En butte à d’innombrables défis, au rang desquels les questions transfrontalières et l’escalade des conflits internes, le Moyen-Orient ne semble offrir aucune garantie sérieuse d’intégration, quelle soit d’ordre économique ou autre. Il apparaît dès lors difficilement envisageable d’imaginer un chemin de randonnée qui traverserait la région. Et puis même s’il existait, personne ne voudrait l’emprunter. La réalité est pourtant tout autre.
L’organisation Abraham’s Path Initiative a mis sur pied un itinéraire de tourisme culturel qui suit les traces d’Abraham à travers le Moyen-Orient, de sa ville natale d'Urfa, en Turquie, à Hébron, en Palestine, où il est décédé. Le chemin s’étend aujourd'hui sur 500 kilomètres, mais pourrait à terme couvrir dix pays et atteindre 5 000 kilomètres.
Depuis 2008, l’idée a séduit : quelque 3 5000 voyageurs ont emprunté cet itinéraire, la plupart croisant 21 communautés rurales et villages de Jordanie et Palestine. Ils apprécient loger chez l’habitant, partager des repas maison et marcher à la découverte de somptueux sites naturels et archéologiques et de terroirs séculaires au Moyen-Orient.
Abraham’s Path innove par son modèle alternatif de tourisme dont les retombées profitent en grande partie à des populations rurales désavantagées, touchées par les conflits et ne disposant que de rares infrastructures. Les femmes en sont les principales bénéficiaires, elles qui sont responsables des communautés, des séjours chez l’habitant et de l'accueil. Les hommes servent pour la plupart de guides, mais dans certains pays, de nouvelles tendances émergent. La jeunesse locale s’essaie aux langues étrangères avec les randonneurs, et met ainsi très tôt un pied dans l'industrie du tourisme.
Ce projet semble participer d’une évolution de plus en plus poussée du tourisme mondial : des voyageurs du monde entier en quête de « sens » dans des sites largement préservés. Ils sont à la recherche d’authenticité et d’expériences de voyage uniques, qui les poussent à se frotter à l’inconnu, à l’écart de toute convention de luxe et de confort. Ils attendent également une plus grande éthique pour la conservation des espaces naturels et se considèrent moins comme des « consommateurs de formules vacances » que des contributeurs portant des idées, des rencontres et un art de voyager nouveaux. La découverte de petites villes et villages habituellement délaissés par les circuits touristiques classiques s’inscrit dans le type de périple que ces voyageurs en quête de sens recherchent.
La marche à pied, plus particulièrement, est l’un des sous-secteurs du tourisme mondial qui attire une large proportion de ces visiteurs, qui sont chaque année plus de 170 000 à emprunter les Chemins de Compostelle en France et en Espagne. Après l’Europe et le continent américain, le phénomène des grandes randonnées s’est propagé à l’Asie et à l’Afrique. Une seule région restait inexplorée : le Moyen-Orient. La situation a évolué ces dernières années avec le tracé de sentiers et de chemins qui s’est accompagné de la publication de nouveaux guides de voyage qui présentent des itinéraires au Liban, en Jordanie, en Palestine et en Israël. Le « Chemin d’Abraham » a vu plus grand avec la création d'un chemin de randonnée qui parcourt tout le Moyen-Orient.
Depuis 2008, un itinéraire de près de 400 kilomètres a été tracé en Palestine, jalonné de structures d’accueil, de guides et d’hébergements. Le prolongement du chemin, côté palestinien, traverse 13 communautés et villages des zones A, B et C de la Cisjordanie.
Face à la réussite de cette initiative, quel potentiel social et économique pourrait-on observer si le projet prenait de l'ampleur ? Ce chemin de grande randonnée est-il susceptible d’avoir des répercussions sur la préservation de l’environnement et du patrimoine ? Ou pourrait-il mener à une intégration transfrontalière et une coopération accrues ? L’avenir nous le dira.
L’organisation non-gouvernementale mondiale Abraham's Path Initiative est implantée à Urfa, Amman, Bethléem, Cambridge (Massachussetts), Jérusalem, Londres, Rotterdam et São Paulo. Sa mission est de faciliter les déplacements le long du chemin d'Abraham. Fondée dans le cadre de la Global Negotiation Initiative d’Harvard, l’ONG est reconnue par l'Alliance des civilisations des Nations Unies et l’Organisation mondiale du tourisme des Nations Unies qui soutiennent son action. L’Abraham's Path Initiative est une organisation non lucrative, apolitique et non confessionnelle qui honore toutes les cultures et toutes les spiritualités.
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