Publié sur Voix Arabes

Bien qu’essentielles, les réformes juridiques seules ne suffisent pas à renforcer le pouvoir d’action des femmes dans la région MENA

Femme arabe parlant à un groupe. Black Kings / Shutterstock.com Femme arabe parlant à un groupe. Black Kings / Shutterstock.com

Traduction de l’original en anglais.

Les inégalités entre les genres étaient déjà très prononcées dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) avant même la propagation de la pandémie de COVID-19. La région affiche le plus faible taux d’activité des femmes au monde — 22 % en 2020, contre 77 % pour les hommes — et un taux de chômage féminin bien plus prononcé. Des lois rétrogrades ont empêché les femmes de détenir des actifs, de travailler dans certains secteurs réputés dangereux pour elles, voire de voyager sans l’autorisation d’un parent masculin.

 Mais les choses changent : selon le dernier rapport de la Banque mondiale sur Les Femmes, l’Entreprise et le Droit, la région MENA fait partie des deux régions du monde ayant enregistré le plus de progrès dans les législations et les réglementations (17 au total) pour offrir de nouvelles opportunités économiques aux femmes. Les Émirats arabes unis sont désormais le seul pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord à avoir mis en place un congé parental rémunéré, tandis que l’Arabie saoudite a levé les restrictions en matière d’emplois accessibles aux femmes et supprimé l’interdiction du travail féminin de nuit.

 Si au cours des dix dernières années, le rythme des réformes s’est accéléré dans la région, les femmes continuent pourtant dans la plupart des pays de ne jouir que de la moitié environ des droits reconnus aux hommes. L’indice établi par le rapport Les Femmes, l’Entreprise et le Droit pour la région ressort à 51,5, contre une moyenne mondiale de 76,1 (un indice de 100 équivalant à la parité). De surcroît, la COVID-19 est venue exacerber les inégalités existantes, mettant en péril la santé et la sécurité des femmes et aggravant encore leur précarité économique. Un environnement juridique qui favorise leur inclusion économique les aurait rendues moins vulnérables à la crise.

 En pleine stagnation économique provoquée par la pandémie, la région MENA se caractérise toujours par de profonds écarts entre les sexes, en particulier au niveau de l’emploi des femmes. En plus des discriminations juridiques, celles-ci se heurtent à des obstacles qui pèsent sur leurs décisions en matière de mobilité, d’accès aux technologies et aux financements et de soins aux enfants et aux personnes âgées.

 Quelles solutions pour éliminer ces déséquilibres?

 Une analyse des domaines où les pays accusent du retard a permis d’identifier plusieurs axes de réforme. Les pays de la région pourraient ainsi se doter de législations pour :

 1) Veiller à ce que les lois n’introduisent pas de discrimination, à l’instar des textes qui excluent les femmes de certains secteurs d’activité ou leur interdisent certains horaires de travail.

 2) Rendre les environnements professionnels et l’espace public plus compatibles avec la vie de famille, en développant le congé parental, la flexibilité des horaires de travail, les transports, les systèmes de garderie et en se dotant de politiques contre le harcèlement sexuel.

 3) Renforcer les droits des femmes, pour qu’elles puissent accéder à des financements et obtenir des nantissements, notamment par la propriété.

La Banque mondiale accompagne les pays de la région MENA dans la mise en place de ces réformes. En Jordanie, notre programme de prêt à l’appui des politiques de développement (a) s’emploie ainsi à soutenir une législation récente de promotion et de réglementation de la flexibilité du travail. Il appuie également la suppression des obstacles réglementaires qui empêchent les femmes de participer au marché du travail, notamment sur le plan de la mobilité (coût élevé des transports, problèmes de sécurité, inadéquation des infrastructures…), où elles sont particulièrement désavantagées.

En Égypte, notre projet de soutien à des logements abordables pour les ménages à faible revenu, doté de 500 millions de dollars (a), a contribué à améliorer l’inclusion des femmes, qui représentent 20 % des bénéficiaires. C’est là un enjeu de taille sachant que, selon une étude de 2019 (a), 5 % seulement des femmes égyptiennes détiennent des biens (seules ou en copropriété), contre 95 % des hommes.

Ces progrès législatifs peuvent aider les femmes à contribuer au bien-être de la société. Mais ils sont insuffisants et plus d’ambition doit être de mise.

Nous devons impérativement appréhender toutes les difficultés qui mettent obstacle aux femmes, notamment les normes sociales en matière de soin aux enfants et aux personnes âgées et les violences sexuelles et sexistes. L’importance des systèmes de prise en charge m’a particulièrement frappé dans le contexte de la pandémie. Nous savons que les femmes sont les premières à perdre leur emploi si elles doivent rester chez elles pour s’occuper de parents âgés et des enfants. Nous avons aussi hélas assisté à une recrudescence des violences faites aux femmes dans la région. Au Liban par exemple, la ligne téléphonique d’urgence pour les violences domestiques a reçu deux fois plus d’appels au cours du premier trimestre 2020 que pour toute l’année 2019. D’autres témoignages de ce type attestent d’une augmentation des cas et des signalements de violences de ce type, en Jordanie et en Tunisie.

Certes, des progrès ont été accomplis, mais ils sont, une fois encore, trop lents, même si certaines choses changent. Prenons pour exemple le Liban, où, en décembre 2020, le Parlement a érigé le harcèlement sexuel en infraction pénale, une réforme soutenue par la Banque mondiale à travers son Mécanisme pour l’égalité des sexes au Machreq (a).

La pandémie a sans aucun doute aggravé les difficultés auxquelles les femmes et les filles sont confrontées, mais nous pouvons agir dès à présent. Nous devons aller de l’avant et renforcer les opportunités économiques des femmes. C’est mon seulement une cause juste, mais il s’agit aussi d’une exigence économique de bon sens : un pays ne peut pas espérer progresser si la moitié de sa population ne participe pas pleinement à l’activité économique.

À l’occasion de la Journée internationale des femmes, nous organisons cette année un débat autour de ces enjeux, qui réunira des dirigeants déterminés à améliorer les perspectives économiques des femmes de la région MENA. Je me réjouis de leurs retours d’expérience, qui nous permettront, avec d’autres partenaires, d’identifier de nouvelles pistes pour promouvoir plus d’autonomie et de place pour la femme dans les domaines économiques et de création de richesse. Nos pays ne peuvent prétendre à la reprise économique et à la reconstruction durable de sociétés largement éprouvées par des années de doutes et de reculs, sans la participation effective et sans conditions de toutes leurs potentialité humaines, sans exception.

 


Auteurs

Ferid Belhaj

Vice-président du Groupe de la Banque mondiale pour la Région Moyen-Orient et Afrique du Nord

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