Le ministre indonésien de l'éducation et de la culture a annoncé récemment le lancement d'une campagne visant à étendre la durée de l'enseignement obligatoire de 9 à 12 ans. Derrière cette annonce on peut déceler un souci de pouvoir profiter dès maintenant de la situation démographique du pays.
A la différence de beaucoup de pays de la région, l'Indonésie est encore « jeune » car ayant un tiers de sa population en dessous de l'âge de 14 ans. Ces enfants représentent un atout majeur car, une fois insérés dans le marché du travail, ils contribueront à augmenter le revenu moyen par habitant avant que la population ne commence à vieillir et que, en conséquence, le taux de dépendance des personnes âgées ne commence à s'alourdir. Afin donc de pouvoir profiter de ce « dividende démographique », l'Indonésie est tenue de fournir à ceux que le ministre nomme la « génération dorée » la possibilité de poursuivre ses études jusqu'à la fin du cycle d'enseignement secondaire qualifiant.
Quelle est l'envergure du défi ?
Rendre obligatoire un cycle d'enseignement scolaire ne signifie pas grand'chose à moins que le pays ne possède des établissements scolaires en nombre suffisant et que tous les ménages n'aient les moyens d'y envoyer leurs enfants. Selons les estimations, il faudrait 6,4 millions de places supplémentaires, surtout dans l'enseignement secondaire qualifiant, pour pouvoir accueillir tous les enfants âgés de 7 à 18 ans. Si le gouvernement s'engage à fournir la moitié seulement de ces places (la capacité d'accueil existante est partagé également entre le secteur public et le secteur privé), un calcul approximatif suggère que le coût d'investissements en infrastructure (salles de classe, enseignants et autres intrants éducatifs) s'élèverait à environ 60.000 milliards de rupiahs (ou 6.000 milliards de dollars).
Ceci étant, mettre en place l'infrastructure ne suffira pas.
La plupart des enfants qui abandonnent leur scolarité avant la fin de l'enseignement secondaire sont issus des ménages les plus pauvres. Ces familles vivent d'un revenu annuel moyen d'environ 10 millions de rupiahs (ou 1.000 dollars) et auront du mal à payer les frais annuels moyens d'un enseignement secondaire qualifiant, qui sont estimés à 2 millions de rupiahs (ou 200 dollars). Le ministère compte élargir les programmes existants pour pouvoir venir en aide aux élèves pauvres et nous estimons que cet appui financier ajoutera encore 8.000 milliards de rupiahs (800 millions de dollars) aux coûts de la campagne. En tout, le coût global d'une prolongation de la durée de l'enseignement obligatoire de 9 à 12 ans correspondrait à 20 pour cent du niveau des dépenses que le gouvernement consacre actuellement à l'éducation.
L'Indonésie pourra-t-elle régler la facture?
En conformité avec la constitution du pays, le gouvernement est déjà obligé de réserver 20 pour cent du budget national pour les dépenses de l'éducation. Il est peu probable que le ministère des finances accepte d'aller au-delà de cette obligation. Il existe par ailleurs beaucoup d'autres demandes pesant sur le budget de l'éducation. Un programme qui fait passer le salaire d'un enseignant, une fois certifié, du simple au double a déjà mis le budget sous pression et cette pression ne fera qu'augmenter au fur et à mesure que la cible d'une certification universelle est atteinte. La qualité de l'enseignement fondamental demeure insuffisante et le gouvernement est tenu donc de continuer à investir davantage dans ce cycle afin d'améliorer les acquis scolaires de base. Au vu de tout cela, l'Indonésie est-elle en mesure de financer ses engagements et le ministère des finances peut-il éviter ce que certains experts en éducation locaux appellent le « dépôt de bilan » ?
Il faudra commencer par s'attaquer aux grandes dépenses où on pourrait améliorer de façon significative le rapport qualité-prix... pour pouvoir ensuite payer le prix d'une extension massive de l'offire.
Une bonne partie de l'infrastructure existante n'est pas exploitée de manière efficiente. Par exemple, 20 pour cent des écoles primaires indonésiennes n'ont pas plus de 90 élèves. Dans ces écoles, les enseignants ont des classes ayant en moyenne 10 élèves. Certains prétendent que ce faible taux d'exploitation est le résultat tout simplement de la faible densité de la population dans les zones reculées (par exemple, dans les villages isolés des zones montagneuses de Papouasie), mais en fait plusieurs des écoles peu exploitées se situent dans des zones fortement peuplée (ex. 39 pour cent des écoles primaires de Java oriental, une des provinces ayant la densité de population la plus élevée d'Indonésie, ont moins de 120 élèves).
Le taux d'exploitation des salles de classe a une incidence sur le taux d'exploitation du personnel enseignant.
Le taux d'encadrement en Indonésie est parmi les plus faibles du monde et se situe bien au-delà du taux qui est à même d'assurer une bonne qualité d'éducation. Lors de notre dernière étude sur les dépenses publiques (Banque mondiale 2013), nous avons estimé que réduire le taux d'encadrement à la moyenne internationale aboutirait à des économies correspondant à environ 10 pour cent du budget de l'éducation. Ceci n'implique pas la fermeture d'écoles et le renvoi d'enseignants. Un programme de reconversion d'enseignants et d'écoles, l'objectif d'un enseignement obligatoire d'une durée de 12 ans pourrait être faisable.
Il est devenu urgent de redoubler d'efforts en faveur de la qualité des apprentissages afin de satisfaire la demande croissante de nouvelles compétences dans la population active et de stimuler par là la croissance future de l'Indonésie
C'est un vrai défi que de pouvoir mobiliser les ressources nécessaires pour financer ces améliorations spécifiques tout en poursuivant les investissements ayant pour objectif le renforcement du secteur de l'éducation de manière générale. Ceci dit, sans ces ressources, le ministre ne sera pas à même de réaliser sa vision d'un système éducatif qui mène la jeunesse indonésienne vers un avenir meilleur.
Suivez l'équipe « Education » de la Banque mondiale : @WBG_Education.
Related links
Prenez part au débat