La Tunisie finalise les inscriptions sur les listes électorales
Le berceau du Printemps arabe est parfois décrit comme le seul État démocratique de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Toutefois, si la Tunisie veut conserver cette distinction et respecter sa nouvelle Constitution, il faut qu’un scrutin légitime se tienne cette année. Après un long débat sur des questions de procédure entre le parti islamiste Ennahda, (lequel faisait pression pour que soient d’abord organisées les élections législatives), et le parti d’opposition (qui préférerait voir d’abord se dérouler l’élection présidentielle), l’Assemblée nationale constituante a finalement décidé en juin dernier que les élections parlementaires se tiendraient le 26 octobre 2014, et que le scrutin présidentiel se déroulerait le 23 novembre, ce qui laisserait suffisamment de temps, au besoin, pour un second tour avant la fin de l’année.
C’est alors qu’a commencé une véritable course contre la montre pour l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE). En un mois, jusqu’au 22 juillet, il fallait que les nouveaux électeurs s’inscrivent sur les listes pour pouvoir voter. Toutefois, il n’était pas nécessaire que les personnes qui avaient voté lors des dernières élections, en 2011, se réinscrivent, hormis pour celles qui avaient pu voter à la dernière minute (cette autorisation visant essentiellement à amplifier les chiffres officiels de la participation).
Difficile de s’y retrouver, n’est-ce pas ? La population a-t-elle conscience de ces procédures et de ces échéances ? Raouf Boutara, vice-président de l’Association tunisienne pour l’intégrité et la démocratie des élections (ATIDE) , qui surveille le processus électoral, estime que non. Contrairement à ce qui s’est passé en 2011, peu après l’explosion du Printemps arabe, si vous ne vous inscrivez pas à l’avance pour ces élections, vous ne serez pas autorisé à voter.
Beaucoup pensent qu’une proportion relativement faible des 7,5 millions d’électeurs potentiels en Tunisie mettra son bulletin dans l’urne, cette fois-ci. Lors de la dernière élection en date en Tunisie, la première réellement démocratique, quatre millions d’électeurs s’étaient inscrits. « Si nous pouvons inscrire les quelque 500 000 personnes qui ont voté la dernière fois mais sans s’être jamais inscrits et les 500 000 jeunes qui n’avaient pas encore 18 ans à l’époque, cela ferait un million d’inscriptions supplémentaires », calcule Raouf Boutara, précisant que l’objectif est réaliste.
Cela n’a pas été l’affluence au début : « Cela a très mal commencé, raconte Hejer Sdiri, de l’ATIDE, qui œuvre à la sensibilisation sur le terrain à Ben Arous, dans la banlieue de Tunis. L’ISIE était mal préparée, et beaucoup des travailleurs ne savaient même pas où se trouvaient les bureaux d’inscription. »
Avec d’autres organisations non gouvernementales et l’ISIE, l’ATIDE a organisé une réunion d’urgence où il a été décidé de mener une campagne de sensibilisation par SMS. « Nous avons 12 millions de numéros de portables [dans le pays], explique avec enthousiasme Raouf Boutara, alors nous sommes allés voir nos trois opérateurs de télécom et nous avons envoyé un SMS à chaque numéro de portable. » Et de montrer fièrement le SMS que lui-même a reçu à la suite de cette opération.
Une autre initiative, qui ciblait les jeunes, s’est tenue le même jour que la finale de la Coupe du monde de football. « Nous avons déclaré le dimanche 13 juillet Journée nationale d’inscription des électeurs », explique Achraf Aouadi, fondateur de I Watch, organisme de jeunesse qui s’efforce de sensibiliser les jeunes aux élections. Leur objectif était de créer un élan avec des slogans comme « Allez vous inscrire pendant que vous regardez la finale ! » La campagne a pris une forme virale dans les médias sociaux tels que Facebook et Twitter.
Les jeunes se sont mis à discuter, certains avançant qu’aucun parti ne les représentait, tandis que d’autres affirmaient que voter n’était pas simplement un droit des citoyens, mais leur devoir, et suppliaient les gens de s’inscrire sur les listes.
