Publié sur Voix Arabes

Les jeunes Egyptiens toujours en attente d'emplois

 World Bank l Kim Eun YeulJ’ai rencontré Samer sur la place Tahrir début 2011 quand nous nous sommes joints à la révolution. Les aspirations de ce jeune homme d’une vingtaine d’années ressemblaient à celles de la plupart de mes semblables. Il n’avait qu’un rêve : trouver un emploi. Malgré un diplôme universitaire obtenu quatre ans plus tôt, sa mère veuve subvenait toujours à ses besoins.

Après avoir postulé à de nombreux emplois, il s’est rendu compte qu’il restait sur la touche, alors que d’autres candidats moins diplômés mais avec plus d’entregent trouvaient un poste.

« Honnêtement, je ne peux pas dire que j’ai un parcours mirobolant, reconnaît-il. J’ai suivi un cursus dans le public et comme l’enseignement n’était pas très bon, mon anglais n’est pas au niveau, mais je n’ai pas assez d’argent pour prendre des cours. »
Samer dépendait toujours financièrement de sa mère à un âge où il pensait pouvait subvenir aux besoins de celle-ci. Lors de notre entretien en mai dernier (trois ans après l’avoir rencontré), il était toujours au chômage. À chacune de nos discussions, je sens son espérance de changement s’étioler.

Mon frère Youssef se trouve dans une situation similaire. Il a attendu d’être diplômé de l’université avant de postuler à un emploi, afin de pouvoir gagner sa vie et de cesser de demander de l’argent à ses frères et sœurs. Pour entrer sur le marché du travail, l’essentiel, c’est d’avoir des relations, lui avait dit mon père qui avait réussi à lui dégoter un stage dans une chaîne de radio-télévision, manière de le lancer dans le métier.

Quelques jours après la promesse de ce sésame, Youssef reçoit un appel de celui qui lui avait trouvé le poste, s’excusant de devoir reporter tous les stages pendant quelque temps parce que tout son staff était occupé à couvrir les manifestations qui avaient de nouveau éclaté.

Youssef se plaint qu’en dépit de la révolution égyptienne, il n’y a eu ni changement, ni réforme, ni création d’emplois. Aujourd’hui, il occupe ses journées à enchaîner des cours d’informatique et des formations en développement personnel, même s’il ne voit plus aucun intérêt pratique à se former davantage, au regard du peu d’opportunités sur le marché de l’emploi. « J’en ai assez de ce pays qui nous tue à petit feu, à force de déception », m’a-t-il confié.

Les jeunes adultes se sentent inutiles dans leur pays, après une révolution au cours de laquelle certains de leurs camarades ou amis sont morts ou ont été blessés. En 2011, ils s’étaient joints au mouvement pour le changement, espérant véritablement un présent plus radieux qui garantirait à tous ceux de leur génération un accès égal à une éducation de qualité et au marché du travail, avec ou sans « relations ».

Ils avaient pour volonté de transformer l’État égyptien selon des principes de transparence et de responsabilisation ; ils voulaient un régime qui améliore l’éducation publique afin que les plus défavorisés puissent recevoir un enseignement qui leur permettrait eux aussi d’accéder à un marché du travail concurrentiel.

Cependant, les espoirs de ces jeunes hommes qui ont pris à part la révolution ont largement été brisés par l’instabilité qui en a découlé. La dégradation de la situation économique est telle depuis le soulèvement populaire de 2011 que les emplois sont devenus plus rares, « dans l’attente que le pays se stabilise », comme on aime à le dire.

Les jeunes en sont arrivés à penser que cette stabilité qui tarde leur barre toute perspective d’emploi. De ce fait, c’est toute une génération de jeunes gens qui désespèrent, se sentent aliénés de leur pays et souffrent d’un sentiment d’inutilité.

Cette situation me fait penser aux projets entrepris par le Groupe de la Banque mondiale dans des pays comme l’Égypte, en faveur de l’éducation, la gouvernance, l’emploi des jeunes et l’accès équitable à des opportunités. Même si je sais que c’est à l’Égypte d’opérer ce changement de cap, au regard des limites de l’action de la Banque mondiale, je ne peux m’empêcher de me demander si nous en faisons assez pour les jeunes Égyptiens qui aspirent à une meilleure vie, ici et maintenant.

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