La place des femmes dans les transitions démocratiques

Dans une nouvelle étude réalisée avec Mélise Jaud, nous nous penchons sur le processus de transition des régimes autocratiques vers la démocratie. Au cours des cinq dernières décennies, sur les 86 pays qui se sont engagés dans un processus de démocratisation, 42 l’ont menéàterme avec succès et rapidement, 13 y sont parvenus mais lentement et 31 ont échoué. Nous examinons également les facteurs des tentatives de transition dans les régimes autoritaires, ainsi que les facteurs de réussite dans les processus de transition.
L’une des conclusions les plus robustes qui ressort de notre étude est que l’égalitéhommes-femmes constitue un facteur déterminant aussi bien dans la tentative de transition que pour sa réussite. Plus précisément, les disparités d’éducation entre les sexes (soit les taux d’alphabétisation des femmes par rapport aux hommes dans la population adulte) défavorisent la transition, les probabilités de transition démocratique rapide étant inversement proportionnelles aux écarts d’alphabétisation observés. Nos résultats indiquent qu’une diminution de 10 % dans les écarts d’alphabétisation entre les hommes et les femmes augmente de près de 5 % les chances de transition.

De fait, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, le niveau de l’écart d’alphabétisation entre les hommes et les femmes a baissérapidement au cours des deux dernières décennies, ce qui cadre bien avec l’idée selon laquelle l’égalitéentre les sexes est un levier important du changement. De plus, dans le pays qui a vu naître le Printemps arabe — la Tunisie —, les taux de scolarisation des filles et des garçons àl’école primaire et secondaire atteignent des degrés d’égalitéqui sont parmi les plus élevés de la région.

Quel rôle joue exactement l’égalitédes sexes dans les processus de transition démocratique ? Cette question appelle de plus amples recherches mais voici quelques pistes possibles d’explication :

• La démocratie concerne les droits du citoyen et les sociétés garantissant une égalitéd’éducation tendent àattacher par définition une valeur similaire àtous les citoyens.
   
• Le dictateur est un homme fort. Àmesure que les femmes acquièrent de l’instruction, le besoin d’un homme fort s’amenuise.
   
• Plus les femmes sont impliquées dans une révolution et dans ses retombées, plus la révolution a de chances d’être pacifique et de donner lieu par la suite àune coopération accrue.
   

Aujourd’hui, alors que l’on célèbre la Journée internationale des femmes, je voudrais féliciter ces femmes qui font les révolutions et dont l’engagement joue un rôle clédans les transitions et leur réussite.