Achraf Aouadi affirme que l’échéance de juillet pour l’inscription des votants a fait de ce processus électoral un véritable défi pour les électeurs tunisiens, « parce que si vous ne vous inscrivez pas maintenant, c’est fini, pas de deuxième chance pour les retardataires ».
Cependant, beaucoup des jeunes de Tunisie n’y attachent pas d’importance : ils n’ont plus confiance dans les hommes politiques du pays. « Comme nous sommes jeunes nous-mêmes, nous savons que les jeunes vont boycotter les élections » , confie Achraf Aouadi. Pour essayer de toucher la jeunesse, il a suggéré d’utiliser des outils qui séduisent la jeune génération, comme les médias sociaux, les jeux et les applications mobiles. « J’utiliserais également le [mois du] Ramadan comme une plateforme, [car alors] tous les Tunisiens sont dehors. »
En zone urbaine, on peut atteindre les gens sans grande difficulté, mais à la campagne, c’est plus compliqué : « Pour entrer en contact avec les hommes, il suffit d’aller dans les cafés, mais pour les femmes, c’est plus difficile, il faut faire du porte à porte, et cela prend du temps », fait-il observer.
Du temps que la Tunisie n’avait pas.
Raouf Boutara était bien sûr soucieux d’inciter les électeurs à s’inscrire, mais au-delà, sa plus grande préoccupation était la sécurité. « Je m’inquiète surtout des facteurs que nous ne pouvons pas maîtriser, précise-t-il, comme un acte terroriste contre un bureau de vote, par exemple. Ce serait une catastrophe pour les élections. »
Depuis l’éviction de l’ancien président de la Tunisie, Zine El-Abidine Ben Ali, en 2011, ce petit pays méditerranéen a été confronté à un certain nombre de menaces pour sa sécurité émanant de franges religieuses radicales : la route vers la stabilité démocratique s’avère cahoteuse. La manière dont le pays saura gérer ces prochaines élections pourrait constituer un indicateur important du degré de démocratie de la Tunisie de demain.
Le berceau du Printemps arabe est parfois décrit comme le seul État démocratique de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Toutefois, si la Tunisie veut conserver cette distinction et respecter sa nouvelle Constitution, il faut qu’un scrutin légitime se tienne cette année. Après un long débat sur des questions de procédure entre le parti islamiste Ennahda, (lequel faisait pression pour que soient d’abord organisées les élections législatives), et le parti d’opposition (qui préférerait voir d’abord se dérouler l’élection présidentielle), l’Assemblée nationale constituante a finalement décidé en juin dernier que les élections parlementaires se tiendraient le 26 octobre 2014, et que le scrutin présidentiel se déroulerait le 23 novembre, ce qui laisserait suffisamment de temps, au besoin, pour un second tour avant la fin de l’année.
C’est alors qu’a commencé une véritable course contre la montre pour l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE). En un mois, jusqu’au 22 juillet, il fallait que les nouveaux électeurs s’inscrivent sur les listes pour pouvoir voter. Toutefois, il n’était pas nécessaire que les personnes qui avaient voté lors des dernières élections, en 2011, se réinscrivent, hormis pour celles qui avaient pu voter à la dernière minute (cette autorisation visant essentiellement à amplifier les chiffres officiels de la participation).
Difficile de s’y retrouver, n’est-ce pas ? La population a-t-elle conscience de ces procédures et de ces échéances ? Raouf Boutara, vice-président de l’Association tunisienne pour l’intégrité et la démocratie des élections (ATIDE) , qui surveille le processus électoral, estime que non. Contrairement à ce qui s’est passé en 2011, peu après l’explosion du Printemps arabe, si vous ne vous inscrivez pas à l’avance pour ces élections, vous ne serez pas autorisé à voter.
