Publié sur Voix Arabes

Grâce à un nouvel instrument comparatif, les universités vont être en mesure de s’évaluer

Image Les ministres de l’Éducation supérieure de plusieurs pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENA) ont validé un nouvel instrument comparatif destiné à mesurer la gouvernance des universités  de la région. Cette « grille de positionnement » a été mise au point par le programme sur l’enseignement supérieur développé par le Centre pour l’intégration en Méditerranée (Marseille), avec le soutien de la Banque mondiale. L’idée est d’évaluer les différents modes de gouvernance des universités et leur « adéquation aux objectifs » afin de préconiser des solutions pour améliorer leurs résultats en la matière. Par rapport à d’autres pays de même niveau de développement, les pays de la région MENA affichent un taux élevé de scolarisation dans le supérieur : en moyenne, plus de 30 % des 18-24 ans sont inscrits dans l’enseignement supérieur — une proportion en constante augmentation. L’évolution démographique actuelle et le développement rapide de l’enseignement secondaire suggèrent un maintien de cette tendance jusqu’en 2020, ce qui aura pour conséquence de mettre à rude épreuve les budgets éducatifs de ces pays et leurs capacités à offrir des perspectives d’apprentissage pertinentes et de qualité.

 

Malgré une main-d’œuvre de plus en plus nombreuse et éduquée, le taux de chômage moyen dans les pays de la région MENA s’établit à 25 % chez les jeunes de 18-25 ans, soit plus du double de la moyenne mondiale (11 %). Si la crise économique et financière de 2008-2009 a partout aggravé le chômage, une comparaison entre les diplômés du supérieur des pays de la région MENA et ceux des pays de l’OCDE révèle l’importance et la persistance du chômage chez les premiers depuis dix ans. En Tunisie, la situation s’est nettement dégradée depuis 2000, comme l’illustre la figure suivante.

Proportion de chômeurs adultes diplômés du supérieur

 Image

Tunisie, Syrie, Maroc, Jordanie, Égypte, Corée, Royaume-Uni, Suède, Espagne, Pays-Bas, Irlande, Allemagne, France, Finlande, Danemark, Moyenne UE, Moyenne OCDE
Source : « Atteindre la viabilité financière tout en visant l’excellence », Banque mondiale, 2011

Tous les pays de la région MENA vont devoir doper la croissance économique et créer des débouchés pour une main-d’œuvre toujours plus éduquée. Il faudra aussi adapter l’offre éducative aux demandes du marché du travail, ce qui signifie que les universités ont un rôle fondamental  dans l’essor de la croissance et qu’à ce titre, il ne faut pas les négliger. Non seulement les universités créent et diffusent le savoir mais elles attirent aussi des talents, injectent de nouvelles idées, enrichissent la vie culturelle et entretiennent des liens avec les environnements économique et politique dans lesquels elles opèrent. Dans toute organisation, qu’il s’agisse d’une université ou d’un gouvernement, la « bonne gouvernance » implique qu’il y ait des responsables efficaces et déterminés à mener à bien une mission clairement définie, un juste équilibre entre autonomie et responsabilité, et une participation représentative des parties prenantes aux décisions. Le printemps arabe de 2011 a placé les responsables nationaux de la région face à un tournant décisif et les universités sont plus que jamais un tremplin idéal pour le développement : elles occupent une place unique pour former les cadres dirigeants dont la région a fort besoin. Mais pour cela faut-il qu’elles soient performantes.

L’amélioration de cette performance dépend de la gouvernance. Altbach et Salmi (2011) ont identifié plusieurs facteurs au cœur de la réussite des universités de renommée mondiale : la direction, les politiques et financements publics, l’aptitude à poursuivre avec constance des objectifs et des politiques institutionnelles clairs, le développement d’une solide culture académique et la qualité du corps enseignant.

La bonne gouvernance des universités est aussi un puissant moteur du changement ; la façon dont est géré un établissement détermine en très grande partie sa capacité à atteindre les objectifs fixés. Il existe de nombreux modèles de gouvernance institutionnelle, variables selon le contexte national, le type d’établissement, l’héritage historique et d’autres facteurs culturels, politiques et parfois économiques. Il est évident qu’il n’existe pas d’approche « passe-partout » en matière de gouvernance universitaire. Le choix d’un modèle de gouvernance par un établissement doit procéder d’une décision réfléchie.

Dans la région MENA, les établissements d’enseignement supérieur ont manifesté le besoin de disposer d’un outil d’évaluation de la gouvernance. D’où cette nouvelle « grille de positionnement » conçue par le programme de la Banque mondiale sur l’enseignement supérieur dans la région MENA, qui évalue si les établissements de la région respectent ou non de bonnes pratiques de gouvernance, conformes à leurs objectifs institutionnels. Cet outil ne constitue pas, en tant que tel, un modèle de « bonne gouvernance », mais il permet aux universités de se comparer à d’autres établissements et de suivre leur progression dans le temps. 

La nouvelle grille de positionnement a été testée dans 40 universités de quatre pays : l’Égypte, la Tunisie, le Maroc et la Cisjordanie et Gaza. Cette première étape débouchera sur la mise au point d’un outil plus complet de suivi de la performance des universités. La gouvernance étant l’un des aspects critiques — si ce n’est le premier — pour voir comment améliorer la performance des universités, cet instrument constitue un point d’entrée pour évaluer d’autres aspects, comme l’assurance qualité, les résultats des étudiants, la qualité de l’enseignement et de la recherche ou l’employabilité des diplômés. 

La période de test dans les 40 universités pilotes a permis de dégager plusieurs enseignements sur les avantages de cet outil de comparaison, révélant son utilité pour enclencher des réformes. C’est une étape cruciale pour améliorer la responsabilité en matière de services sociaux et les universités qui se sont lancées dans cette aventure font preuve à la fois d’exemplarité et de courage.

Carte de positionnement (moyenne des quatre pays) : Écarts entre l’auto-perception et les résultats des tests
 

Image

L’examen des résultats par université et par pays confirme un point commun mis en évidence lors des discussions qui se sont déroulées pendant un atelier organisé au Caire en novembre 2001, à savoir la valeur ajoutée que procure l’utilisation de la grille de positionnement.L’enthousiasme des participants et la sensibilisation aux concepts de gouvernance au sein des établissements qui en a découlé sont révélateurs du potentiel de cet outil pour amener des changements de fond. Un autre enseignement incident mais intéressant a trait à la différence entre la perception et la réalité : globalement, les universités se sentent plus autonomes, dotées de missions plus claires et plus ouvertes à la participation des parties prenantes que ce que révèle le test.

Six autres pays — l’Algérie, Bahreïn, l’Iraq, le Koweït, le Liban et le Soudan — ont exprimé leur souhait de participer au projet, et la Banque mondiale prévoit de l’étendre à l’Iraq, au Liban et à l’Algérie d’ici le mois de juin 2012. La grille de positionnement pour la gouvernance universitaire présente un immense potentiel pour faire évoluer la gestion des universités dans de nombreux pays.

Toutes les informations concernant le processus d’élaboration de cet outil, la méthodologie employée pour mesurer et noter la gouvernance des universités, et les enseignements de son utilisation et de sa validation dans quatre pays, sont disponibles ici (a).

 


Auteurs

Adriana Jaramillo

Spécialiste senior de l’éducation

Prenez part au débat

Le contenu de ce champ est confidentiel et ne sera pas visible sur le site
Nombre de caractères restants: 1000