Secteur clé de l’économie mondiale, le tourisme connaît une croissance très rapide. Il représente 5 % du PIB mondial et 30 % des importations internationales de services (plus de 1 000 milliards de dollars). Rien qu’en 2010, les destinations touristiques du monde entier ont accueilli près d’un milliard de visiteurs, dont 60 millions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (région MENA). Les recettes du tourisme international se sont élevées à 900 milliards de dollars, dont quelque 6 % pour la région MENA, soit environ 50 milliards de dollars. Le constat d’ensemble est que la région MENA affiche des résultats mitigés, non seulement au niveau du nombre de visiteurs et des rentrées d’argent, mais aussi de la capacité du tourisme à créer de l’emploi.
En 2006, Waleed Hazbun consacrait un article(a) au paradoxe du tourisme au Moyen-Orient arabe. Dans cet article très instructif et largement cité, l’auteur analyse l’expansion rapide, et apparemment paradoxale, du tourisme dans la région MENA après les attaques du 11-Septembre, les autres attentats perpétrés dans la région et la guerre en Iraq. L’un des arguments clés de cet article consiste à remettre en question la prétendue fragilité des économies touristiques du Moyen-Orient, à rebours de l’opinion des experts et des médias. Selon le Rapport annuel 2010 de l’Organisation mondiale du tourisme de l’ONU (a), la région MENA est celle qui a réagi le plus vite à la crise de 2008-2009, enregistrant une hausse des visiteurs de plus de 14 % en 2010.
M. Hazbun souligne que quelque chose a changé : « Une grande partie du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord se trouve confronté à un tissu touristique mondial de plus en plus solide et diversifié. L’arrivée massive de pétrodollars a contribué à recentrer les économies touristiques transnationales autour des États riches du Golfe. […] Les touristes et les capitaux en provenance du golfe Persique continuent à soutenir des projets touristiques, du Maroc à Oman. La région a bel et bien cessé d’être au bord de la « périphérie du plaisir » (Turner et Ash, 1975) pour créer au contraire ses propres pôles touristiques de pointe, tels que Dubaï, de nombreuses destinations de la région MENA attirant des visiteurs de tous horizons, en particulier d’Europe et d’Asie. »
Selon les chiffres de l’Organisation arabe du tourisme (a), le secteur du tourisme emploie en Égypte près de deux millions de personnes ; il contribue à 11 % du PIB et constitue la principale source de devises étrangères, à hauteur de 20 %. En Tunisie, environ 400 000 personnes travaillent dans le tourisme, ce secteur représentant 15 % des emplois et près de 8 % du PIB. En 2010, avant les soulèvements populaires, les recettes touristiques de la Syrie avaient atteint plus de 8 milliards de dollars, notamment grâce à une augmentation de 40 % du nombre de touristes, le tourisme représentant alors un peu moins de 15 % des emplois. En Jordanie, la part de l’emploi généré par ce secteur s’élève à environ 20 %, et au Maroc, à 10 %.
Si aujourd’hui l’industrie du tourisme est à l’arrêt dans des pays tels que la Syrie ou le Yémen, elle se redresse déjà en Tunisie et même en Égypte. Ces deux pays ont déjà démontré leur capacité de résistance dans le passé et on peut espérer qu’ils soient en passe de faire encore mieux qu’en 2010. Au Maroc, le secteur a poursuivi sa croissance de 4 %, grâce à l’affluence des touristes arabes qui a permis de compenser la baisse du nombre de visiteurs occidentaux. Dubaï et d’autres destinations du Conseil de coopération du Golfe (CCG) n’ont pas été gravement affectées, à l’exception du Bahreïn, où l’on prévoit malgré tout de meilleurs résultats pour 2012.
Le secteur du tourisme va probablement continuer de résister et même se redresser rapidement à la faveur du retour de la stabilité dans la région. Son essor devra être rapide pour créer de l’emploi et favoriser la croissance, deux revendications centrales des révolutions arabes. La transparence, la responsabilité et l’équité — également revendiquées lors des mouvements populaires — auront aussi une incidence sur l’industrie du tourisme. Il serait naïf d’ignorer l’impact néfaste du népotisme et du favoritisme sur le tourisme dans la région MENA. Avec l’avènement d’un environnement plus équitable, il y a de grandes chances que le secteur connaisse un développement encore plus dynamique qu’auparavant. Les projets à l’étude sont nombreux et cet essor est susceptible de créer des emplois non seulement dans le secteur touristique lui-même, mais aussi indirectement dans de nombreux autres secteurs, tels que le transport, les agro-industries ou encore la publicité.
Il faut aussi souligner le potentiel de l’écotourisme et des autres alternatives touristiques, qui peuvent attirer des investissements et créer de l’emploi dans les régions à la traîne, et ainsi contribuer de façon significative à leur développement. Ajoutons enfin que le tourisme jouera également un rôle essentiel dans la création d’emplois pour les jeunes et les femmes, des populations qui ont toujours constitué la main-d’œuvre traditionnelle de ce secteur, mais qui aspirent de plus en plus à des postes plus qualifiés et mieux rémunérés.
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