La région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA), riche en hydrocarbures, a tiré à la fois des avantages et des inconvénients de ses ressources naturelles. Détenant plus de la moitié des réserves mondiales de pétrole et 40 % des réserves de gaz, la région a connu une croissance économique et un développement soutenus, mais aussi des conflits, une instabilité économique et une dépendance marquée à un éventail restreint d’exportations de produits de base. Notre nouveau rapport phare régional, intitulé « Révéler la prospérité : mécanismes de partage des richesses pour la paix et une croissance équitable au Moyen-Orient et en Afrique du Nord » ou Prosperity Unearthed : Wealth Sharing Mechanisms for Peace and Equitable Growth in the Middle East and North Africa (a), analyse les mécanismes de partage des richesses dans la région MENA et leurs effets sur le développement. Il propose des pistes pour favoriser une prospérité et une paix inclusives grâce à des approches de partage des richesses dans le temps, dans l’espace et dans des contextes de fragilité et de conflit.
Partager la richesse dans le temps
Dans de nombreux pays de la région MENA riches en pétrole et en gaz, la politique budgétaire a suivi les fluctuations économiques, adoptant un caractère procyclique (figure 1). Cette tendance s’explique en partie par la forte dépendance à la volatilité des recettes pétrolières et gazières, l’absence de règles budgétaires et la faiblesse des stabilisateurs automatiques. Des problèmes similaires se retrouvent également, à des degrés divers, dans les pays non riches en pétrole et en gaz.
Figure 1 : Cyclicité des dépenses dans les pays riches en pétrole (vert) et les autres pays (bleu) de la région MENA (2000-2022)
Source : Prosperity Unearthed : Wealth Sharing Mechanisms for Peace and Equitable Growth, Banque mondiale, 2025.
Note : Une corrélation négative entre les dépenses et le cycle du PIB indique un caractère contracyclique des dépenses. Une corrélation positive indique une procyclicité des dépenses.
Pour gérer de manière responsable les revenus des hydrocarbures, les décideurs de la région MENA peuvent découpler les dépenses budgétaires des recettes issues des ressources naturelles. Cela implique de mettre en place des politiques de stabilisation et d’épargne, notamment des règles budgétaires rigoureuses. La stabilisation permet de limiter l’instabilité des recettes liées aux ressources, tandis que l’épargne consiste à mettre de côté les excédents dépassant la capacité d’absorption de l’État pour un usage futur. Des règles budgétaires bien conçues et appliquées efficacement peuvent renforcer la viabilité, la transparence et la responsabilité des finances publiques.
Cependant, les résultats des pays de la région en matière de gestion des recettes tirées des ressources naturelles restent contrastés. Si certains, notamment parmi les États du Golfe, ont accompli des progrès notables, d’autres – en particulier les pays sortant d’un conflit – continuent de rencontrer des difficultés.
Partager la richesse dans l'espace
Les mécanismes d’allocation des ressources budgétaires entre les régions ou les différents niveaux d’administration cherchent à concilier efficience et équité. Les modèles centralisés, tels qu’en Norvège et au Royaume-Uni, répartissent les recettes via le budget général des administrations publiques, tandis que les modèles de partage direct des revenus, comme aux États-Unis et au Canada, attribuent une part des revenus aux administrations infranationales. Dans la région MENA, les États unitaires prédominent et la gestion des recettes pétrolières et gazières reste fortement centralisée. Aucun des deux modèles ne prend pleinement en compte les inégalités spatiales liées à la richesse en ressources, lesquelles ont, dans certains pays, nourri des griefs, des contestations, voire des conflits armés. Globalement, même si certains pays de la région MENA affichent de meilleures performances que les moyennes régionales et mondiales en matière de transparence budgétaire, ce défi demeure (figures 2 et 3). Il est donc essentiel d’adopter des politiques transparentes, basées sur des règles et des mécanismes de responsabilisation, pour assurer l’efficacité des modèles de partage des revenus dans la région.
Figure 2 : Transparence budgétaire dans les régions du monde (score de l'indice de transparence budgétaire)
Source : Partenariat budgétaire international, 2023.
Figure 3 : Transparence budgétaire dans la région MENA, année la plus récente
Source : Partenariat budgétaire international, 2023.
Partage des richesses en contexte de fragilité et de conflits
Les pays fragiles et affectés par des conflits, riches en ressources pétrolières et gazières, rencontrent des difficultés particulières à gérer et à répartir ces richesses entre les parties prenantes, les régions et les différents niveaux de l’administration publique de manière à favoriser la paix et le développement économique. Au cours des 15 dernières années, les conflits et leurs conséquences humaines ont été plus fréquents dans certaines économies pétrolières et gazières, comme le Yémen, la Libye, la Syrie et l’Iraq, que dans d’autres pays de la région (figure 4). Dans ces contextes fragiles et marqués par les conflits, le partage des richesses peut contribuer à réduire les motivations à la violence et à renforcer la cohésion sociale. Toutefois, il ne peut à lui seul prévenir ni mettre fin aux conflits. Des mécanismes transparents et fondés sur des règles pour atténuer les inégalités sont essentiels. Or, la faiblesse des cadres juridiques et institutionnels compromet souvent une répartition équitable des ressources naturelles dans ces environnements. La mise en œuvre de solutions techniques exige une gouvernance stable, la participation et le consentement crédible de toutes les parties prenantes, ainsi qu’une administration publique compétente.
Vers la prospérité et la paix dans la région MENA
Les pays de la région MENA disposent de nombreuses opportunités pour atteindre une prospérité durable en valorisant leurs richesses naturelles, en diversifiant leurs actifs nationaux et en transformant cette richesse en infrastructures physiques, capital humain et institutions économiques solides. Ils peuvent également s’inspirer d’exemples de pays à travers le monde ayant réussi cette transformation. Notre rapport met en lumière quatre conclusions majeures pour orienter cette progression :
- Dans le but de renforcer la stabilité macroéconomique, les décideurs devraient créer ou renforcer les stabilisateurs automatiques, améliorer le suivi macroéconomique et favoriser un recours accru à des règles budgétaires rigoureuses.
- Pour promouvoir stabilité et épargne, il est crucial de dissocier les dépenses budgétaires des recettes issues des ressources naturelles.
- Le renforcement des mécanismes de transparence et de responsabilisation est indispensable pour accroître l’efficacité de la gestion des ressources.
- Enfin, il est primordial de donner la priorité à l’équité régionale au sein des pays et d’associer l’ensemble des parties prenantes à la conception des cadres de gestion des ressources, notamment dans les contextes de fragilité et de conflit.
Une croissance inclusive, soutenue par des mécanismes efficaces de partage des richesses, revêt une importance particulière en période de tensions et d’incertitudes. Pour en savoir plus, consultez notre rapport qui présente de nouvelles pistes à l’attention des décideurs de la région MENA, afin de mobiliser leurs ressources naturelles au service de la paix, de la croissance inclusive et de la prospérité dans un monde en pleine évolution.
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