Le rôle crucial du consensus dans les réformes politiques et économiques
La réussite des transitions économiques et politiques, quelles que soient les circonstances à l’origine de leur émergence, peut être réduite à un dénominateur commun : l’existence d’un consensus. Même si une crise en est à l’origine, une transition ne pourra s’accomplir avec succès que si elle s’accompagne d’un consensus sur le besoin de changement, d’une vision partagée des objectifs et d’une entente sur la façon d’atteindre ceux-ci.
Cette nécessité d’un consensus a été mise en lumière au cours d’un séminaire sur la place des réformes de la gouvernance dans les transitions actuelles au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (région MENA). Organisé par la Banque mondiale dans la capitale marocaine, Rabat, ce séminaire intitulé Transitions et réformes de la gouvernance dans la région MENA a réuni un large éventail de représentants des pouvoirs publics, de la société civile et des médias pour débattre des défis de la région avec des membres de la communauté internationale du développement et d’anciens dirigeants d’autres pays du monde ayant fait l’expérience de transitions similaires
L’ancien Premier ministre de Roumanie, Petre Roman, a souligné le caractère unique de chaque transition, et donc l’impossibilité de suivre un modèle. Cela ne signifie pas pour autant que les transitions ne connaissent pas de règle. Petre Roman, de même que l’ancien président de Slovénie Milan Kucan, ont mis en avant la nécessité d’un processus qui invite le pays tout entier à définir très clairement les objectifs de la transition et qui assure la compréhension des enjeux par tous. Plus les objectifs sont clairs et détaillés, plus l’on est à même d’établir le consensus nécessaire. Ce processus serait comme « une rivière formée de plusieurs sources », selon l’image employée par Milan Kucan. En Roumanie, le gouvernement de Roman Petre avait fait appel à 4 000 experts nationaux et à l’appui de 400 spécialistes internationaux pour rédiger un document stratégique articulant clairement les intérêts formulés par l’ensemble des composantes de la société roumaine. Expression concrète d’un consensus, ce document a servi de guide à la transition.
Attentes des citoyens
En mettant ainsi l’accent sur le consensus, ainsi que sur le besoin de clarté et d’inclusion pour y parvenir, on voit que les changements fondamentaux intervenant dans la relation entre citoyens et gouvernants, loin d’être le produit des transitions, en sont en fait la condition préalable. C’est la réactivité des gouvernements aux attentes des citoyens pour plus d’ouverture et de « redevabilité », lesquelles étaient au cœur du Printemps arabe, qui a rendu possible l’amorce des processus de transition actuels. L’orientation des gouvernements en faveur de réformes de la gouvernance, avec des engagements de transparence et le vote de lois sur l’accès à l’information, a permis la réalisation du grand dialogue social requis pour l’établissement du projet complexe de changement. Les transitions ne suivent aucun modèle, mais elles exigent des modifications fondamentales des interactions entre gouvernements et citoyens, afin d’établir un cadre social au sein duquel le consensus est possible.
Il ne fait pas de doute que l’importance des réformes de la gouvernance, tout comme l’accent mis sur cette condition préalable à toute transition, s’appliquent à la région MENA. Pour le ministre marocain de la Gouvernance et des Affaires générales Mohamed Boulif, l’existence même de son ministère est la preuve de la reconnaissance de la relation fondamentale qui unit la réforme de la gouvernance à la satisfaction de la demande de changement émanant de la population. La nouvelle Constitution marocaine adoptée en juillet dernier, qui a notamment créé ce ministère et inauguré le processus de réforme en cours, consacre des chapitres entiers à la gouvernance. À l’instar du document décrit par Petre Roman, elle décrit le fonctionnement requis des diverses institutions de l’État, établissant ainsi les bases de leur redevabilité. Elle consacre les réformes initiales et dessine le chemin à suivre pour la transition. L’enjeu, à présent, est de maintenir le consensus le temps de la mise en œuvre de la transition.
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