Afin que toutes et tous apprennent, nos systèmes éducatifs doivent accueillir les apprenants handicapés

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Il faut promouvoir des opportunités d’apprentissage pour tout enfant et tout jeune vivant en situation de handicap.  (Photo: Masaru Goto / World Bank)

À l’heure où les éducateurs poursuivent des approches inclusives dans leurs établissements scolaires un peu partout dans le monde, on se doit de reconnaître que ces même éducateurs peuvent par inadvertance exclure les personne sourdes et malentendantes de leurs programmes d’enseignement général.
 
Selon la Fédération mondiale des sourds, sur les 70 millions de personnes sourdes dans le monde, 56 millions n’ont strictement aucun accès au système éducatif. Cette exclusion est ressentie de manière plus aiguë par les femmes et filles sourdes et par les personnes sourdes habitant un pays en développement.
 
Et l’exclusion sociale, de façon générale, fait partie intégrante de la crise d’apprentissage qui préoccupe fortement la Banque mondiale.


Le handicap et la surdité se recoupent
Au cours de l’année scolaire 2014, quelque 263 millions d’enfants et de jeunes âgés de 6 à 17 ans étaient déscolarisés. On estime que, parmi les déscolarisés de l’enseignement primaire, un tiers vivait en situation de handicap.

Les personnes sourdes et malentendantes sont considérées comme handicapées dans la mesure où leur environnement langagier ne leur est pas accessible par voie visuelle. Les personnes sourdes appartiennent à la fois à la communauté handicapée et à une minorité culturo-linguistique. Les élèves sourds réussissent le mieux lorsqu’ils sont placés dans un environnement bilingue ; on leur enseigne en langue des signes et ils apprennent aussi à lire et à écrire la langue nationale ou locale. À l’heure actuelle, seul deux pour cent des enfants sourds du monde reçoivent un enseignement formel en langue des signes.
 
Un apprenant sourd ou malentendant peut être inclus « physiquement » mais exclus « académiquement »

Katherine (Katie) Giles, experte en développement social de la Banque mondiale, a partagé son histoire personnelle avec les directeurs et autres collègues du Pôle Éducation.  Elle nous a raconté son parcours scolaire en tant que personne sourde résidant aux États-Unis.
 

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Katie Giles partage son histoire personnelle avec ses collègues de la Banque mondiale. (Photo: Clement Hacket)

« Enfant, j’ai perdu progressivement le sens de l’ouïe. J’ai été scolarisée dans un programme d’enseignement « général » où l’on employait la langue parlée. J’y ai eu une scolarité « réussie » : j’ai eu de très bonnes notes et je me suis engagée dans des activités sportives et sociales.
 
« J’ai pu réussir ma scolarité même dans un programme d’enseignement général en partie parce que j’ai eu à la maison un environnement langagier adapté à mes besoins.  Ma mère, qui est aussi malentendante, est éducatrice spécialisée maintenant à la retraite. J’ai été élevée dans une famille bilingue (langues des signes américaine et anglais écrit), avec une mère bien outillée pour défendre mes intérêts.  Ma mère, comprenant également toute l’importance de la lecture et de l’écriture, m’a appris à lire et à écrire avant même que je n’entre à l’école.
 
« Ceci étant, je n’ai commencé vraiment à m’épanouir que lorsque j’ai été admise à l’université dans un programme bilingue. Tout au long de ma scolarité primaire et secondaire, mes potentialités scolaires et sociales se réduisaient progressivement. En sortant du lycée, j’étais épuisée et peu motivée. C’est à l’université Gallaudet, seule université au monde conçue comme un espace sans obstacles pour les étudiants sourds et malentendants, que j’ai découvert réellement que les études pouvaient être faciles… et remplies de bonheur.
 
« Rien qu’en me trouvant plongée dans un environnement bilingue, j’ai pu puiser en moi-même une énergie nouvelle et une passion pour les études. À Gallaudet, où les camarades de classe, conseillers, professeurs et administrateurs partageaient avec moi langue et culture, j’ai vite senti se développer en moi un vrai plaisir d’apprendre. Dès l’obtention d’une licence en travail social, je me suis tout de suite inscrite dans une maîtrise en développement international et en administration publique. Je ne m’étais jamais crue capable de poursuivre un tel rêve, jusqu’au jour où je me suis trouvée dans un environnement académique réellement bilingue. »
 
En développant un système d’éducation inclusive, nous devons prendre des décisions sur la base du vécu de l’apprenant. Les responsables du secteur de l’éducation sont obligés de se poser la question : comment assurer à tout apprenant l’égalité des chances ?
 