Beaucoup pensent qu’une proportion relativement faible des 7,5 millions d’électeurs potentiels en Tunisie mettra son bulletin dans l’urne, cette fois-ci. Lors de la dernière élection en date en Tunisie, la première réellement démocratique, quatre millions d’électeurs s’étaient inscrits. « Si nous pouvons inscrire les quelque 500 000 personnes qui ont voté la dernière fois mais sans s’être jamais inscrits et les 500 000 jeunes qui n’avaient pas encore 18 ans à l’époque, cela ferait un million d’inscriptions supplémentaires », calcule Raouf Boutara, précisant que l’objectif est réaliste.
Cela n’a pas été l’affluence au début : « Cela a très mal commencé, raconte Hejer Sdiri, de l’ATIDE, qui œuvre à la sensibilisation sur le terrain à Ben Arous, dans la banlieue de Tunis. L’ISIE était mal préparée, et beaucoup des travailleurs ne savaient même pas où se trouvaient les bureaux d’inscription. »
Avec d’autres organisations non gouvernementales et l’ISIE, l’ATIDE a organisé une réunion d’urgence où il a été décidé de mener une campagne de sensibilisation par SMS. « Nous avons 12 millions de numéros de portables [dans le pays], explique avec enthousiasme Raouf Boutara, alors nous sommes allés voir nos trois opérateurs de télécom et nous avons envoyé un SMS à chaque numéro de portable. » Et de montrer fièrement le SMS que lui-même a reçu à la suite de cette opération.
Une autre initiative, qui ciblait les jeunes, s’est tenue le même jour que la finale de la Coupe du monde de football. « Nous avons déclaré le dimanche 13 juillet Journée nationale d’inscription des électeurs », explique Achraf Aouadi, fondateur de I Watch, organisme de jeunesse qui s’efforce de sensibiliser les jeunes aux élections. Leur objectif était de créer un élan avec des slogans comme « Allez vous inscrire pendant que vous regardez la finale ! » La campagne a pris une forme virale dans les médias sociaux tels que Facebook et Twitter.
Les jeunes se sont mis à discuter, certains avançant qu’aucun parti ne les représentait, tandis que d’autres affirmaient que voter n’était pas simplement un droit des citoyens, mais leur devoir, et suppliaient les gens de s’inscrire sur les listes.
Achraf Aouadi affirme que l’échéance de juillet pour l’inscription des votants a fait de ce processus électoral un véritable défi pour les électeurs tunisiens, « parce que si vous ne vous inscrivez pas maintenant, c’est fini, pas de deuxième chance pour les retardataires ».
Cependant, beaucoup des jeunes de Tunisie n’y attachent pas d’importance : ils n’ont plus confiance dans les hommes politiques du pays. « Comme nous sommes jeunes nous-mêmes, nous savons que les jeunes vont boycotter les élections » , confie Achraf Aouadi. Pour essayer de toucher la jeunesse, il a suggéré d’utiliser des outils qui séduisent la jeune génération, comme les médias sociaux, les jeux et les applications mobiles. « J’utiliserais également le [mois du] Ramadan comme une plateforme, [car alors] tous les Tunisiens sont dehors. »
En zone urbaine, on peut atteindre les gens sans grande difficulté, mais à la campagne, c’est plus compliqué : « Pour entrer en contact avec les hommes, il suffit d’aller dans les cafés, mais pour les femmes, c’est plus difficile, il faut faire du porte à porte, et cela prend du temps », fait-il observer.
Du temps que la Tunisie n’avait pas.
Raouf Boutara était bien sûr soucieux d’inciter les électeurs à s’inscrire, mais au-delà, sa plus grande préoccupation était la sécurité. « Je m’inquiète surtout des facteurs que nous ne pouvons pas maîtriser, précise-t-il, comme un acte terroriste contre un bureau de vote, par exemple. Ce serait une catastrophe pour les élections. »
Depuis l’éviction de l’ancien président de la Tunisie, Zine El-Abidine Ben Ali, en 2011, ce petit pays méditerranéen a été confronté à un certain nombre de menaces pour sa sécurité émanant de franges religieuses radicales : la route vers la stabilité démocratique s’avère cahoteuse. La manière dont le pays saura gérer ces prochaines élections pourrait constituer un indicateur important du degré de démocratie de la Tunisie de demain.
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