À l’approche de l’élection présidentielle du 23 novembre, le berceau du Printemps arabe peut s’enorgueillir d’avoir mené à bien les premières élections législatives qui ont suivi la ratification de la nouvelle Constitution. Cependant, certains observateurs confirment que les jeunes, principaux artisans de la révolution, demeurent peu enclins à voter.
Les missions d’observation électorale, tunisiennes et internationales, ont salué la bonne tenue du scrutin parlementaire. Le 26 octobre dernier, 3,5 millions de Tunisiens, soit 69 % des électeurs, se sont rendus aux urnes, au terme d’un processus électoral perçu comme libre et équitable. Les Tunisiens, déjouant les craintes d’une abstention massive, ont plébiscité le parti politique laïc Nidaa Tounes, qui a remporté 85 des 217 sièges en jeu, devant le parti islamiste modéré Ennahda (69 sièges). Cependant, même s’il n’existe pas encore de statistique officielle sur la participation des jeunes, le sentiment prédominant est que relativement peu de jeunes gens se sont sentis concernés par le scrutin.
L’International Republican Institute (IRI) a par exemple relevé que l’abstention était la plus forte dans les bureaux de vote réservés aux numéros de carte d’identité les plus élevés, là où les jeunes électeurs étaient invités à déposer leur bulletin. En revanche, dans les autres bureaux, qui accueillaient les électeurs plus âgés, des files d’attente s’étaient formées dès les premières heures. « Apparemment, la seule catégorie où l’abstention était la plus marquée était celle des jeunes », observe Djordje Todorovic, directeur résident en Tunisie pour l’IRI.
Jeune électrice et conseillère pour la jeunesse, Hend Hassassi a elle-même constaté ce phénomène. Dans son bureau de vote, les électeurs de sa génération, nés il y a une vingtaine d’années, se sont peu mobilisés : « Pour moi, les résultats [de l’élection] ne sont pas représentatifs de la jeunesse tunisienne. »
On craignait déjà, avant le scrutin, que les plus jeunes se montrent peu enthousiastes vis-à-vis de ce rendez-vous démocratique. Mais pourquoi donc les principaux acteurs de la révolution boycottent-ils ce droit fondamental pour lequel ils se sont battus aussi fougueusement ?
« Je sais que beaucoup se sont abstenus parce qu’ils se sentent exclus. Pour eux, la révolution a été récupérée », explique la jeune femme. De nombreux partis politiques affirment porter les espoirs de la jeunesse, mais ce ne sont que « des mots vides de sens, des promesses creuses ». Elle se dit également déçue par l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) et regrette que ses campagnes n’aient pas suffisamment ciblé les plus jeunes. « Le slogan pour 2014, c’était 'J’aime la Tunisie donc je m’inscris' ; ça n’avait rien de créatif, reprend-elle. Il était mieux pour la dernière élection, c’était plus motivant. »
Hend Hassassi évoque la fièvre et l’enthousiasme de 2011, lorsque le pays avait organisé ses premières élections démocratiques après avoir évincé du pouvoir le président Zine el-Abidine Ben Ali. « Aujourd’hui, on retrouve les mêmes figures dans l’opposition, il n’y a pas de nouveau venu, la lassitude a gagné la révolution, soupire-t-elle, ajoutant qu’elle peut comprendre l’abstention de ses pairs, déçus par les lendemains post-révolutionnaires.
Après le Printemps arabe, les Tunisiens, et tout particulièrement les jeunes, attendaient des changements rapides. « Je pense qu’il est difficile d’admettre, pour les jeunes notamment, que le changement demande du temps et qu’une transition politique est un long cheminement », explique la chercheuse Monica Marks de l’université d’Oxford, qui vit à Tunis. « S’il n’y a pas de changement rapide, le désenchantement vient vite. »
L’aliénation des jeunes pour la politique a pour principal corollaire le vieillissement de la classe dirigeante, confirmé par la dernière présidentielle. « Ce sont des ‘dinosaures’ de la politique, constate Mme Marks. La plupart des responsables tunisiens sont âgés, et je ne sais pas s’ils sont en mesure de comprendre les attentes des jeunes. »
Parmi les candidats à la présidentielle de dimanche figure Beji Caid Essebsi ; âgé de 87 ans, le chef du parti Nidaa Tounes a servi sous les deux précédents présidents tunisiens. Si certains sont attirés par la promesse du candidat de mener le pays d’une main vigoureuse, d’autres s’inquiètent d’une possible dérive autoritaire. « Essebsi est trop vieux pour gouverner », s’emporte Jbeli Hella, une étudiante de 21 ans qui a boycotté les élections. « Tous ces partis, c’est du pareil au même », lance-t-elle avec défiance.
Figure de proue de la révolution, Moncef Marzouki est aujourd’hui l’un des principaux opposants à Essebsi. Cet ancien militant des droits de l’homme est âgé de 69 ans. « Marzouki séduit plus l’électorat jeune que n’importe quel autre responsable politique », explique Mme Marks, avançant qu’il est l’un des seuls à porter un discours révolutionnaire. « Je voterai Marzouki », déclare Hajer Ben Hamida, une jeune femme de 21 ans mécontente qu’Essebsi n’ait pas quitté la politique.
« Certains de mes amis les plus à gauche n’ont pas voté », témoigne Sheyma Arfewi, une enseignante de 26 ans, expliquant qu’ils refusent que des personnalités mêlées à l’ancien régime s’accrochent à leur poste. « Ils se demandent à quoi a bien pu servir la révolution. »
Face au maintien de responsables politiques dans lesquels les jeunes ne se reconnaissent pas et à la déception que suscite chez eux la lenteur des réformes, leur taux de participation dimanche prochain demeure un point d’interrogation.
