Des pyramides témoignant de la première grande civilisation du monde aux plages de sable blanc du pourtour sud-méditerranéen en passant par les hauts-lieux religieux et les trésors écologiques, les attraits touristiques de la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord) sont exceptionnels et innombrables. Certes le tourisme répond aux aspirations hédonistes des vacanciers, mais il représente surtout pour cette région un secteur de premier plan dans le développement économique et la création d’emplois. En 2011, il aurait directement contribuéà hauteur de 107,3 milliards de dollars au PIB régional (soit 4,5 %) et représenté 4,5 millions d’emplois (soit 6,75 % de l’emploi total).
Le tourisme régional a cependant fortement pâti du Printemps arabe et de l’instabilité économique en Europe. Le nombre d’arrivées a décru de 9 %, tombant à 72 millions en 2011, soit 6,6 millions de visiteurs en moins. En Égypte et en Tunisie, les recettes touristiques ont chuté de 30 % et de 45 %, respectivement. L’hôtellerie, les croisières et les voyages organisés ont enregistré une baisse vertigineuse par rapport à leur niveau de 2010. Et les mouvements de contestation sociale qui continuent d’agiter la région ainsi que les titres négatifs dont celle-ci fait l’objet dans les médias n’ont pas arrangé les choses.
Confrontées à un chômage de masse et à des troubles sociaux sporadiques, les économies de la région MENA doivent sans plus attendre engager des réformes dans leur secteur touristique. Pourquoi ? Parce que ces réformes seront doublement bénéfiques : elles favoriseront la reprise économique et remédieront aux problèmes de compétitivité qui empêchent ce secteur de contribuer pleinement au développement et à la création d’emplois.
Les pays de la région MENA devraient d’abord changer de stratégie et commencer à miser sur tous les aspects de leur patrimoine : géographique, écologique, historique et religieux. Il leur faut passer d’un tourisme purement balnéaire, qui a été fructueux par le passé, à une offre touristique combinant plage et sites historiques, mais aussi gastronomie, arts et nature (parcs et réserves). Cette offre diversifiée incitera les touristes à faire des séjours plus longs, à revenir plus souvent et à acheter des produits et des services locaux plutôt que d’enrichir les grands tour-opérateurs.
Par ailleurs, la faiblesse des infrastructures — avec cependant de grandes disparités d’un pays à l’autre — continue globalement d’entraver la croissance du tourisme. Les touristes hésitent à venir dans cette région en raison des problèmes liés aux transports, à la maintenance des sites touristiques ainsi qu’aux conditions d’hygiène et de sécurité. La région MENA aurait par conséquent tout intérêt à améliorer la gestion publique de ses sites touristiques. Des investissements publics ciblés pourraient générer de substantiels profits car, une fois en place, beaucoup d’installations touristiques s’auto-entretiennent — c’est le cas, par exemple, des sites touristiques dans les zones de désert.
Dans nombre de pays de la région, c’est l’État qui domine le secteur du tourisme, en termes de stratégie et d’activités. Souvent, les voyagistes ont des liens avec le pouvoir politique, d’où des offres touristiques qui ne correspondent pas aux attentes réelles des voyageurs, et ils ne sont pas toujours des plus efficaces et compétents. Une plus grande ouverture du secteur et l’encouragement de la compétitivité permettraient d’obtenir de meilleures prestations. Les pouvoirs publics pourraient, par exemple, soutenir la création de petites pensions, ce qui favoriserait une plus large diffusion des revenus du tourisme et étofferait l’offre d’hébergement, en particulier dans les zones reculées. Il est également essentiel qu’ils associent les acteurs privés aux décisions de stratégie. Sur ce plan, la Jordanie fournit un bon exemple de « désengagement » de l’État dans le secteur touristique : elle a demandé à une organisation à but non lucratif, la Royal Society for the Conservation of Nature, d’élaborer une stratégie de gestion des sites écologiques du pays. Cette politique donne de très bons résultats. Elle permet notamment de tisser de solides liens avec les populations locales.
Parce ce qu’il génère des emplois divers à différents niveaux de qualifications (agents de maintenance, guides, personnel hôtelier, architectes, urbanistes, etc.) et qu’il joue un rôle économique important dans les zones rurales, le tourisme est un secteur en mesure d’offrir des perspectives d’emploi tout particulièrement aux jeunes et aux femmes de la région MENA. Il existe cependant un certain nombre d’obstacles qui entravent ces perspectives. Par exemple, dans une grande partie de cette région, on préfère que les femmes restent à la maison et, en raison de préjugés culturels, certaines communautés répugnent à travailler dans le secteur des services. Les pouvoirs publics devront par ailleurs mettre en place les systèmes d’éducation et de formation nécessaires pour que les jeunes et les femmes aient accès aux offres d’emploi dans le secteur du tourisme, surtout dans les zones rurales, où les taux d’alphabétisation et de scolarisation sont généralement faibles. Néanmoins, il est utile de noter que, dans le monde, la moitié des personnes qui travaillent dans le tourisme sont des jeunes. Ce secteur représente donc de formidables opportunités d’emploi pour la jeunesse arabe.
Les défis que le secteur du tourisme doit relever sont certes multiples mais, en le réformant, il est possible d’en tirer de nombreux bénéfices, en termes de création d’emplois, d’autonomisation sociale et d’intégration régionale, alors même et d’autant plus que la région MENA traverse une passe économique et politique difficile.
Ce blog s’appuie sur les résultats d’un atelier consacré au tourisme dans la région MENA (a). Cet atelier s’est déroulé les 3 et 4 décembre 2012 à Tunis. Financé par le programme Savoirs et apprentissages de la Région MENA/Banque mondiale, il a été organisé, en partenariat avec le gouvernement tunisien, par les départements suivants : Finances et secteur privé de la Région MENA, Développement urbain et Environnement, Climat de l’investissement (IFC), Compétitivité, climat de l’investissement et bonnes pratiques.
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