (a) organisé en janvier pour la région, les priorités actuelles des pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) concernent « l’emploi, l’emploi, encore et toujours l’emploi ». C’est pourquoi la conférence organisée à Amman sur le travail des jeunes, Youth@Work: Partnerships for Skills Development, tombait à point nommé pour évoquer toutes ces questions liées à l’inadéquation entre les compétences et l’emploi, à la qualité de l’éducation et à la recherche de solutions régionales pour faciliter la transition entre l’école et le monde du travail. Comme on pouvait s’en douter, la rencontre a suscité un très grand intérêt, rassemblant des représentants des autorités nationales et locales, d’organisations de la société civile, du secteur privé, des donateurs internationaux et de la jeunesse. Même la reine Rania de Jordanie était présente.
Parmi les thèmes abordés, je retiendrai trois points majeurs.
1/ Le large consensus sur l’importance de l’enseignement des compétences pratiques
Depuis quelques années, des éléments probants viennent confirmer l’importance des compétences personnelles et relationnelles, par opposition aux compétences cognitives, pour réussir sur le marché du travail. Cela me réjouit parce que c’est un sentiment largement partagé par les praticiens. Des représentants du secteur privé en ont apporté la confirmation, en rappelant que l’un des plus gros obstacles à l’embauche des jeunes était cette absence de « savoir-être ». Mais de quoi s’agit-il exactement ?
Il me semble que plusieurs acceptations cohabitent encore, certains privilégiant la pensée critique, la résolution de problèmes et la communication quand d’autres se focalisent plutôt sur les compétences techniques de recherche d’emploi. Les discussions ont aussi porté sur les canaux les mieux adaptés pour véhiculer ces compétences et ont notamment évoqué les programmes d’enseignement en classe dès le primaire, l’apprentissage, le tutorat et les programmes de la deuxième chance. Globalement, les participants sont convenus que les compétences personnelles et relationnelles étaient indispensables parce qu’elles sont facilement transférables d’un emploi à l’autre. Elles doivent donc faire partie de tous les niveaux d’éducation et de formation.
2/ L’importance des villes en tant que parties prenantes de l’emploi des jeunes
Alors qu’une majorité des citoyens de la région MENA vivent en milieu urbain, le développement socioéconomique des villes (et donc des pays) est étroitement lié à leur capacité à intégrer correctement la jeunesse dans leur réservoir de main-d’œuvre. Comme l’a souligné Franck Bousquet, responsable sectoriel pour le développement urbain et social au sein de la Région MENA de la Banque mondiale, « on ne peut pas aborder la question des jeunes sans aborder celle des villes ». Les collectivités locales ont donc un rôle primordial à jouer pour relever le défi de l’emploi des jeunes dans la région. C’est là un territoire nouveau pour les donateurs comme pour les municipalités. Les bailleurs de fonds internationaux ont plus l’habitude de traiter avec les gouvernements nationaux qu’avec les maires. De même, les autorités municipales n’ont souvent qu’un mandat restreint en matière de société, d’éducation ou d’emploi, surtout dans une région plutôt centralisée comme celle-ci. Plusieurs maires et conseillers municipaux venus de la région MENA assistaient à la conférence et ont donc pu entamer le dialogue sur ce que l’on peut et doit faire. Mais les discussions se poursuivront dans les mois à venir pour identifier les solutions réalisables.
3/ La volonté croissante de renforcer les connaissances disponibles sur les expériences réussies en matière d’emploi des jeunes
Traditionnellement, la région MENA est en retard pour ce qui concerne la collecte de données solides sur la réussite — ou l’échec — des programmes et des politiques destinés à favoriser le développement des compétences et l’emploi des jeunes. Peu d’évaluations rigoureuses ont été réalisées, ce qui complique, pour les gouvernements et les autres parties prenantes, la prise de décisions avisées. Je m’attendais donc à un public plutôt sceptique pendant la session consacrée au suivi et à l’évaluation. Mais j’avais tort. Le sujet a beaucoup intéressé les participants et la qualité des débats m’a surpris. Une grande majorité d’entre eux a accordé un rôle important au suivi et à l’évaluation dans la mise en place des programmes d’apprentissage, et beaucoup se sont montrés en faveur du recours à des évaluations d’impact rigoureuses (à savoir des évaluations qui permettent de mettre en évidence les évolutions du bien-être des bénéficiaires par rapport à une intervention donnée, en éliminant les influences extérieures). Mais alors que les praticiens et les donateurs sont de plus en plus soucieux de renforcer le volet « suivi et évaluation » de leurs interventions, ils ont aussi donné l’impression d’avoir du mal à mettre en œuvre ce type de dispositifs. Des outils pratiques comme le nouveau guide de la Banque mondiale pour mesurer le progrès des programmes de compétences pour la vie destinés aux jeunes (Practitioner Guide for Measuring Success of Youth Livelihood Programs) ou le réseau de l’emploi des jeunes mis en place par l’initiative Taqeem (a) et la communauté de pratiques Suivi et évaluation (a) ont été chaleureusement accueillis par les participants.
Même s’il n’existe pas de solutions miracles au problème de l’emploi des jeunes, dans la région MENA comme ailleurs, la conférence a confirmé l’importance des partenariats, reconnaissant qu’il fallait faire appel aux avantages comparés de toutes les parties prenantes — État, société civile, universitaires et secteur privé compris — si l’on voulait avancer.
Depuis trois ans, le Partenariat mondial pour l’emploi des jeunes de la Banque mondiale a permis de mieux comprendre comment des partenariats entre organisations régionales et internationales pouvaient contribuer à la mise au point de programmes et de politiques fondés et de meilleure qualité tout en fournissant de précieux enseignements à tous les acteurs impliqués. D’après ce que j’ai pu entendre, donateurs et agences d’exécution semblent prêts à élargir et approfondir ces initiatives et à étudier la faisabilité d’un partenariat régional pour l’emploi des jeunes dans la région MENA. J’espère que nous pourrons tous continuer à dialoguer et à réfléchir sur la manière dont nos institutions peuvent soutenir une telle initiative. Grâce à son expertise et à ses capacités de rassemblement, la Banque mondiale a de toute évidence un rôle à jouer en la matière.
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