Alaa Jundi est libanais. Il a 27 ans et vit à Tebbaneh, dans la banlieue de Tripoli. Il n’a pas eu la chance de poursuivre ses études. Passionné d’art, il avait une ambition : devenir comédien. Ses espoirs déçus faute d’opportunités, il entreprend de suivre des cours artistiques dans le cadre d’un projet de la Banque mondiale. Il n’a pas d’autre objectif alors que d’enrichir ses compétences : « C’était comme un rêve au début, une façon d’occuper mon temps et de pratiquer mon hobby ». En réalité, ce que Alaa a appris lui permettra de monter, avec mon collègue, une entreprise spécialisée dans l’organisation d’événements et d’anniversaires pour les enfants.
Fatme Ahmad a 22 ans. Elle vit également à Tebbaneh et n’a pas pu, elle non plus, continuer ses études pour diverses raisons. Fatme désirait par conséquent renforcer son bagage de compétences. « Je savais qu’il existait des formations en compétences non techniques qui pourraient m’aider à trouver un emploi plus tard », explique-t-elle. Grâce à un programme de la Banque mondiale, elle a pu participer à des ateliers d’informatique et d’anglais pendant quatre mois, et se former ainsi en profondeur à certains programmes informatiques. « Je travaille comme secrétaire à présent. Cette possibilité qui m’a été offerte m’a ouvert les portes de l’emploi et d’une nouvelle vie ! ».
Alaa et Fatme ne sont que deux exemples de cette jeunesse marginalisée de Tripoli qui bénéficie directement des initiatives financées par la Banque mondiale et destinées à développer le tourisme et à revitaliser l’activité économique et artistique.
Tripoli est la principale ville du nord du Liban et la deuxième plus grande ville du pays. En proie à de nombreux conflits et affrontements depuis dix ans, elle a subi ces dernières années les effets de la crise syrienne. Ces difficultés ont réduit les débouchés pour les jeunes, dont le taux de chômage a grimpé à 60 %. Le taux d’abandon scolaire atteignait environ 50 % dans les quartiers défavorisés, tandis que le taux de pauvreté s’élevait à quelque 40 % dans la ville.
Pour lutter contre tous ces problèmes et combattre un sentiment d’impuissance qui nourrit la criminalité et l’extrémisme, les jeunes de Tripoli voulaient assumer plus de responsabilités et jouer notamment un rôle accru dans la redynamisation du tourisme. Ce secteur est en effet un moteur traditionnel de croissance économique et de création d’emplois dans une ville qui possède un riche patrimoine, avec ses 136 monuments, églises et mosquées anciennes, ses sept souks et son chapelet d’îles.
En 2017, nous nous sommes donc regroupés pour créer une entreprise sociale que nous avons baptisée Trablos Ahla (« Tripoli plus belle »). Notre objectif : valoriser les secteurs du tourisme et de l’artisanat en menant divers types d’activités et d’événements.
Le projet de valorisation du patrimoine urbain et culturel entrepris par la Banque mondiale dans cinq villes du Liban a financé notre initiative dans la vieille ville de Tripoli. Celle-ci s’étend sur les deux rives du fleuve Abou Ali, berceau des cités-États phéniciennes de Sidon et de Tyr, et abrite de nombreux monuments à moitié détruits ou jonchés de détritus. Renforcement des capacités, formation professionnelle et activités génératrices de revenu : 350 jeunes ont à ce jour directement bénéficié du projet. Certains ont suivi des cours pour améliorer leurs compétences pratiques et sociales afin d’accroître leurs chances de décrocher un emploi. D’autres ont été formés pour devenir guides touristiques dans le cadre de notre initiative Trablos Ahla.
Le projet a notamment financé la réhabilitation de Khan el-Askar. Ce célèbre souk, en état de délabrement très avancé, a servi de lieu de formation pour nos apprentis guides, avant de devenir un arrêt obligé de nos parcours touristiques.
La revitalisation du souk a en outre fait 1 000 bénéficiaires indirects, en permettant l’organisation de spectacles culturels, de travaux artisanaux et d’autres activités artistiques. Ces jeunes ont pu prendre part à un grand nombre d’événements et vivre des expériences inédites.
Omar Chaker, 20 ans, est originaire de Kobbeh, un quartier de Tripoli qui a été le théâtre d’affrontements ces dernières années. Il exprime sa reconnaissance pour cette initiative qui lui a permis d’obtenir un emploi de guide et ouvert de nouveaux horizons : « Je n’avais aucune idée de l’existence de ces métiers artisanaux et du potentiel touristique de notre ville. Je suis très heureux que ma ville possède ces atouts exceptionnels et je suis fier de participer à quelque chose d’exceptionnel à Tripoli. »
Hanin Ibrahim est également devenue guide touristique. « La première fois que j’ai visité la vieille ville, je travaillais comme bénévole à l’inauguration de Trablos Ahla. J’avais peur d’aller là-bas au début. Mais quand j’ai visité Khan el-Askar pour la préparation de l’événement, je n’avais pas l’impression d’être au Liban : j’ai découvert un site extraordinaire ! ». La jeune femme de 27 ans, qui a vu le potentiel du lieu pour la mise en place de nombreux projets, continue aujourd’hui de prendre part à l’initiative afin de poursuivre les efforts de valorisation touristique de sa ville.
Les jeunes de Tripoli bénéficient en outre de l’appui du ministre libanais de la Culture, M. Ghattas Khoury. Après avoir assisté à l’inauguration de Trablos Ahla l’année dernière, le ministre a apporté toute sa coopération à cette initiative et œuvré à la pérennité de Khan el-Askar. Il y a deux mois, il a nommé les membres de son conseil d’administration et alloué un budget pour la mise en place d’activités culturelles, ce qui augure du meilleur pour la suite.
L’important pour les jeunes de Tripoli est d’exploiter les ressources qu’offre la ville pour s’engager davantage dans la vie de la cité, accroître la génération de revenus et améliorer les moyens de subsistance économique. Certes, notre ville a traversé des passes difficiles, mais elle recèle encore bien des ressources et beaucoup d’espoirs pour sa jeunesse.
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