Il existe d’innombrables obstacles à la réalisation des nouveaux Objectifs de développement durable. Mais, fort heureusement, les solutions sont probablement encore plus nombreuses. La manière dont nous finançons les systèmes éducatifs en est une.
L’idée d’accorder des financements au résultat dans le secteur de l’éducation repose sur la conviction que l’introduction de dispositifs incitatifs appropriés peut permettre d’éliminer des blocages. Ces incitations peuvent lever les contraintes qui, en l’état, nous interdisent d’atteindre nos objectifs mondiaux en matière d’éducation. Certes, il est tentant de penser que le financement basé sur les résultats (RBF) constitue une solution miracle, gage d’une bonne rentabilité et d’une aide « plus intelligente » ou plus efficace.
Cependant, les réalités du terrain font qu’il existe des raisons très différentes de recourir à ce type de dispositif, car elles tendent à mettre l’accent sur le financement comme moyen de consolider les systèmes nationaux.
Je reviens de Beyrouth, où la crise des réfugiés syriens illustre particulièrement bien la manière dont le financement de l’éducation peut produire des résultats. À lui seul, le Liban accueille près de deux millions de réfugiés et les enfants syriens inscrits dans les écoles publiques libanaises sont aussi nombreux que les élèves libanais. Alors que des progrès remarquables ont été réalisés ces dernières années en faveur d’une plus grande scolarisation des enfants réfugiés, le gouvernement libanais, épaulé par ses partenaires de développement, travaille aujourd’hui à les maintenir dans le système éducatif et veille à leurs apprentissages. Il entend également éviter que son propre système éducatif n’implose du fait des énormes tensions causées par la crise.
Avant que nous examinions comment la méthode RBF peut s’appliquer au Liban, je souhaite revenir sur la nature de ce mécanisme, ses atouts et ses modalités d’application.
De manière schématique, on distingue deux types de RBF : i) les programmes RBF, qui comportent des volets de réforme du secteur public portant sur des transferts budgétaires (ressources externes comprises, comme un appui financier de la Banque mondiale) sur la base de résultats ; et ii) des modalités RBF, par lesquelles un blocage identifié peut-être levé en récompensant des résultats vérifiables (au moyen d’un contrat basé sur les performances ou d’incitations destinées aux enseignants, par exemple).
Les RBF peuvent consolider les systèmes éducatifs en contribuant à une harmonisation plus efficace des divers rouages du système (écoles, enseignants, programmes, supports, orientations générales, mécanismes de responsabilisation, ressources et finances). Cette meilleure harmonisation crée les conditions qui assureront des prestations de meilleure qualité en faveur des enfants. Comment les ressources sont-elles mobilisées et gérées ? Comment sont-elles transférées aux systèmes éducatifs et redistribuées ? Il faut impérativement réfléchir à ces questions afin d’œuvrer dans une même direction, de proposer des incitations, de faire en sorte que l’on s’intéresse aux résultats et d’améliorer la responsabilisation. Étant donné les particularités de chaque système éducatif, les solutions RBF doivent être élaborées en fonction du contexte dans lequel elles s’inscrivent.
Revenons maintenant à l’exemple libanais. Voici brièvement les principales raisons pour lesquelles je pense qu’un programme RBF serait adapté à la situation.
1. Le processus de concertation, à l’extérieur comme l’intérieur des cabinets ministériels, s’en trouverait infléchi. Le ministère libanais de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur déploie énormément d’énergie dans des circonstances marquées par de grandes difficultés. Ses services sont constamment mobilisés afin de résoudre les problèmes qui touchent chaque école. Ils doivent se préoccuper dans le même temps d’équiper les établissements scolaires, de régler les factures d’eau et d’électricité, d’organiser les programmes de formation à l’intention des enseignants et de promouvoir un accompagnement psycho-social. Ils doivent par ailleurs se ménager du temps pour rencontrer chaque bailleur de fonds externe qui finance une part infime de ce programme global.
En revanche, un programme RBF obligerait tous les acteurs à prendre le temps de la réflexion puis à convenir d’objectifs annuels ou pluriannuels, pour revenir en amont et identifier chacune des contraintes qui se dresseraient au cours du processus. Dans le cadre d’un tel programme, l’obtention de résultats, qu’ils soient définitifs ou intermédiaires, entraînerait le décaissement des fonds ou un paiement conditionnel à mesure que les points de blocage disparaissent. Cela ne résoudra pas la nécessité de parer au plus urgent, mais chacun aurait à l’esprit les résultats à atteindre et veillerait à ce que l’activité tout entière tende vers ces résultats.
