Les élections égyptiennes se sont traduites par des gains modestes à la Bourse du Caire. L’indice EGX 30 a gagné 6 % par rapport au mois de novembre, soit avant les élections, tandis que l’EGX 100 a enregistré une hausse de 1 %. Le marché apparaît donc prudemment optimiste quant aux inclinaisons libérales du nouveau Parlement. Avec une progression de 16 %, le secteur des télécommunications sort grand gagnant même si ce succès doit sans doute plus au retour en Bourse d’Orascom — après sa scission — qu’aux élections. Les autres valeurs en hausse concernent les produits chimiques, le bâtiment et les matériaux de construction, les services financiers (hors banques) et les biens et services industriels (dont l’automobile), qui progressent d’environ 5 %. Il est important de noter qu’aucune des 12 branches d’activités n’a baissé de plus de 2 % depuis le début du cycle électoral (voir le graphique ci-dessous).
Cette réaction cadre avec certains comptes-rendus récents de la presse au sujet du programme économique des Frères musulmans et de son attachement au marché. Un article du Washington Post (a), par exemple, indique que les Frères musulmans souhaitent revitaliser l’investissement et le tourisme et créer des emplois via le secteur privé, et rappelle leurs positions historiques contre les nationalisations et le "trop d’État". Les Frères musulmans se sont déjà distingués dans la prestation des services au niveau local, ce qui confère une certaine crédibilité à leur intention affichée d’améliorer les services nationaux et de réduire la corruption. Leur ouverture à l’égard de la possibilité d’un prêt du FMI témoigne aussi de leur prudence économique.
Ce sont autant de bonnes nouvelles pour les Égyptiens, qui dépendent du secteur privé pour la création d’emplois qui font cruellement défaut. Mais il est temps à présent de passer de la parole à l’acte. Le marché en sera juge.
Il faut aussi rattraper le terrain perdu et ce n’est pas rien. Si les élections ont eu un léger effet positif sur la Bourse, les incertitudes économiques et politiques liées à la révolution lui ont porté un coup violent, avec une chute d’environ 45 % au début de l’année dernière. Les ressources de base se sont effondrées de 73 %, suivies de l’immobilier et du secteur des voyages et loisirs, qui ont accusé une perte de 65 %. Les secteurs qui s’en sont sorti le mieux, avec une baisse comprise entre 20 et 25 %, sont les produits chimiques, le bâtiment et les matériaux de construction, les produits de santé et pharmaceutiques, les biens personnels et domestiques, et les télécommunications.
Si le déclin du marché est imputable dans une grande mesure aux incertitudes et à la détérioration des perspectives économiques, il est possible qu’il soit lié aussi à la fin du favoritisme d’État dont nombre d’entreprises ont autrefois bénéficié. Dans un article (a) de référence consacré à l’Indonésie, Raymond Fisman montre comment, en réaction à des rumeurs alarmantes concernant l’état de santé de Suharto, les rendements des titres de firmes liées à la famille du dirigeant indonésien tendaient à enregistrer des baisses relativement plus sévères. Son intuition était que, outre la productivité, les connexions politiques constituaient un facteur important de la profitabilité et, par conséquent, des rendements des actions. Un risque élevé de rupture de ces connexions se traduisait donc par des profits inférieurs et un repli des cours.
Dans le cas de l’Égypte, qui se situe actuellement derrière l’Indonésie dans l’indice de perception de la corruption (a) de Transparency International, le déclin de la Bourse pourrait donc en partie découler d’une réévaluation consistant à accorder moins de poids aux connexions politiques des entreprises, du moins celles avec l’ancien régime. À cet égard, il est intéressant de constater que certains secteurs dont les indices ont moins chuté dans le sillage de la révolution présentent une composante militaire importante.
Rendements du marché en Égypte, par secteur
Source : L’auteur a basé ses calculs sur les données fournies par The Egyptian Exchange. Note : L’ « après-révolution » correspond à la période du 2 janvier 2011 au 23 janvier 2012 ; l’« après-élection » à celle du 24 novembre 2011 au 23 janvier 2012.
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