Publié sur Voix Arabes

L’emploi dans la région MENA : stimuler l’inclusion, l’équité et la prospérité grâce à la transformation des systèmes de retraite

L’emploi dans la région MENA : stimuler l’inclusion, l’équité et la prospérité grâce à la transformation des systèmes de retraite

Les systèmes de retraite du monde entier ont eu du mal à tenir leur engagement d’assurer une sécurité financière adéquate aux personnes âgées. Dans les pays en développement, la couverture des retraites reste souvent limitée et les prestations sont fréquemment inférieures au seuil de pauvreté. La conception des systèmes de retraite, entre autres facteurs, tend à accentuer l’informalité, seule une fraction des travailleurs formels ayant effectivement accès à une pension. Une couverture restreinte et une redistribution insuffisante amènent les travailleurs à bas salaires à subventionner, en pratique, ceux à revenus plus élevés. Le mode de financement des retraites, basé sur les cotisations, contribue à ce dilemme en créant un déséquilibre entre les contributions des employeurs et les prestations versées aux travailleurs. Ce déséquilibre perpétue un cycle de faibles pensions, d’informalité persistante et de désincitation à l’emploi formel. Par exemple, dans certains pays de la région MENA, un travailleur qui n’atteint pas le nombre requis d’années de cotisation perd les contributions de son employeur. Face à des pressions budgétaires croissantes et à des enjeux de viabilité de la dette, les gouvernements peinent à étendre la couverture et à améliorer les prestations. Combler l’écart entre les promesses des systèmes de retraite et la réalité sur le terrain est un défi urgent qui appelle une action immédiate.

Le fonctionnement des régimes de retraite contributifs soulève aujourd’hui plusieurs défis majeurs. Premièrement, la couverture reste limitée : dans la région MENA, la conception déficiente des systèmes de retraite a contribué à des taux élevés d’informalité – allant de 60 % à plus de 90 % de la population en âge de travailler – entravant ainsi l’inclusion dans les régimes de retraite. Deuxièmement, les pensions versées sont insuffisantes pour garantir aux personnes âgées un niveau de vie minimal et décent, les exposant ainsi au risque de basculer dans la pauhttps://theforum.erf.org.eg/2023/12/19/the-decline-of-social-insurance-in-egypt-directions-for-reform/vreté. Troisièmement, les systèmes de retraite contributifs de la région sont confrontés à des enjeux de viabilité. Les réformes paramétriques, telles que le relèvement de l’âge de départ à la retraite, l’augmentation des taux de cotisation ou la réduction des prestations, se heurtent à une forte résistance politique. Par ailleurs, les efforts visant à élargir la couverture et à améliorer les prestations sont limités par une assiette fiscale restreinte, liée à de nombreuses exonérations, une administration fiscale inefficace et de faibles recettes. Cette situation alimente le risque de surendettement et accentue les vulnérabilités budgétaires des États.

La fragmentation des systèmes de retraite freine également la mobilité sur le marché du travail et encourage les départs anticipés à la retraite, ce qui réduit la durée des contributions économiques. Cela contribue à alimenter l’emploi informel dans la région.

Mais les gouvernements de la région MENA ont la possibilité de mettre en œuvre des réformes pour améliorer la situation, en s’appuyant sur des options de politique publique visant à renforcer les systèmes de retraite et à lutter contre la pauvreté chez les retraités. L’introduction d’une pension de base ou sociale, garantissant un niveau de vie décent à toutes les personnes éligibles, repose sur le principe selon lequel les risques partagés par l’ensemble des citoyens doivent être financés par l’impôt général — comme le montre le modèle mexicain. Une telle mesure permettrait d’accroître la générosité du système et d’élargir la couverture aux populations actuellement exclues.

Deuxièmement, les gouvernements peuvent remplacer les régimes contributifs par des pensions sociales en maintenant les droits acquis des cotisants actuels, en transférant les actifs restants à la propriété de l’État, et en instaurant un versement mensuel fixe pour les nouveaux retraités. Pour garantir la viabilité budgétaire, les impôts directs peuvent être mobilisés pour financer cette pension sociale. Les États doivent : a) instaurer ou augmenter modérément l’impôt sur le revenu (ou d’autres impôts directs) et affecter les recettes supplémentaires à un fonds spécial dédié au financement des pensions sociales ; b) transférer à ce fonds toutes les contributions de l’État destinées aux nouveaux entrants, à utiliser après 40 ans d’application du nouveau régime ; et c) renforcer la gestion et la performance des systèmes existants.

Une autre option consiste à introduire des régimes individuels de retraite (IRA) accompagnés d’incitations fiscales pour encourager une épargne supplémentaire, favorisant ainsi le lissage de la consommation à la retraite. Les régimes volontaires ciblent des groupes spécifiques, sont plus faciles à gérer, améliorent les résultats économiques à long terme grâce à une meilleure efficacité, présentent moins de risques pour les travailleurs que la dépendance à l’État, et assurent une distribution plus équitable des prestations. Par ailleurs, d’autres mesures peuvent contribuer à réduire les subventions, élargir l’assiette fiscale, « taxer les biens nuisibles » (tabac, boissons sucrées, combustibles fossiles, etc.) et supprimer les dépenses fiscales afin de financer les pensions sociales.

  1. Les avantages de l’adoption de telles politiques pour un meilleur système sont les suivants : 
    Une couverture universelle garantissant justice et équité, sans exclusion.
  2. Une augmentation de la générosité, de l’équité et de la confiance dans les prestations sociales, soutenant un contrat social renouvelé.
  3. Un allongement de la vie active (sans incitation à la retraite anticipée) et une mobilité accrue de la main-d’œuvre, notamment entre secteur privé et public.
  4. Une amélioration de l’assiette fiscale, de la viabilité des finances publiques et de la dette, grâce à une conception intelligente de la pension sociale qui prévient les tensions budgétaires liées aux systèmes contributifs insoutenables.
  5. Une compétitivité renforcée via la réduction des coûts salariaux liés aux déductions pour pensions, favorisant de nouveaux avantages concurrentiels.
  6. Davantage d’incitations à l’emploi formel.

Le système proposé présente encore des défis : l’ampleur du secteur informel dans la plupart des pays en développement impose une expansion pragmatique des pensions non contributives ou sociales, tandis que la croissance prévue de la population âgée nécessitera une gestion prudente pour assurer la viabilité des programmes.

Cette proposition vise à satisfaire un large éventail de besoins, garantir une générosité décente et assurer la viabilité budgétaire, réduisant ainsi la pauvreté et les obstacles à la formalisation. Elle doit également :

  1. Veiller à ce que les pensions sociales, associées à des incitations à l’épargne privée, permettent un lissage efficace de la consommation à la retraite.
  2. Mettre en œuvre une fiscalité directe garantissant la viabilité budgétaire de la pension sociale proposée.
  3. Minimiser les incitations pour les bénéficiaires de droits acquis à réduire leurs cotisations et leur participation au marché du travail.

Les réformes proposées visent à garantir des retraites décentes pour tous, en améliorant non seulement la performance des systèmes de retraite, mais aussi en contribuant à un système fiscal plus équitable, efficace et générateur de recettes. En adoptant ces changements, les gouvernements, notamment dans les pays à revenu élevé de la région MENA, pourront réduire l’écart entre promesses et résultats, assurant ainsi un avenir juste et durable pour tous à la retraite.

Ce billet est le troisième d'une série consacrée à l'emploi dans la région MENA. Suivez-nous pour en savoir plus.


Nadir Mohammed

Directeur régional Croissance équitable, finance et institutions pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord

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