C’est peut-être incroyable, mais crise rime souvent avec opportunités. Gaza ne fait pas exception : avec ses frontières sous contrôle strict, cette étroite bande de territoire — à peine deux fois la superficie de la capitale des États-Unis — est le dernier endroit qui viendrait à l’esprit s’agissant des perspectives d’emploi des jeunes femmes. Et pourtant, malgré ces contraintes géographiques (ou à cause d’elles ?), les habitantes de Gaza sont bien positionnées pour prendre la direction de jeunes pousses technologiques.
L’organisation humanitaire internationale pour laquelle je travaille, Mercy Corps, gère le seul et unique accélérateur de start-up de la bande de Gaza, Gaza Sky Geeks. Encore embryonnaire, la création d’entreprises technologiques innovantes est en plein boum. L’an dernier, Mercy Corps a servi d’intermédiaire pour le premier investissement privé jamais réalisé en faveur de jeunes pousses gazaouïes. Et même si la proportion de femmes actives dans ce secteur était déjà élevée au regard des normes internationales, nous avons voulu la porter à près de 50 %. D’où la création, en 2014, d’Intalqi, une plateforme de « marrainage » qui met en relations des femmes aspirant à devenir chefs d’entreprise et des femmes de Gaza ayant déjà une première expérience dans ce domaine, qui les encadrent et les soutiennent, tout en bénéficiant elles-mêmes de l’appui de femmes s’étant fait une place dans l’univers des technologies en dehors de Gaza, et notamment aux États-Unis.
Quel que soit le pays, l’arrivée de femmes aux rênes d’une entreprise a des retombées positives sur les affaires : les statistiques prouvent que les sociétés qui ont confié des postes de direction à des femmes sont plus performantes. Dans le cas des start-up de Gaza, d’autres raisons concourent à faire de cette dynamique un phénomène important. J’ai pu constater que les femmes entrepreneurs ont moins de difficultés pour se déplacer dans la région que les hommes, obtenant plus facilement des permis de sortie du territoire et des visas d’entrée dans les pays de destination (l’Égypte et la Jordanie par exemple). Ce qui signifie que lorsqu’une start-up doit envoyer un dirigeant à l’étranger, ce sont souvent les femmes qui sont les mieux placées pour défendre ses intérêts. Et cette présence est essentielle pour convaincre des investisseurs et construire des partenariats stratégiques, recruter des talents étrangers ou mener un rendez-vous commercial capital.
C’est exactement ce qui s’est passé pour Nalan Al Sarraj (@nalansarraj), une jeune femme à laquelle le PDG de Datrios, une jeune pousse locale en plein essor, a demandé de représenter la société lors d’un salon organisé en Jordanie. À l’époque, Nalan tenait un blog très suivi à Gaza mais ne connaissait rien aux start-up. Le PDG n’avait aucune recrue féminine dans son équipe et craignait que cela ne compromette ses chances d’envoyer un représentant en Jordanie. Nalan était idéalement placée pour ce faire : ayant passé un an dans un établissement secondaire du Texas, elle parle l’anglais couramment — un atout essentiel pour toucher un public international. Trois semaines avant l’événement, Nalan a assimilé le vocabulaire indispensable pour parler « start-up », du plan d’affaires à la monétisation en passant par la trésorerie et l’acquisition de nouveaux utilisateurs. Chance pour Datrios, elle apprend vite ! Au final, Nalan était la seule femme présente sur le salon et elle a fait forte impression sur ses interlocuteurs, l’un d’entre eux allant jusqu’à reconnaître qu’il « n’aurait jamais imaginé trouver un profil pareil à Gaza ! ».
Contrairement à d’autres femmes du monde arabe, les Gazaouïes sont souvent encouragées dans leur foyer à travailler pour avoir un revenu. Avec un taux de chômage frôlant les 50 %, tous ceux qui peuvent aider leurs familles à joindre les deux bouts sont incités à le faire. Dans certains milieux traditionnels, on ne voit pas d’un bon œil les environnements professionnels mixtes et, pour les filles qui en sont originaires, la start-up offre des perspectives incroyables, puisque les équipes dirigées par des femmes peuvent embaucher d’autres femmes, ce dont elles ne se privent pas.
Les habitants de Gaza, hommes et femmes confondus, ne cessent de m’impressionner. Quand je suis arrivée là-bas, ne sachant pas à quoi m’attendre, j’ai trouvé une population optimiste, dure à la tâche et engagée. La plupart des candidats entrepreneurs n’ont jamais eu l’occasion de voir, dans la réalité, une entreprise de technologie qui réussit. Certains, de retour de l’étranger, n’en reviennent toujours pas que l’électricité puisse fonctionner 24h/24…
Il y a tout juste six mois, la bande de Gaza a été la cible, toutes les nuits, de bombardements intenses. Les bâtiments en ruines dans les différents quartiers sont la preuve matérielle de ces événements récents, mais tous les entrepreneurs qui viennent à Gaza Sky Geeks ont tourné la page et ne cherchent qu’une seule chose : créer un avenir meilleur.
Notre organisation est le fer de lance d’une activité économique florissante, fondée sur l’innovation et la technologie. Il a fallu des décennies à la Silicon Valley pour devenir ce qu’elle est. Nous, nous venons à peine de commencer. Mais je suis convaincue que ces jeunes pousses que nous aidons portent en germe la réussite de demain. Dans vingt ans, quand Gaza sera réputée dans le monde entier pour avoir construit le secteur de start-up le plus inclusif du monde, ce sera grâce à cette communauté que nous bâtissons aujourd’hui.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles du Groupe de la Banque mondiale.