L’implication de la famille et de la communauté est primordiale
 
L’enfant sourd inscrit dans un programme d’enseignement général est souvent confronté au rejet et à l’exclusion sociale. Plus d’environ 90 pour cent des enfants sourds naissent de parents entendants, et souvent leur enfant est la première personne sourde que les parents aient connue. L’incapacité des parents à communiquer avec leur enfant sourd en langue des signes peut saper la confiance de l’enfant et le désavantager au moment où il commence l’école.
 
Une approche multisectorielle est nécessaire pour la création d’un système d’éducation inclusive qui assure l’accès, la participation et la réussite à toutes et à tous. Il s’agit vraiment d’une initiative de développement humain qui offre le meilleur soutien possible aux directeurs, aux enseignants et aux autres personnels scolaires.
 
Aussi nécessaires sont la collaboration et la coopération entre les départements gouvernementaux : éducation, santé, affaires sociales, emploi et autres, tout comme un partenariat avec les familles, les communautés et les organismes non gouvernementaux (y compris les associations regroupant les personnes vivant en situation de handicap).
 
Mettons l’élève au cœur de ses apprentissages

Dans la majorité des pays, les « écoles spécialisées » voient changer leur vocation à mesure que les systèmes d’éducation inclusive se développent. Selon l’édition 2016 du Rapport mondial de suivi sur l’éducation de l’Unesco, 40 pour cent des élèves handicapés étaient, au cours de l’année scolaire 2014, inscrits dans une école spécialisée.
 
Les programmes d’enseignement général sont parfois incapables d’accueillir des élèves handicapés tout simplement parce qu’il n’y a pas parmi le personnel enseignant suffisamment de spécialistes (ex. enseignants spécialisés, psychologues scolaires, phoniatres ou orthophonistes) et/ou parce que les salles de classe et autres bâtiments scolaires ne sont pas correctement adaptés. Par conséquent, une grande proportion d’enfants handicapés d’âge scolaire est exclue.

Les enfants handicapés qui parviennent à être inscrits à l’école peuvent se retrouver avec un soutien scolaire inadéquat, ce qui peut signifie qu’ils sont certes physiquement présents en classe mais sont en réalité exclus des processus d’apprentissage et de socialisation. Comme le montre l’histoire que Katie nous a racontée, les modalités d’exclusion face à un enfant handicapé sont multiples. Par exemple, le fait de fournir un interprète à l’élève sourd ne garantit pas forcément qu’il soit en mesure de forger des liens sociaux avec ses camarades de classe.
 
Les bonnes pratiques peuvent nous servir

Il n’existe pas de « recette » pour rendre un système éducatif mieux à même d’accueillir tout enfant. Et pourtant on peut tirer des leçons dans toute une gamme de bonnes pratiques innovantes. Au Kenya, le ministère de l’éducation a créé un programme intéressant qui est conçu pour être mis en œuvre dans des établissements d’enseignement général ; tous les élèves, qu’ils soient sourds ou entendants, reçoivent un enseignement bilingues, et ce, afin que la salle de classe ne soit plus un espace d’inégalités pour la minorité culturo-linguistique que forment les élèves sourds.
 
La Banque mondiale se prépare à lancer le tout nouveau Rapport sur le développement dans le monde: apprendre pour réaliser la promesse de l’éducation. Ce rapport pose des questions brûlantes : Tous les élèves acquièrent-ils les savoirs et connaissances dont ils ont besoins pour s’épanouir ? Si non, pourquoi ? Qu’est-ce que les gouvernements peuvent faire pour que tout enfant et tout jeune réussissent leur scolarité ?
 
Au moment où nous renforçons notre engagement en faveur de l’éducation inclusive tout au long de la vie, nous nous devons de considérer sérieusement la situation des enfants et jeunes handicapés afin qu’eux aussi aient accès à une éducation de qualité.

Pour plus d’informations sur l’éducation au Groupe de la Banque mondiale, visitez notre site web et notre compte Twitter.

SVP visitez notre site sur le thème du handicap.

Auteurs

Charlotte McClain-Nhlapo

Conseillère pour le handicap à la Banque mondiale

Katherine Nicole Giles

Katherine (Katie) Giles Bean, Consultant, Office of the Global Disability Advisor in the Social, Urban, Rural, and Resilience (GP SURR)

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