Publié sur Voix Arabes

Les petites entreprises des pays du Golfe auraient tout à gagner du renforcement de la concurrence bancaire

Cette page en anglais.

 HainaultPhoto / Shutterstock.comConfrontés à l’atonie des prix du pétrole et du gaz et à un impératif d’assainissement budgétaire, les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) doivent miser sur la diversification économique et le développement du secteur privé.

Le soutien aux petites et moyennes entreprises (PME) sera l’un des axes majeurs de cette politique sachant que, dans les pays du Golfe, elles représentent 25 % des emplois, soit nettement moins que la moyenne mondiale (40 %).

Le manque d’accès aux financements et, en particulier, aux prêts bancaires freine leur développement : près de 40 % considèrent que cela constitue un obstacle majeur, sachant que 11 % seulement des PME des pays du Golfe bénéficient de crédits.

Le renforcement de la concurrence entre établissements bancaires pourrait améliorer sensiblement la situation des PME dans ces pays. Telles sont les conclusions d’un nouveau rapport (a) de la Banque mondiale, qui constate que la concurrence bancaire dans la région est l’une des plus faible au monde. Une situation qui s’explique par des règles d’accès strictes, des restrictions imposées aux activités bancaires, des systèmes d'information sur la solvabilité des emprunteurs relativement peu efficaces et le manque d’acteurs bancaires concurrents (banques étrangères et institutions financières non bancaires).

Une recherche documentaire doublée d’un travail de terrain a permis d’analyser les règles et réglementations susceptibles d’entraver la concurrence bancaire sur le marché du crédit aux PME des pays du Golfe mais aussi le cadre institutionnel d’une politique de la concurrence sous-tendant ces règles et réglementations.

En voici les principaux résultats :
  • les banques d’État jouent un rôle significatif dans le crédit aux PME et bénéficient probablement de réels avantages, comme des coûts de financement réduits et une perception plus positive du risque chez les investisseurs et les déposants, ce qui peut affecter la concurrence et diminuer les bénéfices pour les PME et leurs clients ;
  • des initiatives soutenues par l’État lancées pour améliorer l’accès des PME aux financements, à l’image des prêts subventionnés et des garanties de crédit, faussent probablement les règles du jeu dans le secteur bancaire et dissuadent les opérateurs privés ;
  • les critères d’agrément des banques étouffent sans doute la concurrence  en interdisant aux établissements de petite taille de pénétrer sur ce marché. Quant aux règles et réglementations encadrant le processus d’agrément, elles ne sont pas toujours claires. La moitié des pays du CCG manquent de règles précises sur les délais d’approbation et les possibilités de faire appel d’un rejet. Dans certains cas, des restrictions demeurent en matière de licences et de secteurs, ce qui restreint l’accès et le développement des banques. Plus généralement, le niveau exigé de capital initial est en moyenne bien plus élevé dans les pays du CCG que dans des pays comparables ;
  • certains pays du Golfe plafonnent les taux d’intérêt sur les prêts à la clientèle. Si l’absence de concurrence peut justifier la faiblesse des plafonds fixés, les restrictions de prix suppriment tout signal de marché et peuvent réduire le volume et la qualité des prêts accordés aux PME ;
  • la couverture des systèmes d’informations sur le crédit varie d’un pays à l’autre, certains utilisant des seuils limites dans leurs rapports. Les mécanismes actuels de partage d’informations sur le crédit véhiculent des informations à la fois négatives et positives sur les PME sans que leur fiabilité et leur actualité ne soient toujours garanties ;
  • les réglementations en vigueur empêchent les PME de changer de banques pour accéder à d’autres options de financement. Les frais pour règlement anticipé et clôture peuvent dissuader les emprunteurs de clore des lignes de crédit en place pour se tourner vers un autre établissement. Les systèmes d’assurance des dépôts peuvent influer sur le changement de banques en modifiant la perception des risques par le client et en compensant la réputation dont bénéficient les établissements plus importants et détenus par l’État. Si tous les pays du Golfe ont mis en place de tels systèmes, leur conception et leur mise en œuvre varient ;
  • le droit de la concurrence a probablement besoin d’être renforcé. Tandis que tous les pays du CCG sauf un se sont dotés de règles explicites pour protéger la concurrence, la sensibilisation du public reste faible. Les critères permettant de faire la distinction entre un comportement anticoncurrentiel et un comportement légitime ne sont pas toujours bien définis. L’indépendance et l’autorité des institutions de la concurrence mériteraient également d’être confortées. Les règles régissant le contrôle des fusions ne sont pas toujours précises et il faudra sans doute renforcer la coopération entre autorités de la concurrence et banques centrales.
Cette première approche appelle à un approfondissement des travaux analytiques. Les huit pistes d’action suivantes pourraient être envisagées par les décideurs des pays du Golfe :
  1. analyser en profondeur les répercussions, en termes de concurrence, de la détention des établissements bancaires par l’État ;
  2. envisager des mesures pour garantir que les initiatives lancées par l’État ne faussent pas la concurrence bancaire ;
  3. remettre à plat le processus d’agrément pour le rendre à la fois plus clair et transparent ;
  4. étudier l’introduction progressive d’une réglementation prudentielle ;
  5. examiner les réglementations limitant les options stratégiques des banques (plafonnement des taux d’intérêt et critères d'allocations de portefeuille par exemple) ;
  6. évaluer le système de partage d’informations sur le crédit pour renforcer le rôle des bureaux et de registre actuels ;
  7. analyser les options permettant de faciliter la mobilité des clients des banques ;
  8. évaluer les différentes composantes du cadre institutionnel pour renforcer l’efficacité de la politique de la concurrence.

Auteurs

Pietro Calice

Spécialiste senior du secteur financier

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