Publié sur Voix Arabes

Le secteur de l'énergie en Tunisie peut devenir un moteur de croissance verte

Wind turbine in Northern Tunisia, Bizerte Governorate. (Shutterstock.com/Mashhour) Wind turbine in Northern Tunisia, Bizerte Governorate. (Shutterstock.com/Mashhour)

Au cours des dix dernières années, le secteur de l'énergie en Tunisie a été confronté à d’importants défis. L’une des préoccupations majeures a été la dépendance croissante vis-à-vis des importations de pétrole et de gaz, provoquant ainsi une détérioration de la balance commerciale et un accroissement du déficit financier de la Société Tunisienne d’Electricité et de Gaz (STEG). Un moment critique a été atteint cet été avec l'apparition de coupures de courant, car la STEG ne disposait ni des moyens techniques ni des ressources financières nécessaires pour répondre pleinement à la demande de pointe croissante. Et pourtant, le pays bénéficie de ressources énergétiques renouvelables abondantes et occupe une position stratégique entre l'Afrique et l'Europe, offrant ainsi la possibilité non seulement de satisfaire ses propres besoins énergétiques internes, mais également de devenir un centre majeur pour la production et l'exportation d'énergie durable. La Banque mondiale apporte un soutien technique et financier au gouvernement Tunisien pour concrétiser cette vision.

La demande énergétique croissante et la baisse de la production nationale de pétrole et de gaz ont entraîné une augmentation de la dépendance à l'égard des importations d'énergie, qui sont passées de 5% de la consommation en 2010 à 50 % en 2022 (toutes les données présentées dans ce blog proviennent du gouvernement Tunisien ou de la STEG). Pour la STEG, cela s'est traduit par une dépendance croissante à l'égard des importations de gaz naturel en provenance de l'Algérie voisine. De plus, le prix d'importation du gaz naturel a fortement augmenté depuis 2021 et la demande croissante en électricité contraint la STEG à investir dans la production, les réseaux de transport et de distribution. Par conséquent, la santé financière de la STEG a connu une détérioration notable, principalement en raison de l'absence de tarifs en adéquation avec les coûts réels et de subventions insuffisantes. Cette problématique est exacerbée par le manque de rigueur dans les paiements des factures des clients du secteur public, ainsi que par l’augmentation du vol d'électricité.

Alors, que peut faire la Tunisie afin de transformer le manque de production de pétrole et de gaz en opportunité ? La première réponse réside dans les abondantes ressources en énergie solaire et éolienne de la Tunisie, avec un potentiel de production estimé à une capacité de 320 gigawatts (GW) par rapport à la demande de pointe actuelle d'environ 5 GW. Le gouvernement a pour objectif de porter la part des énergies renouvelables de 8% en 2022 à 35 % de la capacité de production électrique d’ici 2030. La bonne nouvelle c’est qu’il n'a pas besoin d'utiliser ses ressources financières limitées pour investir dans des centrales solaires ou éoliennes. Le secteur privé est disposé à le faire et à vendre l'électricité à la STEG, qui bénéficiera d'une énergie propre moins coûteuse que celle actuellement produite à partir du gaz.

Cependant, pour que les investisseurs s'engagent en toute confiance, il est essentiel de garantir un paiement fiable pour leur production, ce qui implique que la situation financière de la STEG soit améliorée. Il est donc essentiel que le gouvernement et la STEG établissent un contrat de performance pluriannuel ambitieux, dans lequel le gouvernement apporterait un soutien financier et politique pour résorber les arriérés de paiement et résoudre les problèmes les plus urgents de la STEG tels que la réduction du vol d’électricité et l’amélioration de la discipline de paiement des factures, trouver le bon équilibre entre les besoins en recettes, les tarifs et les subventions. De son côté, La Banque mondiale fournit au gouvernement et à la STEG un programme complet d'assistance technique portant sur le développement des énergies renouvelables, l'amélioration des performances de la STEG et la mise en place d'une autorité de régulation pour assurer un accès transparent et équitable au réseau par les investisseurs privés.

Le troisième volet de cette transition énergétique concerne la connectivité énergétique avec l'Europe. Le projet d'interconnexion électrique Tunisie-Italie (Elmed), cofinancé par la STEG et l’opérateur italien Terna, grâce à des subventions de l'Union Européenne et à des prêts de la Banque mondiale et d'autres institutions financières internationales, établira une liaison sous-marine de 600 mégawatts entre la Tunisie et la Sicile. Cette interconnexion permettra un échange d'électricité bidirectionnel entre les deux rives de la Méditerranée et devrait être opérationnel d'ici 2028. Elle renforcera la sécurité de l'approvisionnement énergétique en Tunisie, permettant d’importer depuis l'Europe en période de demande de pointe et lorsque cela s'avère économiquement avantageux. En outre, Elmed offre également une opportunité majeure à la Tunisie : intensifier la production d'énergies renouvelables et exporter le surplus vers l'Europe. De cette manière, la Tunisie pourra réduire les coûts de production d'électricité, tandis que les deux parties bénéficieront de ces échanges.

Le développement à grande échelle des énergies renouvelables peut catalyser la croissance en Tunisie de plusieurs manières : premièrement, en réduisant les coûts énergétiques et en diminuant la nécessité de subventions ; deuxièmement, en rendant cette énergie verte et en minimisant la dépendance aux combustibles fossiles importés, contribuant ainsi à l’équilibre de la balance commerciale ; et troisièmement, en attirant des investissements directs étrangers dans la production industrielle et les exportations vertes, créant ainsi des emplois et des opportunités économiques. La Banque Mondiale travaille en étroite collaboration avec le gouvernement tunisien pour intégrer pleinement la vision d'une transition énergétique verte au cœur de la transformation industrielle, sociale et économique du pays. En plus de créer un environnement légal et commercial propice à l’attraction des investisseurs, le gouvernement pourrait se préparer en veillant à la mise en place de programmes éducatifs universitaires et de formation professionnelle adaptés pour préparer la nouvelle génération de jeunes et de travailleurs désireux d’intégrer les secteurs liés aux industries vert


Auteurs

Moëz Cherif

Economiste principal en énergie

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