Le problème, quand on suit de nouvelles approches en matière de développement, c’est que l’on peut difficilement s’appuyer sur des précédents dont on pourrait s’inspirer. Contrairement à ce qui se produit quand on a recours à des approches bien établies, les nouvelles approches fournissent par définition peu de données, de preuves, d’expériences internationales ou encore de bonnes pratiques susceptibles d’être étudiées ou utilisées. C’est là toute la difficulté à laquelle nous nous heurtons dans notre analyse de la faisabilité du micro-travail dans les Territoires palestiniens.
Le micro-travail représente une opportunité unique d’accéder à un emploi et à un revenu pour des pans entiers de la société palestinienne fortement touchés par le chômage, notamment les jeunes et les femmes. Il s’agit d’un phénomène nouveau dans l’économie numérique : n’importe qui, n’importe où, à condition d’être équipé d’un ordinateur et d’un raccordement Internet, peut travailler via une plateforme en ligne. Ce type de plateforme subdivise des processus vastes et complexes en petites tâches individuelles qui peuvent être exécutées en quelques secondes ou en quelques heures, contre une rémunération à la tâche allant de quelques cents à quelques dollars. Parmi les plus courantes de ces tâches, on peut citer les études de marché, le balisage multimédia, le recueil d’informations, la saisie ou la vérification de données, la relecture, la traduction, l’édition de textes, etc.
Une étude de faisabilité financée par la Banque mondiale a constaté qu’il était possible de tirer parti du potentiel offert par le micro-travail pour créer des emplois et des revenus dans les Territoires palestiniens. Avec une bonne base de talents et de compétences et un accès suffisant à des ordinateurs et à Internet, le micro-travail pourrait offrir aux Palestiniens une occasion unique de contourner les restrictions de circulation et d’accès auxquels ils sont soumis. Cependant, cette étude a montré que les jeunes Palestiniens s’attendent habituellement à gagner 3 dollars de l’heure ou plus, ce qui risque de les « cantonner » aux tâches qui sont les mieux rémunérées, comme la traduction ou l’édition de textes en arabe, mais dont la demande n’est pas répandue.
Dans ces conditions, pourquoi ne pas se tourner plutôt vers des micro-tâches plus courantes et plus aisément disponibles, comme la saisie de données ou la simple étude de marché ? Celles-ci rapportent habituellement environ 1 à 2 dollars de l’heure, mais elles pourraient procurer un emploi et un revenu à un grand nombre de femmes et de jeunes dans les Territoires palestiniens. Et dans la mesure où elles ne requièrent que des notions rudimentaires d’informatique, elles permettent également de faire entrer sur le marché du travail des travailleurs pauvres ou peu qualifiés.
La flexibilité du micro-travail (n’importe qui, n’importe où) parviendra-t-elle à séduire en masse les travailleurs palestiniens ? On imagine l’intérêt que pourraient y trouver les jeunes au chômage et les étudiants, en particulier, puisqu’ils pourraient ainsi gagner de l’argent en travaillant n’importe quand depuis un cybercafé, leur campus universitaire ou leur domicile. De même, les jeunes mères au foyer palestiniennes pourraient souhaiter travailler à domicile pour gagner un revenu d’appoint qui leur permettrait d’améliorer l’ordinaire de leur famille.
D’un point de vue analytique et conceptuel, il paraît donc logique que les femmes et les jeunes des Territoires palestiniens soient séduits par le micro-travail. Toutefois, l’absence de cas concrets nous empêche de bien jauger le succès potentiel de cette initiative. L’enjeu est pourtant important puisque ces tâches de niveau subalterne pourraient produire un impact non négligeable sur le développement, et également avoir des répercussions dans d’autres pays en développement présentant une structure salariale analogue à celles des Territoires palestiniens.
C’est pourquoi la Banque mondiale va passer à l’étape de l’expérimentation. L’institution s’emploie actuellement à développer des projets pilotes de micro-travail à l’intention des Territoires palestiniens et à faciliter l’installation d’intermédiaires locaux à cette fin. Nous espérons que d’autres partenaires du développement appuieront notre démarche, et que nous pourrons passer de la théorie à la pratique, et recueillir ainsi des données solides sur les bienfaits potentiels du micro-travail.
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