Publié sur Voix Arabes

Un pétrole à bas prix : quelles conséquences pour le monde arabe?

Face à la chute des cours du pétrole, on assiste à des débats animés autour des effets de cette baisse dans le monde arabe, notamment par le biais du hashtag النفط_دون_50_دولار # (« un baril à moins de 50 dollars »). L’économiste en chef de la Banque mondiale pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, Shanta Devarajan, nous livre son analyse de la situation
 

Les pays exportateurs de pétrole

De nombreux pays exportateurs de pétrole avaient élaboré leur budget pour l’exercice prochain sur la base d’un prix du baril à 80 ou 85 dollars. Ils vont donc être confrontés à une diminution de leurs recettes et, s’ils ne revoient pas leurs dépenses à la baisse, ils connaîtront un déficit budgétaire supérieur à leurs prévisions.

Les pays du Golfe les plus riches qui disposent d’importantes réserves — comme l’Arabie saoudite où celles-ci s’élèvent à 900 milliards de dollars — peuvent se permettre d’avoir un déficit de l’ordre de 6 % de leur produit intérieur brut.

En revanche, d’autres pays exportateurs, et en particulier ceux qui disposent de moins de réserves, tels que l’Algérie par exemple, devront faire un choix : réduire leurs dépenses ou continuer à emprunter pour financer leur déficit. 

 

Les pays importateurs de pétrole

Du côté des pays importateurs de pétrole, la situation est tout à fait différente. Car, pour eux, la baisse des cours du brut est un avantage. L’état de leur balance courante va s’améliorer en raison de la réduction du coût des importations.

Ces pays en tireront également un avantage sur le plan du budget, sachant que la quasi-totalité d’entre eux subventionnent encore le carburant. Puisque le prix intérieur du carburant ne variera pas, mais que les importations coûteront moins cher, c’est le budget qui en bénéficiera. Le déficit budgétaire de ces pays va donc diminuer du fait de la baisse des cours du pétrole.

 

Les subventions

Les subventions à l’énergie, qui peuvent représenter jusqu’à 10 % du PIB de ces pays, seront réduites, comme on le voit déjà au Koweït s’agissant du gazole ou aux Émirats arabes unis pour l’électricité.

C’est là une réaction possible à la baisse des cours du pétrole, ce qui réduira d’autant l’impact de cette baisse sur l’économie. 

Mais il faudra procéder à une certaine rationalisation des dépenses. Je crois que l’Algérie ne compte pas réduire le budget d’équipement mais qu’elle pourrait faire des coupes dans les dépenses de fonctionnement afin de s’adapter au déclin des cours pétroliers.

 

Croissance, aide au développement et envois de fonds des migrants

Un certain nombre d’effets secondaires vont se produire, qu’il ne faut pas négliger. Tout d’abord, le prix des biens de consommation pourrait diminuer à la suite de la chute des cours du pétrole, dans la mesure par exemple où le transport de ces biens nécessite du carburant. Le cas échéant, on assistera à une hausse de la consommation.

Et en particulier de la consommation alimentaire qui constitue souvent, dans les pays concernés, environ 40 % du budget des ménages. Les pays importateurs, tout particulièrement, pourraient donc connaître une légère hausse de la croissance.

Mais cette hausse sera modérée et il ne s’agira pas d’un effet très important. Enfin, et en ce qui concerne encore une fois surtout les pays importateurs, il faut se demander si la baisse des prix pétroliers aura un effet sur les envois de fonds et sur l’aide provenant des pays du Golfe, ces deux éléments constituant, dans un pays comme la Jordanie par exemple, une part significative du PIB.

L’expérience du passé montre qu’il y a bien une baisse des envois de fonds des migrants en cas de chute des cours du pétrole mais que ce déclin n’est pas aussi important qu’on pourrait le craindre.

Et, pour ce qui est de l’aide publique au développement, on a observé lors des précédentes chutes des cours pétroliers que l’aide bilatérale diminuait mais que l’aide multilatérale, c’est-à-dire celle provenant d’organisations comme le Fonds arabe pour le développement économique et social, le Fonds koweïtien pour le développement économique arabe ou encore la Banque islamique de développement, ne fléchissait pas voire qu’elle pouvait même augmenter afin de compenser le déclin de l’aide bilatérale.


Auteurs

Shanta Devarajan

Teaching Professor of the Practice Chair, International Development Concentration, Georgetown University

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