Les missions d’observation électorale, tunisiennes et internationales, ont salué la bonne tenue du scrutin parlementaire. Le 26 octobre dernier, 3,5 millions de Tunisiens, soit 69 % des électeurs, se sont rendus aux urnes, au terme d’un processus électoral perçu comme libre et équitable. Les Tunisiens, déjouant les craintes d’une abstention massive, ont plébiscité le parti politique laïc Nidaa Tounes, qui a remporté 85 des 217 sièges en jeu, devant le parti islamiste modéré Ennahda (69 sièges). Cependant, même s’il n’existe pas encore de statistique officielle sur la participation des jeunes, le sentiment prédominant est que relativement peu de jeunes gens se sont sentis concernés par le scrutin.
L’International Republican Institute (IRI) a par exemple relevé que l’abstention était la plus forte dans les bureaux de vote réservés aux numéros de carte d’identité les plus élevés, là où les jeunes électeurs étaient invités à déposer leur bulletin. En revanche, dans les autres bureaux, qui accueillaient les électeurs plus âgés, des files d’attente s’étaient formées dès les premières heures. « Apparemment, la seule catégorie où l’abstention était la plus marquée était celle des jeunes », observe Djordje Todorovic, directeur résident en Tunisie pour l’IRI.
Jeune électrice et conseillère pour la jeunesse, Hend Hassassi a elle-même constaté ce phénomène. Dans son bureau de vote, les électeurs de sa génération, nés il y a une vingtaine d’années, se sont peu mobilisés : « Pour moi, les résultats [de l’élection] ne sont pas représentatifs de la jeunesse tunisienne. »
On craignait déjà, avant le scrutin, que les plus jeunes se montrent peu enthousiastes vis-à-vis de ce rendez-vous démocratique. Mais pourquoi donc les principaux acteurs de la révolution boycottent-ils ce droit fondamental pour lequel ils se sont battus aussi fougueusement ?
« Je sais que beaucoup se sont abstenus parce qu’ils se sentent exclus. Pour eux, la révolution a été récupérée », explique la jeune femme. De nombreux partis politiques affirment porter les espoirs de la jeunesse, mais ce ne sont que « des mots vides de sens, des promesses creuses ». Elle se dit également déçue par l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) et regrette que ses campagnes n’aient pas suffisamment ciblé les plus jeunes. « Le slogan pour 2014, c’était 'J’aime la Tunisie donc je m’inscris' ; ça n’avait rien de créatif, reprend-elle. Il était mieux pour la dernière élection, c’était plus motivant. »
Hend Hassassi évoque la fièvre et l’enthousiasme de 2011, lorsque le pays avait organisé ses premières élections démocratiques après avoir évincé du pouvoir le président Zine el-Abidine Ben Ali. « Aujourd’hui, on retrouve les mêmes figures dans l’opposition, il n’y a pas de nouveau venu, la lassitude a gagné la révolution, soupire-t-elle, ajoutant qu’elle peut comprendre l’abstention de ses pairs, déçus par les lendemains post-révolutionnaires.
Après le Printemps arabe, les Tunisiens, et tout particulièrement les jeunes, attendaient des changements rapides. « Je pense qu’il est difficile d’admettre, pour les jeunes notamment, que le changement demande du temps et qu’une transition politique est un long cheminement », explique la chercheuse Monica Marks de l’université d’Oxford, qui vit à Tunis. « S’il n’y a pas de changement rapide, le désenchantement vient vite. »
L’aliénation des jeunes pour la politique a pour principal corollaire le vieillissement de la classe dirigeante, confirmé par la dernière présidentielle. « Ce sont des ‘dinosaures’ de la politique, constate Mme Marks. La plupart des responsables tunisiens sont âgés, et je ne sais pas s’ils sont en mesure de comprendre les attentes des jeunes. »
Parmi les candidats à la présidentielle de dimanche figure Beji Caid Essebsi ; âgé de 87 ans, le chef du parti Nidaa Tounes a servi sous les deux précédents présidents tunisiens. Si certains sont attirés par la promesse du candidat de mener le pays d’une main vigoureuse, d’autres s’inquiètent d’une possible dérive autoritaire. « Essebsi est trop vieux pour gouverner », s’emporte Jbeli Hella, une étudiante de 21 ans qui a boycotté les élections. « Tous ces partis, c’est du pareil au même », lance-t-elle avec défiance.
Figure de proue de la révolution, Moncef Marzouki est aujourd’hui l’un des principaux opposants à Essebsi. Cet ancien militant des droits de l’homme est âgé de 69 ans. « Marzouki séduit plus l’électorat jeune que n’importe quel autre responsable politique », explique Mme Marks, avançant qu’il est l’un des seuls à porter un discours révolutionnaire. « Je voterai Marzouki », déclare Hajer Ben Hamida, une jeune femme de 21 ans mécontente qu’Essebsi n’ait pas quitté la politique.
« Certains de mes amis les plus à gauche n’ont pas voté », témoigne Sheyma Arfewi, une enseignante de 26 ans, expliquant qu’ils refusent que des personnalités mêlées à l’ancien régime s’accrochent à leur poste. « Ils se demandent à quoi a bien pu servir la révolution. »
Face au maintien de responsables politiques dans lesquels les jeunes ne se reconnaissent pas et à la déception que suscite chez eux la lenteur des réformes, leur taux de participation dimanche prochain demeure un point d’interrogation.
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