Sept recommandations pour mieux mener votre recherche sur le terrain

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Un élève interrogé par une recenseuse à Wewak, Papouasie-Nouvelle-Guinée.  (Photo: Kabira Namit / World Bank)


Vous comptez donc vous lancer dans des travaux de recherche sur le terrain ! Qu’il s’agisse d’un essai randomisé contrôlé ou d’une analyse quasi-expérimentale, j’espère que les conseils suivants vous seront utiles…
 
Consacrez le temps et l’effort nécessaires pour recruter et former vos recenseurs. Quelqu’un a dit une fois que la formation des recenseurs est pour 95 pourcent dans la réussite d’une étude menée sur le terrain. À mon avis, ce chiffre sous-estime l’importance de cette phase critique ! L’enthousiasme et la ténacité des recenseurs peuvent avoir un effet multiplicateur sur les efforts consentis lors de l’élaboration du plan de recherche, tout comme le manque d’enthousiasme et de ténacité peuvent les anéantir. En règle générale, il faut au moins une semaine pour former les recenseurs et leur faire tester l’instrument.  Il est bon également de rappeler aux recenseurs l’ambition de l’étude : notre travail commun vise à améliorer, même à petite échelle, les résultats scolaires des enfants de par le monde… et on se doit d’en être fier.  Les étudiants universitaires, encore aux études ou fraîchement diplômés, font d’habitude d’excellents recenseurs, car ils ont encore une passion pour le voyage et les nouvelles découvertes, se sentent plus à l’aise avec les appareils technologiques, sont mieux à même de supporter le travail ardu et peuvent marcher les trois heures supplémentaires qu’il faut pour parvenir à l’école qui, tirée au sort, se trouve au fin fond du territoire. 
 

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Une école à Montserrado, au Liberia, où on a mené des enquêtes. (Photo: Kabira Namit / World Bank)


Prenez le temps qu’il faut pour bien tester l’instrument. Peter Behrens, figure marquante du canon moderniste, a notamment déclaré que « moins donne plus. » Cet adage est valable peut-être dans l’univers du design, mais ne s’applique absolument pas aux études de terrain. Une fois l’instrument élaboré et les recenseurs formés, l’instrument doit être testé sur le terrain même. Ceci permet de valider les questions et d’ajuster l’agencement et le débit de l’enquête. En règle générale, il faut deux phases pilotes… et suffisamment de temps entre les deux phases pour modifier l’instrument et s’assurer que les recenseurs soient au fait des modifications. Je suggère d’organiser un atelier à la fin de chaque jour des phases pilotes pour avoir les observations des recenseurs. Il vaut mieux tester l’instrument dans la localité ciblée par l’étude, sans, bien sûr, aller dans un établissement sélectionné pour l’enquête définitive.
 
Utilisez des tablettes pour la collecte des données. L’espérance de vie d’un chercheur principal a été écourtée de quelques années par la pénibilité du travail qui consistait à saisir électroniquement des données qui avaient été collectées sur papier. Il fallait saisir les données à deux reprises et la résolution des incohérences tournait souvent au cauchemar. Et cela, sans compter que les données version papier pouvaient être perdues, endommagées ou même volées avant la saisie électronique. La seconde saisie – électronique celle-ci – pouvait durer des semaines ou des mois ; moi-même, j’attends toujours le fichier électronique de données qui avaient été collectées sur papier en février dernier. Il était par ailleurs impossible de s’assurer que les recenseurs obtiennent une réponse à toutes les questions obligatoires ou de délimiter le champ de certaines questions pour produire un ensemble de données propre.
 