2. Un programme RBF suscite et fixe l’attention de tous, des décideurs aux parents, sur les résultats définitifs recherchés. Parce qu’elle réoriente les concertations sur l’action à mener vers l’obtention de résultats et la nécessité de lever les obstacles qui s’y opposent, cette dynamique donnera lieu à une mobilisation de ressources (budgétaires ou humaines) afin de garantir la bonne marche du programme et son aboutissement.
3. Un programme RBF galvanise et fédère des acteurs de premier plan (mais souvent non impliqués) autour d’objectifs convenus . Ici, un tel programme permettrait une meilleure intégration du ministère des Finances, qui réglerait les contraintes de liquidité qui entravent l’aboutissement du projet. Il servirait de vecteur aux partenaires internationaux, qui utiliseraient ce programme gouvernemental unifié comme plateforme de coordination lors des phases de planification, d’exécution, de suivi et d’évaluation. Le déblocage de fonds conditionné à l’obtention de résultats serait complémentaire des initiatives soutenues par les acteurs internationaux. Et, s’agissant de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide, un programme RBF peut mettre à profit les principes éprouvés lors d’approches sectorielles pour porter l’harmonisation des donateurs à un cran supérieur.
4. Ce mécanisme induit une culture du suivi, qu’il s’agira d’institutionnaliser en renforçant les systèmes. Prévoir des décaissements sur la base de résultats accroît l’importance de mécanismes de suivi, ce qui suppose une collecte de données plus affinée, plus opportune et plus significative. Les autorités seront ainsi mieux armées et mieux positionnées pour s’atteler aux défis du futur.
Le financement basé sur les résultats est prometteur, pourvu qu’il soit effectué dans les règles de l’art : il est indispensable de soutenir les clients concernés, de mettre en place les systèmes requis, de travailler avec les responsables publics afin d’identifier et de résoudre les contraintes et d’accompagner les équipes chargées de la mise en œuvre du programme pour les aider à surmonter les difficultés techniques et à effectuer les corrections de trajectoire nécessaires pour la réussite du projet. Une telle approche ne mettra pas un terme à la crise des réfugiés syriens, mais elle pourrait garantir la survie du système éducatif libanais, voire le dynamiser, dans des circonstances exceptionnelles.
L’idée d’accorder des financements au résultat dans le secteur de l’éducation repose sur la conviction que l’introduction de dispositifs incitatifs appropriés peut permettre d’éliminer des blocages. Ces incitations peuvent lever les contraintes qui, en l’état, nous interdisent d’atteindre nos objectifs mondiaux en matière d’éducation. Certes, il est tentant de penser que le financement basé sur les résultats (RBF) constitue une solution miracle, gage d’une bonne rentabilité et d’une aide « plus intelligente » ou plus efficace.
Cependant, les réalités du terrain font qu’il existe des raisons très différentes de recourir à ce type de dispositif, car elles tendent à mettre l’accent sur le financement comme moyen de consolider les systèmes nationaux.
Je reviens de Beyrouth, où la crise des réfugiés syriens illustre particulièrement bien la manière dont le financement de l’éducation peut produire des résultats. À lui seul, le Liban accueille près de deux millions de réfugiés et les enfants syriens inscrits dans les écoles publiques libanaises sont aussi nombreux que les élèves libanais. Alors que des progrès remarquables ont été réalisés ces dernières années en faveur d’une plus grande scolarisation des enfants réfugiés, le gouvernement libanais, épaulé par ses partenaires de développement, travaille aujourd’hui à les maintenir dans le système éducatif et veille à leurs apprentissages. Il entend également éviter que son propre système éducatif n’implose du fait des énormes tensions causées par la crise.
Avant que nous examinions comment la méthode RBF peut s’appliquer au Liban, je souhaite revenir sur la nature de ce mécanisme, ses atouts et ses modalités d’application.
De manière schématique, on distingue deux types de RBF : i) les programmes RBF, qui comportent des volets de réforme du secteur public portant sur des transferts budgétaires (ressources externes comprises, comme un appui financier de la Banque mondiale) sur la base de résultats ; et ii) des modalités RBF, par lesquelles un blocage identifié peut-être levé en récompensant des résultats vérifiables (au moyen d’un contrat basé sur les performances ou d’incitations destinées aux enseignants, par exemple).
