Nous n’avons guère l’habitude, à la Banque mondiale, d’être sollicités par des élèves sur un enjeu spécifique du développement ! Mais une expérience récente dans une école de Beyrouth montre tout l’intérêt pour notre travail de discuter et d’échanger avec les plus jeunes.
Lors d’un voyage d’études effectué dernièrement au Liban, des responsables de la Wellspring Learning Community ont demandé à ma collègue Mona el-Chami si la Banque mondiale pouvait dépêcher des experts des questions d’eau pour une intervention en classe tournant autour du thème de la rareté de cette ressource et de sa gestion. La proposition n’avait rien de très étonnant, jusqu’à ce que la direction lui explique que le public serait composé d’élèves de 3e année, donc âgés de huit à neuf ans. Cela nous a rappelé cet ancien proverbe arabe qui dit qu’« instruire la jeunesse, c’est graver sur le marbre »… Nous avons donc préparé une courte intervention sur le cycle de l’eau, avec quelques photos pour illustrer notre propos. Très rapidement, nous avons réalisé que ces enfants connaissaient déjà parfaitement le cycle hydrologique. Alors nous sommes passées à des questions plus complexes, pour traiter de la rareté de l’eau au Moyen-Orient et du caractère aggravant de la pollution et du gaspillage.
L’enseignant nous avait spécifiquement demandé d’appréhender la question des pénuries du point de vue physique et économique. Mais lors de la séance de questions qui a suivi notre intervention, nous avons vu que notre jeune public avait bien intégré le concept de base : le monde dispose d’un volume fixe d’eau, qui se recycle en permanence. Les élèves, très curieux, voulaient en savoir plus, nettement plus : Comment économiser l’eau pour assurer notre avenir ? Comment la recycler ? Comment repère-t-on les eaux souterraines ? Pourquoi manque-t-on d’eau alors qu’il pleut beaucoup et que les fleuves sont si nombreux ?
Nous étions étonnées et ravies de voir que ces jeunes enfants arrivaient à comprendre des concepts qui échappent à l’entendement de bon nombre d’adultes. Alors nous leur avons expliqué que l’on parle de pénurie physique lorsque les ressources ne suffisent pas à satisfaire les besoins des populations — un problème auquel sont effectivement confrontés les pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Ce qui a déclenché un deuxième feu nourri de questions : pourquoi certains pays manquent d’eau et d’autres non ? C’était le moment d’aborder la notion de pénurie économique : il y a de l’eau mais pas assez d’argent pour développer la ressource. Cette situation oblige les consommateurs à boire une eau insalubre et prive en outre les agriculteurs d’une ressource qui leur permettrait d’irriguer leurs terres.
Les capacités d’observation de ces enfants étaient impressionnantes : ils avaient bien remarqué que, sur les photos projetées, la corvée d’eau était assurée par les femmes et les enfants. Ils ont alors voulu savoir où étaient les hommes. Réponse : au travail. Ce qui oblige les femmes et les enfants (qui n’ont pas les moyens d’aller à l’école) à aller chercher l’eau. La pénurie les pénalise.
À la fin, les enfants nous ont demandé ce qu’ils pouvaient faire pour qu’il y ait suffisamment d’eau salubre. Nous leur avons conseillé de se laver les dents avec un gobelet au lieu de laisser l’eau couler, de prendre des douches moins longues et de jeter les ordures dans les lieux prévus à cet effet afin de ne pas les retrouver dans les fleuves ni dans la mer. Cette intervention en classe nous a été aussi utile qu’elle l’a été pour les enfants qui, en point d’orgue à ce déplacement, ont conçu une série d’animations sur l’eau et son impact sur notre quotidien.
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