Publié sur Voix Arabes

L'emploi dans la région: parlons-en !

ImagePendant la semaine qui a précédé les élections, l’équipe et moi-même avons rencontré un grand nombre d’acteurs de la vie tunisoise à l’occasion du lancement de la consultation nationale pour le rapport phare sur l’emploi que nous préparons sur la région Moyen-Orient et Afrique du Nord.

Alors que des milliers et des milliers de personnes scandaient "pain et dignité" sur la place Tahrir, j’imagine que nous n’avions pas besoin d’expliquer pourquoi il nous fallait parler de l’emploi. Ni pourquoi maintenant. Cela fait longtemps que nous dialoguons avec de nombreux gouvernements de la région au sujet de l’emploi et que nous nous intéressons au cas de chaque pays.Ces derniers mois, nous avons commencé à analyser de manière approfondie toutes les données disponibles, nous penchant sur les points communs dans les différentes situations afin de comprendre quels sont les obstacles, et quelles solutions pourraient générer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité dans la région. Nous avons fortement ressenti que l’ouverture d’un espace où des voix venant d’horizons différents, pas seulement les pouvoirs publics, pas seulement les donateurs, mais aussi la société civile, le secteur privé, les syndicats, pourraient s’exprimer et dialoguer était aussi importante que le fait de parler d’élasticité, de points fondamentaux ou de marchés.

Nous voici donc réunis, bénéficiant de la généreuse hospitalité de l’Union européenne. Je scrute la pièce : je vois des représentants des syndicats, des associations d’entrepreneurs, des pouvoirs publics, des donateurs partenaires, de la société civile. Pas beaucoup de jeunes, malheureusement. Ma première pensée, c’est que nous devons mettre à jour notre rolodex, nous devons toucher ceux qui ne savent pas ce qu’est un rolodex.

WorkshopÀ l’aide d’une brève présentation Powerpoint, nous exposons des faits stylisés : le taux de chômage le plus élevé au monde, la participation des femmes au marché du travail la plus faible au monde, la forte présence du secteur informel montrent que, ces dernières années, la croissance de l’emploi s’est essentiellement opérée dans des secteurs à faible productivité, comme le BTP ou les services à faible valeur ajoutée. À l’évidence, l’histoire de l’emploi est compliquée, ce à quoi ne sont pas étrangers le développement du secteur privé et le développement de la région. Mais ce qui semble ressortir de manière flagrante dans la région MENA, c’est une histoire d’exclusion. Le secteur privé produit trop peu de bons emplois. Et ici, les bons emplois sont réservés à des "privilégiés", qui travaillent pour le secteur public ou pour de grandes entreprises privées. Tous les autres, les jeunes, les femmes, les travailleurs du secteur informel, les chômeurs, n’ont pas droit à leur part du gâteau.

Les présumés coupables ? Dans l’assistance, on a parlé du secteur privé, où la concurrence n’est pas la règle, de la nécessité d’adopter un meilleur gouvernement d’entreprise, de la réglementation des contrats de travail, qui favorise ceux qui sont déjà sur le marché du travail, des offres d’emploi dans le secteur public, qui attirent de nombreux candidats et induisent des distorsions dans les choix d’enseignement, du système de formation des compétences, qui ne dispose pas des outils ou des incitations nécessaires pour répondre aux exigences du marché. Toute aussi importante : l’économie politique qui, jusqu’à présent, préférait ne pas faire chavirer le navire. Jusqu’à ce que le navire chavire tout seul…

Que faire ? La liste des mesures envisageables est longue. Mais nous avons surtout entendu les participants demander aux acteurs de la sphère politique de leur laisser voix au chapitre et de les intégrer (femmes et jeunes) et de s’efforcer de parvenir à des résultats concrets, de ne pas se contenter de belles paroles. Nous les avons entendus demander des informations et des données fiables ; nous les avons entendus dire que ce n’était pas seulement les emplois, mais toute la stratégie de développement qu’il fallait repenser, en prêtant attention à l’équilibre du développement sur l’ensemble du territoire.

Si les solutions techniques semblent exister, qu’est-ce qui fera qu’elles seront mises en œuvre ? Qu’est-ce qui va rééquilibrer le dialogue là où, depuis trop longtemps, des "privilégiés" fixent l’agenda économique et politique ?

À l’heure où nous parlons, le nouveau paysage politique de la région est en train de se dessiner. Nous parions que, sans information transparente ni dialogue social véritablement inclusif, il sera difficile de trouver dans la région un endroit qui exploite pleinement son vaste potentiel et où tout le monde peut en bénéficier. Et c’est maintenant ou jamais.

 Cet article est une traduction de la version anglaise.


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