Les RBF peuvent consolider les systèmes éducatifs en contribuant à une harmonisation plus efficace des divers rouages du système (écoles, enseignants, programmes, supports, orientations générales, mécanismes de responsabilisation, ressources et finances). Cette meilleure harmonisation crée les conditions qui assureront des prestations de meilleure qualité en faveur des enfants. Comment les ressources sont-elles mobilisées et gérées ? Comment sont-elles transférées aux systèmes éducatifs et redistribuées ? Il faut impérativement réfléchir à ces questions afin d’œuvrer dans une même direction, de proposer des incitations, de faire en sorte que l’on s’intéresse aux résultats et d’améliorer la responsabilisation. Étant donné les particularités de chaque système éducatif, les solutions RBF doivent être élaborées en fonction du contexte dans lequel elles s’inscrivent.
Revenons maintenant à l’exemple libanais. Voici brièvement les principales raisons pour lesquelles je pense qu’un programme RBF serait adapté à la situation.
1. Le processus de concertation, à l’extérieur comme l’intérieur des cabinets ministériels, s’en trouverait infléchi. Le ministère libanais de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur déploie énormément d’énergie dans des circonstances marquées par de grandes difficultés. Ses services sont constamment mobilisés afin de résoudre les problèmes qui touchent chaque école. Ils doivent se préoccuper dans le même temps d’équiper les établissements scolaires, de régler les factures d’eau et d’électricité, d’organiser les programmes de formation à l’intention des enseignants et de promouvoir un accompagnement psycho-social. Ils doivent par ailleurs se ménager du temps pour rencontrer chaque bailleur de fonds externe qui finance une part infime de ce programme global.
En revanche, un programme RBF obligerait tous les acteurs à prendre le temps de la réflexion puis à convenir d’objectifs annuels ou pluriannuels, pour revenir en amont et identifier chacune des contraintes qui se dresseraient au cours du processus. Dans le cadre d’un tel programme, l’obtention de résultats, qu’ils soient définitifs ou intermédiaires, entraînerait le décaissement des fonds ou un paiement conditionnel à mesure que les points de blocage disparaissent. Cela ne résoudra pas la nécessité de parer au plus urgent, mais chacun aurait à l’esprit les résultats à atteindre et veillerait à ce que l’activité tout entière tende vers ces résultats.
2. Un programme RBF suscite et fixe l’attention de tous, des décideurs aux parents, sur les résultats définitifs recherchés. Parce qu’elle réoriente les concertations sur l’action à mener vers l’obtention de résultats et la nécessité de lever les obstacles qui s’y opposent, cette dynamique donnera lieu à une mobilisation de ressources (budgétaires ou humaines) afin de garantir la bonne marche du programme et son aboutissement.
3. Un programme RBF galvanise et fédère des acteurs de premier plan (mais souvent non impliqués) autour d’objectifs convenus . Ici, un tel programme permettrait une meilleure intégration du ministère des Finances, qui réglerait les contraintes de liquidité qui entravent l’aboutissement du projet. Il servirait de vecteur aux partenaires internationaux, qui utiliseraient ce programme gouvernemental unifié comme plateforme de coordination lors des phases de planification, d’exécution, de suivi et d’évaluation. Le déblocage de fonds conditionné à l’obtention de résultats serait complémentaire des initiatives soutenues par les acteurs internationaux. Et, s’agissant de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide, un programme RBF peut mettre à profit les principes éprouvés lors d’approches sectorielles pour porter l’harmonisation des donateurs à un cran supérieur.
4. Ce mécanisme induit une culture du suivi, qu’il s’agira d’institutionnaliser en renforçant les systèmes. Prévoir des décaissements sur la base de résultats accroît l’importance de mécanismes de suivi, ce qui suppose une collecte de données plus affinée, plus opportune et plus significative. Les autorités seront ainsi mieux armées et mieux positionnées pour s’atteler aux défis du futur.
Le financement basé sur les résultats est prometteur, pourvu qu’il soit effectué dans les règles de l’art : il est indispensable de soutenir les clients concernés, de mettre en place les systèmes requis, de travailler avec les responsables publics afin d’identifier et de résoudre les contraintes et d’accompagner les équipes chargées de la mise en œuvre du programme pour les aider à surmonter les difficultés techniques et à effectuer les corrections de trajectoire nécessaires pour la réussite du projet. Une telle approche ne mettra pas un terme à la crise des réfugiés syriens, mais elle pourrait garantir la survie du système éducatif libanais, voire le dynamiser, dans des circonstances exceptionnelles.
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