Publié sur Voix Arabes

Réformer le climat de l’investissement pour faire prospérer les entreprises algériennes

Shoppers walk through a market in Algeria. Shoppers walk through a market in Algeria.

La gestion d’une entreprise constitue en soi un exploit, notamment au regard du contexte économique actuel lié à la COVID-19. Cependant, la création d’une entreprise en Algérie peut relever du parcours du combattant, même lorsque la conjoncture est favorable. Les démarches préalables à l’immatriculation peuvent à elles seules prendre plus de trois semaines. Elles comprennent de nombreuses étapes, de l’obtention d’une attestation de disponibilité du nom de la société au dépôt du capital de départ en passant par la publication d’un acte de constitution par un notaire.

Soit autant de formalités nécessaires pour être dans la légalité, et auxquelles viennent en outre s'ajouter des procédures distinctes en matière d’impôts locaux et d’affiliation à la sécurité sociale.

D’autres obstacles surgissent dès le lancement de l’activité : l’autorisation d’un permis de construire peut prendre plus de six mois ; et l’obtention d’un prêt auprès d’une banque algérienne exige une hypothèque, alors même que les petits et moyens entrepreneurs ne possèdent souvent pas de biens fonciers ou immobiliers. Ces facteurs cumulés à d’autres réglementations mettent en jeu la rentabilité des entreprises et in fine leur survie.

Comme beaucoup de pays dans le monde, l’Algérie s’emploie à accélérer les réformes pour améliorer le climat des affaires. De telles réformes sont indispensables pour alléger la charge qui pèse sur des petites et moyennes entreprises (PME) qui constituent les principaux moteurs de l’économie et de l’emploi. Le pays a pris ces dernières années plusieurs mesures qui vont dans ce sens, comme l’amélioration du raccordement au réseau électrique (par la simplification des démarches administratives) et l’octroi de nouvelles licences aux fournisseurs d’électricité/de sous-stations préfabriquées ; l’optimisation de l’infrastructure de crédit par la transmission des données de microcrédit à la Banque d’Algérie ; une numérisation accrue du plan cadastral et des titres fonciers ; et la fluidification des importations à la faveur d’inspections conjointes par le contrôle des autorités douanières.

Ces initiatives ont été lancées dans le cadre du Programme d’appui à la diversification industrielle et à l’amélioration du climat des affaires en Algérie, avec le concours de l’Union européenne et de la Banque mondiale. L’élargissement du programme est aujourd’hui envisagé, compte tenu de l’engagement réaffirmé des autorités algériennes, notamment par le biais du ministère de l’Industrie et des Mines, nouveau point d’ancrage du processus de réforme.

Certes, la situation progresse, mais il faut redoubler d’efforts pour véritablement accélérer les choses. Le pays a mis en place un portail numérique pour traiter les permis de construire, mais cette demande doit encore s’effectuer en personne à un guichet local unique : l’Assemblée populaire communale. Celles et ceux qui cherchent à enregistrer un bien foncier peuvent désormais se rendre sur la nouvelle plateforme numérique Wathikacad, afin de consulter cartes et titres de propriété. Pourtant, trop de parcelles restent dépourvues de titre et des efforts supplémentaires sont nécessaires pour faciliter le transfert de propriété grâce à la numérisation du cadastre. Plus généralement, il faudrait renforcer les procédures administratives numériques afin d’améliorer la dématérialisation des démarches.

De même, les technologies digitales pourraient être mieux exploitées en ce qui concerne les déclarations et le paiement des impôts en ligne, ou le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée pour les entreprises.

L’Algérie pourrait notamment s’inspirer des pays d’Asie centrale, et en premier lieu de l’Azerbaïdjan, dont la richesse provient du secteur pétrolier, mais qui cherche à se diversifier. En Azerbaïdjan, l’État a lancé une série de réformes destiné à faciliter les démarches des entrepreneurs. Il a par exemple rendu l’administration foncière plus transparente, en élargissant son périmètre d’activité et en numérisant le plan cadastral, ce qui a simplifié l’enregistrement des propriétés pour les entrepreneurs. Les pouvoirs publics ont également développé le numérique pour inaugurer un système de dépôt de plaintes au tribunal par voie électronique ou le paiement des impôts en ligne.

L’Azerbaïdjan a également créé un guichet unique pour les demandes de raccordement électrique, investi dans les infrastructures réseau et mis en place un régulateur national chargé de recenser les coupures de courant. Par ailleurs, l’accès au crédit a été simplifié grâce à des bureaux de crédit privés, tandis que de nouvelles lois sur les opérations de prêt garanties et l’insolvabilité ont été adoptées, élargissant le champ des actifs acceptés en nantissement.

Le processus de réforme à long terme nécessite un débat politique plus large pour intégrer plus d’acteurs du marché et libérer l’économie. L’amélioration du cadre de la gouvernance d’entreprise pourrait stimuler l’intérêt des investisseurs par le biais des marchés financiers, même si la refonte des lois qui régissent ce cadre peut s’avérer longue et laborieuse.

L’impact économique de la COVID-19 a précipité la nécessité d’instaurer un environnement plus favorable aux entreprises en Algérie. Il faut à présent mettre l’accent sur la poursuite de la numérisation (administration en ligne) et la simplification des démarches pour les entreprises (pour l’immatriculation, l’obtention d’un permis de construire ou le transfert de propriété). Le rôle des services notariés devrait également être réexaminé, à l’aune des procédures qui peuvent désormais être effectuées en ligne. Le plus tôt sera le mieux : certaines de ces réformes, et notamment celles qui exigent une refonte des textes de loi, peuvent mettre plusieurs années avant de produire des résultats tangibles.

Une fois ces réformes mises en œuvre, la priorité sera de mener une campagne de sensibilisation vigoureuse pour emporter l'adhésion des entrepreneurs, des fonctionnaires, des professionnels et des investisseurs étrangers.

Comme le dit le vieil adage romain, Quidquid agis, prudente agas et respice finem.  Quoi que tu fasses, fais-le avec prudence, sans perdre de vue la fin. Les entrepreneurs algériens doivent bénéficier d’un cadre propice pour prendre leur essor et prospérer.


Auteurs

Maria (Maika) Chiquier

Spécialiste en développement du secteur privé

Lorenzo Bertolini

Spécialiste principal du secteur privé

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