Publié sur Voix Arabes

#YouStink : le hashtag qui mobilise la jeunesse libanaise pour la cause de l’environnement

Christine Petré réside à Tunis. Elle s’est rendue à Beyrouth afin de rencontrer les jeunes qui animent la campagne #YouStink.
 
Chaabans DesignLe 17 juillet, la décharge de Naamé, au sud de Beyrouth, fermait sous la pression des habitants des localités alentours, exaspérés par l’afflux des déchets provenant de la capitale libanaise et de la région du Mont-Liban. Résultat, et à défaut d’alternative, les ordures ont commencé à s’entasser dans les rues de Beyrouth et des environs.

Le mouvement #YouStink (« Vous puez ») est né peu après sur les réseaux sociaux. Sa finalité ? Trouver des solutions de long terme au problème de la gestion des déchets tout en sensibilisant l’opinion à l’écologie et à l’importance du recyclage. « Nous ne demandons pas beaucoup », témoigne Joey Ayoub, un jeune journaliste qui compte parmi les instigateurs du mouvement, « juste de ne pas vivre au milieu des ordures et de préserver notre santé élémentaire ».
 
Le problème de la gestion des déchets n’est pas nouveau au Liban. Il y a un an, les résidents des environs de la déchetterie de Naamé avaient déjà barré la route d’accès au site. Ce lieu d’enfouissement, ouvert en urgence en 1998, devait fermer en 2001. Mais il a continué à fonctionner jusqu’à la saturation, menaçant la santé des habitants voisins, sans parler de l’odeur étouffant leur quotidien. Les autorités s’étaient récemment engagées à fermer la décharge à l’été 2015. Face à leur inaction, les manifestants ont de nouveau bloqué l’accès au site, entraînant sa fermeture une bonne fois pour toute. 

« Nous sommes un petit pays, la gestion des ordures ne devrait pas être si problématique », déplore Joey Ayoub. Selon lui, ce n’est pas la volonté qui manque ni les initiatives. Et de citer le « Zero Waste Act », un programme qui, moyennant le versement d’une redevance mensuelle, prévoit la collecte des déchets recyclés. Mais le principe du recyclage est encore étranger à la mentalité libanaise, affirme le militant, pour qui le pays ne recyclerait que 6 % environ de ses déchets.

C’est pour cette raison que le mouvement s’attache à sensibiliser l’opinion sur l’importance du recyclage pour remédier à la crise des ordures ménagères. « Nous commençons à peine à recycler », indique Rabie Batchiche, qui travaille dans le secteur de la restauration à Beyrouth depuis de nombreuses années. Le recyclage est selon lui au cœur du problème des ordures ménagères. Les gens ne trient pas leurs déchets par manque d’habitude ou parce qu’ils ne comprennent pas en quoi le recyclage est important. Mais Rabie Batchiche est convaincu qu’ils s’y convertiraient s’ils étaient davantage informés et s’ils disposaient de plus de bacs pour les déchets recyclables.
 
Au-delà de l’aspect environnemental et de la sensibilisation de la population au recyclage, il y a le problème sanitaire. Dès les prémices de la crise, le ministre de la Santé, Waël Abou Faour, a mis en garde contre les dangers pour la santé publique, en signalant que d’autres décharges allaient bientôt atteindre leur capacité maximale. Il a appelé à une intervention décisive du gouvernement. Aujourd’hui, des tas de déchets sont brûlés et l’on commence aussi à s’inquiéter des effets de ces émanations toxiques sur la population.

« Le problème des ordures a été le point de bascule, c’est ce qui a fait prendre conscience aux gens que leur santé était directement menacée », explique ce jeune homme de 27 ans qui a participé à toutes les manifestions et souhaite préserver son anonymat. Optimiste quant aux effets du mouvement, il estime que celui-ci devrait s’en tenir à la crise des déchets, car ses objectifs sont clairs en ce qui concerne cet aspect. 
 

Hayat Chaaban
Hayat Chaaban est plutôt préoccupée
par l'accumulation des ordures à Akkar


Hayat Chaaban se dit quant à elle préoccupée par le destin des ordures, et en particulier par le sort du Akkar, « une magnifique région du nord du Liban qu’ils vont transformer en poubelle ! ». En colère, la jeune graphiste de 20 ans a créé une image représentant le Liban sous la forme d’un sac poubelle noir. Sa création, devenue rapidement virale, est désormais utilisée par les partisans du mouvement. Au-dessous de l’image, un seul mot : « Honte ! ». L’image de Hayat Chaaban n’est pas un cas unique : le mouvement de protestation a donné naissance à de nombreuses productions similaires.
 
La montée des manifestations s’est cependant accompagnée de heurts violents, bien que les organisateurs du mouvement insistent sur son caractère pacifique. « Nous n’attaquerons pas, mais nous nous protégerons », affirme Joey Ayoub, en ajoutant que la violence ne sera jamais admise au sein du collectif.
 
Tandis que s’intensifie la pression de l’opinion en faveur d’une résolution de la crise, les générations plus âgées ont commencé à prendre part au mouvement initié par les jeunes, et l’on assiste aujourd’hui à une mobilisation considérable. Alors que le collectif avait réuni une vingtaine de personnes le 21 juillet, ils étaient 6 000 à rejoindre la cause le 8 août, et 40 000 le 23, selon Joey Ayoub. Il s’agit à présent d’un mouvement rassemblant des citoyens libanais de divers horizons et qui appellent leur gouvernement à s’engager sur le long terme. « Nos revendications sont claires : nous voulons une solution durable », conclut le militant. « Personne n’a envie d’avoir des ordures devant sa porte. » 


Auteurs

Christine Petré

Rédactrice en chef du site web "Your Middle East"

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