Publié sur Voix Arabes

Pour que la responsabilisation se poursuive au-delà de la révolution

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Nisreen Haj Ahmad est la fondatrice de l’Initiative pour l’organisation des communautés au Moyen-Orient (Middle East Community Organizing Initiative). Aux côtés de huit collaboratrices, elle accompagne des communautés en Jordanie pour leur apprendre à s’organiser et à gérer leurs ressources en vue d’obtenir des changements. Elles appliquent le modèle d’organisation basé sur les valeurs de Marshall Ganz. Suivez-les sur Twitter: http://www.twitter.com/eduorganize

Les révolutions en Tunisie et en Égypte ont célébré les valeurs de liberté, de justice et de dignité humaine. Elles ont ravivé l’espoir dans la capacité des communautés d’œuvrer ensemble à instaurer le changement. Elles encouragent une prise de risque conjuguée à un esprit d’apprentissage.

For Accountability to Continue Beyond the Revolution, Francis Dobbs
 Les révolutions en Tunisie et en Égypte
 ont célébré les valeurs de liberté,
 de justice et de dignité humaine
 Photo de Francis Dobbs

Le défi à présent consiste à entretenir la participation des citoyens et développer une culture de responsabilisation mutuelle. L’action collective ne peut se résumer à une succession de révolutions. Je suis particulièrement sensible à ce qu’a dit un Shabab AlThawra [jeune de la Révolution] égyptien à ses partisans : « maintenant que vous vous êtes réveillés, ne vous rendormez pas ». L’autre défi est de veiller à ce que les énergies en présence ne soient pas manipulées par des acteurs aux valeurs contradictoires ou dévoyées par des manœuvres médiatiques.

Face à ces dangers, je voudrais vous faire part de trois réflexions.

Tous ces gens passionnés et engagés doivent s’organiser, c’est un enjeu crucial. Certes pas facile, mais faisable : des dizaines d’équipes communautaires dans chaque ville autour desquelles la communauté s’organise pour agir. Des équipes qui identifient le changement et œuvrent à le rendre possible par des actions collectives spécifiques et qui suscitent ainsi l’adhésion des autres membres de la communauté. Ces équipes avanceront ensemble armées de leurs valeurs. Elles ne relèveront pas forcément d’un cadre unique mais pourront s’inscrire dans des cadres divers : institutionnels pour certaines, partisans pour d’autres, ou encore communautaires. Si les communautés s’organisent, on réduit la possibilité que les « masses » se laissent prendre par un discours enflammé, une manœuvre médiatique ou la crise du jour. Si elles se regroupent, elles verront leur rôle comme une action de responsabilisation sociale, et le fait d’être organisées en équipes soutiendra leur effort dans les moments de crise ou quand « la garde sera baissée ».

Les révolutions et l’activité citoyenne intense qui les a accompagnées ont jusqu’ici été conduites et alimentées par les communautés à la base. Et il est important qu’il en demeure ainsi : ne mettez pas en péril la légitimité de ce mouvement en le noyant sous l’argent. N’en faites pas des institutions déclarées qui devront obtenir des financements et s’aligner sur les directives des donateurs pour préserver leurs activités. Je ne veux pas dire que les citoyens doivent mettre en commun leurs propres ressources pour fournir des services à leur communauté. Ce que je veux dire, c’est que les communautés, organisées, doivent disposer des ressources nécessaires pour pouvoir exercer une responsabilisation mutuelle, demander des comptes à leur gouvernement et exiger le changement.

Enfin, les populations sont sorties dans les rues en bravant les lois d’état d’urgence, les interdictions de se rassembler, l’appareil sécuritaire et l’arrestation des organisateurs, les groupes « loyalistes » et leur violence. Elles ont pu le faire parce qu’elles sont descendues dans la rue massivement. À l’avenir, le nombre des manifestants pourrait être moins important – toujours considérable, mais pas aussi énorme. Aussi, il est important de veiller à ce que les régimes actuels et ceux de transition démontrent leur soutien à la participation citoyenne en levant les restrictions juridiques à la liberté de s’organiser, qu’ils protègent les citoyens contre la violence et mettent fin à toutes les pratiques qui restreignent la liberté d’expression et les rassemblements publics.

Cet article est une traduction de la version anglaise.


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