L’arrivée de la tablette a tout changé. À condition que votre échantillon soit suffisamment grand, l’utilisation de tablettes est d’habitude plus rentable et coûte moins cher à long terme. Les données peuvent être collectées même lorsque la tablette est hors connexion et téléchargées en temps réel. Au terme de chaque cycle de téléchargement vers le serveur central, vous pouvez, en tant que chercheur principal, contrôler les données et tenir les chefs d’équipe au courant de toute tendance à laquelle il faut prêter attention.  Puisque les données sont plutôt propres au moment où vous les recevez, vous pouvez consacrer l’essentiel de votre temps et vos efforts à l’analyse. Il existe sur le marché des centaines de bonnes plates-formes d’enquête en source ouverte. Survey Solutions de la Banque mondiale et Kobo Toolkit de la Harvard Humanitarian Initiative sont toutes les deux d’utilisation conviviale et ont une interface permettant à l’usager nouveau de construire facilement son questionnaire.
 
Employez une police de caractères qui soit facile à lire. Si votre enquête comporte une évaluation des capacités en lecture, il est essentiel de choisir une police qui facilite la reconnaissance de lettres, de mots et de passages entiers. Cette considération peut paraître bénigne, mais vous risquez de vous retrouver devant une multitude d’enfants perplexes dans le cas où la police que vous utilisez ne correspond pas à celle qui figure dans les manuels scolaires. En particulier, les caractères « a », « q » et « t » de Calibri ou d’Arial sont très différents de ceux de l’écriture cursive que ces enfants apprennent en classe. Dans les évaluations de lecture, je préfère employer la police Microsoft Chalkboard.

« Exercez une vigilance constante ». Le conseil que Barty Crouch Jr. a donné à Harry Potter et à ses camarades de quatrième année au collège Hogwarts vaut aussi pour les chercheurs. Si vous voulez que votre recherche sur le terrain soit de bonne qualité, il faut suivre de près la collecte des données du début jusqu’à la fin. L’utilisation de tablettes vous aidera en cela, car l’heure et le lieu sont automatiquement enregistrés lors de la collecte de données, ce qui empêche que les « données » soient saisies à trois heures du matin au domicile du recenseur à Accra pour une enquête qui est censée être menée dans le Haut Ghana oriental.  Je conseille tout de même des visites de site à l’improviste. Organisez un suivi hebdomadaire avec vos chefs d’équipe et envoyez toutes les semaines une note de remerciements à chacun des recenseurs.

Établissez un bon rapport avec le ministère de l’éducation et ses services déconcentrés. Bien qu’il faille veiller à la neutralité et à l’impartialité de votre recherche, le soutien du ministère de l’éducation est essentiel au succès de votre entreprise. Obtenez des garanties de ce soutien de la part du ministère dès le début ; à cet égard, une lettre de validation paraphée par le secrétaire général est nécessaire mais insuffisante. Faites un exposé sur la conception de l’étude devant les différents acteurs du ministère et invitez-les à assister aux sessions de formation de recenseurs et à participer aux visites de suivi de sites. Une note de synthèse hebdomadaire, envoyée à vos partenaires du ministère et des services déconcentrés, est aussi très utile.

Réfléchissez pour en tirer les leçons. Vous êtes sur le terrain, en train de naviguer en pirogue dans des eaux infestées de crocodiles ou en quad le long de pistes boueuses.  Vous rencontrez élèves et enseignants venus d’ailleurs, dans l’espoir de pouvoir, même un tout petit peu, améliorer leur vécu scolaire. Soyez conscient tout d’abord que la plupart des gens n’ont pas la chance de partager de telles expériences. Les tasses de chai peuvent attendre que vous soyez de retour dans votre bureau, accaparé par les heures d’analyses et les interminables boucles STATA.  Le moment présent est à la réflexion et à la recherche d’enseignements.  Au-delà des leçons autrement importantes, vous allez apprendre à jouer à au moins une douzaine de jeux d’osselets ou de cailloux… et je peux vous recommander quelques experts ! 

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Un jeu de cailloux dans les mains d’expertes à Wewak, Papouasie-Nouvelle-Guinée. (Photo: Kabira Namit / World Bank)


Avec l’aide de l’équipe de la Banque mondiale au Liberia, Save the Children, Rich Jonet et Madhulika Khanna.

Pour plus d’informations sur l’éducation au Groupe de la Banque mondiale, visitez notre site web et notre compte Twitter.


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