Les pays de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) ont rapidement réagi pour contenir la propagation du virus dans les mois qui ont suivi l’apparition des premiers cas de COVID-19. Si les mesures de confinement, de couvre-feu et de distanciation sociale, indispensables, ont indubitablement sauvé des vies, elles ont également pénalisé l’activité économique. La disparition d’emplois et de moyens de subsistance, ainsi que la fermeture des écoles et des marchés, ont fragilisé les communautés et les entreprises, dont certaines pourraient ne pas redémarrer.
Un an a passé et, clairement, la pandémie a touché de manière disproportionnée les populations pauvres et vulnérables — une réalité qui s’explique en grande partie par une protection sociale traditionnellement plus réduite, sachant que la situation se dégradait déjà avant la crise sanitaire. En cause, l’effondrement des cours du pétrole, une fragilité institutionnelle et les conflits dans plusieurs pays, en particulier le Yémen, la Syrie, la Libye et l’Iraq. La maladie et la disparition des emplois dans le secteur informel sont venues aggraver la vulnérabilité des populations déplacées et des réfugiés.
La région MENA connaissait déjà une recrudescence de l’extrême pauvreté (dont le seuil est fixé à 1,90 dollar par jour), avec un taux de 7,2 % en 2018, contre 3,8 % en 2015 et 2,4 % en 2013. Selon des estimations de la Banque mondiale pour la région, la crise de la COVID-19 aurait fait basculer dans l’extrême pauvreté 8 millions de personnes supplémentaires tandis que 18 millions d’individus de plus doivent vivre avec moins de 5,50 dollars par jour.
Les filets sociaux se sont révélés particulièrement efficaces pour atténuer l’impact de la crise et renforcer la résilience des ménages, même les plus démunis. Vingt-et-un pays de la région MENA ont pris des mesures pour contrer les effets de la COVID-19, avec des dispositifs d’assistance et d'assurance sociale, ainsi que des programmes ciblés sur le marché du travail. Plusieurs de ces mesures s’appuient sur et viennent consolider des politiques, des stratégies et des programmes de protection sociale déjà en vigueur. L’extension de la couverture se fait soit de manière verticale, en augmentant les prestations versées aux bénéficiaires actuels, soit de manière horizontale, en ciblant de nouveaux bénéficiaires.
La Banque mondiale a accompagné le déploiement de ces mesures en mobilisant des financements et une assistance technique rapides, flexibles et adaptatifs. Notre soutien aux opérations de protection sociale a plus que doublé avec, à la clé, une hausse du nombre de bénéficiaires, qui devraient passer de deux à 16 millions. De tels ordres de grandeur prouvent que les systèmes sociaux dans la région MENA ont su réagir et passer à la vitesse supérieure.
La situation d’urgence a repoussé les frontières de la protection sociale, obligeant à faire appel à la technologie pour organiser les paiements, constituer et développer les registres sociaux et étendre la couverture horizontale et verticale des filets et des prestations, entre autres interventions.
Les campagnes actuelles de vaccination vont contribuer au redémarrage de la région mais, dans les mois et les années à venir, la protection sociale sera tout aussi cruciale. À mesure que la reprise s’installe, les gouvernements seront confrontés à des budgets plus contraints et devront opérer de difficiles arbitrages en termes de dépenses et d’action publique. Pour les ménages pauvres et vulnérables, les communautés et les petites entreprises, le retour à la nouvelle normalité sera conditionné par les décisions prises pour répondre à leurs besoins.
À l’avenir, la refonte de la protection sociale dans la région MENA sera encore donc plus importante. Nous devrons aider les pays à engager fermement les réformes et les innovations susceptibles d’offrir une couverture sociale adéquate aux travailleurs du secteur informel, remettre à plat les subventions régressives pour récupérer une marge de manœuvre budgétaire en vue du déploiement de filets sociaux ciblés, optimiser les systèmes de prestations et investir dans des institutions capables de promouvoir le chantier de la protection sociale en appui à l’élaboration des politiques et de leur mise en œuvre.
La pandémie de COVID-19 est certes à l’origine d’une crise d’une ampleur inédite, mais elle offre aussi aux pays de la région MENA l’occasion de bâtir des systèmes de protection sociale plus souples, plus résilients et plus inclusifs. Leur riposte sociale à la pandémie mondiale est riche d’enseignements. Confrontés à une deuxième ou troisième vague, plusieurs pays ont plus ou moins prolongé les mêmes mesures de confinement, rendant les secours d’urgence toujours indispensables. Les transferts monétaires organisés pour faire face à l’urgence n’ont été mis en place que pour trois à quatre mois en général.
À mesure que les pays se dotent de stratégies pour redémarrer et sortir de la crise, les programmes de protection sociale joueront un rôle encore plus essentiel pour soutenir les plus démunis et les plus vulnérables, mais aussi aider ceux qui ont basculé dans la pauvreté à s’en extraire. Mais, pour avoir un impact plus durable et plus important, les innovations introduites dans le domaine de la protection sociale devront s’attacher à développer des synergies avec les investissements consentis dans d’autres secteurs comme l’éducation, la santé et l’emploi. Le souci constant de l’innovation, de l’apprentissage et du partage d’expériences dans la conception et la mise en œuvre des mesures de protection sociale sera déterminant pour dessiner les contours de la nouvelle normalité dans la région.
En lien :
[ÉVENEMENT] L'avenir de la protection sociale dans la région MENA
Prenez part au débat