L’organisation humanitaire internationale pour laquelle je travaille, Mercy Corps, gère le seul et unique accélérateur de start-up de la bande de Gaza, Gaza Sky Geeks. Encore embryonnaire, la création d’entreprises technologiques innovantes est en plein boum. L’an dernier, Mercy Corps a servi d’intermédiaire pour le premier investissement privé jamais réalisé en faveur de jeunes pousses gazaouïes. Et même si la proportion de femmes actives dans ce secteur était déjà élevée au regard des normes internationales, nous avons voulu la porter à près de 50 %. D’où la création, en 2014, d’Intalqi, une plateforme de « marrainage » qui met en relations des femmes aspirant à devenir chefs d’entreprise et des femmes de Gaza ayant déjà une première expérience dans ce domaine, qui les encadrent et les soutiennent, tout en bénéficiant elles-mêmes de l’appui de femmes s’étant fait une place dans l’univers des technologies en dehors de Gaza, et notamment aux États-Unis.
Quel que soit le pays, l’arrivée de femmes aux rênes d’une entreprise a des retombées positives sur les affaires : les statistiques prouvent que les sociétés qui ont confié des postes de direction à des femmes sont plus performantes. Dans le cas des start-up de Gaza, d’autres raisons concourent à faire de cette dynamique un phénomène important. J’ai pu constater que les femmes entrepreneurs ont moins de difficultés pour se déplacer dans la région que les hommes, obtenant plus facilement des permis de sortie du territoire et des visas d’entrée dans les pays de destination (l’Égypte et la Jordanie par exemple). Ce qui signifie que lorsqu’une start-up doit envoyer un dirigeant à l’étranger, ce sont souvent les femmes qui sont les mieux placées pour défendre ses intérêts. Et cette présence est essentielle pour convaincre des investisseurs et construire des partenariats stratégiques, recruter des talents étrangers ou mener un rendez-vous commercial capital.
C’est exactement ce qui s’est passé pour Nalan Al Sarraj (@nalansarraj), une jeune femme à laquelle le PDG de Datrios, une jeune pousse locale en plein essor, a demandé de représenter la société lors d’un salon organisé en Jordanie. À l’époque, Nalan tenait un blog très suivi à Gaza mais ne connaissait rien aux start-up. Le PDG n’avait aucune recrue féminine dans son équipe et craignait que cela ne compromette ses chances d’envoyer un représentant en Jordanie. Nalan était idéalement placée pour ce faire : ayant passé un an dans un établissement secondaire du Texas, elle parle l’anglais couramment — un atout essentiel pour toucher un public international. Trois semaines avant l’événement, Nalan a assimilé le vocabulaire indispensable pour parler « start-up », du plan d’affaires à la monétisation en passant par la trésorerie et l’acquisition de nouveaux utilisateurs. Chance pour Datrios, elle apprend vite ! Au final, Nalan était la seule femme présente sur le salon et elle a fait forte impression sur ses interlocuteurs, l’un d’entre eux allant jusqu’à reconnaître qu’il « n’aurait jamais imaginé trouver un profil pareil à Gaza ! ».
Contrairement à d’autres femmes du monde arabe, les Gazaouïes sont souvent encouragées dans leur foyer à travailler pour avoir un revenu. Avec un taux de chômage frôlant les 50 %, tous ceux qui peuvent aider leurs familles à joindre les deux bouts sont incités à le faire. Dans certains milieux traditionnels, on ne voit pas d’un bon œil les environnements professionnels mixtes et, pour les filles qui en sont originaires, la start-up offre des perspectives incroyables, puisque les équipes dirigées par des femmes peuvent embaucher d’autres femmes, ce dont elles ne se privent pas.
Les habitants de Gaza, hommes et femmes confondus, ne cessent de m’impressionner. Quand je suis arrivée là-bas, ne sachant pas à quoi m’attendre, j’ai trouvé une population optimiste, dure à la tâche et engagée. La plupart des candidats entrepreneurs n’ont jamais eu l’occasion de voir, dans la réalité, une entreprise de technologie qui réussit. Certains, de retour de l’étranger, n’en reviennent toujours pas que l’électricité puisse fonctionner 24h/24…
Il y a tout juste six mois, la bande de Gaza a été la cible, toutes les nuits, de bombardements intenses. Les bâtiments en ruines dans les différents quartiers sont la preuve matérielle de ces événements récents, mais tous les entrepreneurs qui viennent à Gaza Sky Geeks ont tourné la page et ne cherchent qu’une seule chose : créer un avenir meilleur.
Notre organisation est le fer de lance d’une activité économique florissante, fondée sur l’innovation et la technologie. Il a fallu des décennies à la Silicon Valley pour devenir ce qu’elle est. Nous, nous venons à peine de commencer. Mais je suis convaincue que ces jeunes pousses que nous aidons portent en germe la réussite de demain. Dans vingt ans, quand Gaza sera réputée dans le monde entier pour avoir construit le secteur de start-up le plus inclusif du monde, ce sera grâce à cette communauté que nous bâtissons aujourd’hui.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles du Groupe de la Banque mondiale.
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