Transparency International publie ce jour Rapport mondial sur la corruption : Education, avec un message sans ambiguïté : quand l’éducation est touchée par la corruption, les pauvres et les classes défavorisées souffrent le plus. Alors que nous avons en ligne de mire la fin de la pauvreté et le partage de la prospérité à l’horizon 2030, l’éducation occupe une place primordiale dans la réalisation de ces objectifs. Or la corruption sape un objectif tout aussi crucial : celui de parvenir à faire en sorte que tous les enfants puissent aller à l’école et apprendre.
Si la corruption entrave toutes les initiatives de développement, elle est particulièrement délétère dans le secteur éducatif. Dans ma contribution à ce rapport, je souligne les conséquences néfastes de ce phénomène au niveau de l’une de ses dimensions les plus importantes : l’absentéisme des enseignants. Des éléments tangibles confirment l’étendue de ce fléau dans de nombreux pays où il a pour résultat de dilapider les ressources financières et d’hypothéquer l’avenir des élèves.
L’absentéisme des enseignants est l’une des formes de corruption les plus graves dans le secteur de l’éducation. S’il existe de nombreux motifs d’absences qui sont recevables, certaines absences sont clairement immotivées, notamment lorsque l’enseignant manque à l’appel parce qu’il cumule un deuxième emploi informel. Et même parmi les absences autorisées, certaines peuvent témoigner d’une inefficacité et d’une corruption en amont sachant que, bien souvent, les responsables comptent sur les enseignants lors des campagnes électorales.
En raison de ces défections en masse (quelle que soit leur motif), le système faillit à sa mission envers les enfants. Même quand il n’est pas lié à la corruption, l’absentéisme des enseignants est préjudiciable à l’apprentissage des élèves.
Dans les pays en développement, le phénomène atteint des niveaux scandaleux. Le taux d’absentéisme varie entre 11 % et 30 % chez les enseignants du primaire. En Ouganda, il se situe à 27 % et les enseignants, même quand ils sont présents, sont nombreux à ne pas faire classe. En Équateur, 53 % des absences sont non justifiées.
Au Bangladesh, les principaux motifs d’absence sont les « obligations scolaires officielles », suivis des « congés légaux ». En Inde, les absences validées par la hiérarchie (congés annuels ou maladie entre autres) ne représentent que 10 % de l’absentéisme tandis qu’en Indonésie les congés maladie et réglementaires expliquent l’absence d’un tiers des enseignants. Mais qu’importe le motif, les vrais perdants, ce sont les élèves qui aspirent à être éduqués, mais sont finalement privés de toute instruction.
Ce phénomène induit un gaspillage des dépenses à hauteur de 25 % pour le primaire, soit 16 millions de dollars par an en Équateur et deux milliards de dollars par an en Inde. Par ailleurs, un temps d’enseignement réduit porte préjudice à la qualité globale de l’éducation. Ce gaspillage financier affecte les élèves de milieu défavorisé pour qui l’école est la seule voie vers un progrès économique et social.
Sur le plan des solutions, rien ne permet de démontrer qu’une meilleure rémunération se traduit par une plus grande présence en classe. Le taux d’absentéisme des enseignants sous contrat est identique, voire supérieur. Les enseignants du privé sont moins absents que ceux du public, même si leur rémunération est très inférieure à leurs collègues du public (de même que celle des enseignants contractuels).
En revanche, on observe que l’absentéisme est moins fréquent lorsqu’il existe un encadrement formel et des mesures disciplinaires. Le taux d’absentéisme est moindre dans les écoles où la probabilité d’une inspection est plus importante. Des travaux montrent que, dans les écoles où les directeurs prennent des sanctions, par exemple, le taux de présence tend à être plus élevé.
Une meilleure supervision des établissements scolaires pourrait faire baisser la corruption, notamment par la tenue d’un registre des professeurs absents, le renforcement des inspections et l’accroissement de la qualité et du volume des audits. On peut par exemple imaginer l’embauche d’un tiers chargé de suivre l’assiduité des enseignants. Cette personne pourrait récompenser les plus assidus ou pénaliser les plus absents.
Pour lutter contre l’absentéisme des enseignants, voici les axes de travail qu’il faudra développer en priorité : l’accroissement de la surveillance, la poursuite des études sur le sujet et la mise à disposition de données comparables afin de pouvoir analyser la situation dans différents pays, sans oublier la nécessité de conduire des expérimentations supplémentaires et une évaluation des approches positives. La communauté mondiale ne parviendra pas à promouvoir l’apprentissage pour tous ni à éradiquer la pauvreté si les élèves se présentent dans une salle de classe vide…
Suivez l’équipe de la Banque mondiale qui se consacre aux questions de l’éducation sur Twitter @WBG_Education.
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