L’accord de Paris sur le climat, conclu en 2015, a été précédé d’une analyse des données scientifiques et de la viabilité des mesures d’adaptation aux conséquences du changement climatique et d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre (GES). Si ces mesures s’intéressent en général aux conséquences de la réduction des émissions sur l’économie, les politiques publiques, la technologie et la durabilité du développement, elles s’attachent relativement peu aux implications d’un avenir sobre en carbone.
C’est pourquoi la Banque mondiale a décidé de se pencher sur cette question et de déterminer quels seraient les minéraux et les métaux pour lesquels la demande pourrait augmenter. Avec le rapport The Growing Role of Minerals and Metals for a Low-Carbon Future, qui s’intéresse à l’éolien, au solaire et au stockage d’énergie par batteries, la Banque donne à ce sujet la place qu’il mérite dans le dialogue actuel sur le changement climatique.
S’appuyant sur les scénarios climatiques et technologiques élaborés à partir des Perspectives des technologies de l’énergie de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la Banque mondiale a réalisé un ensemble de projections de la demande de produits de base jusqu’en 2050. Nous avons utilisé pour ce faire les meilleures estimations concernant l’adoption de trois technologies discrètes et respectueuses du climat (l’éolien, le solaire et le stockage d’énergie par batteries), qui sont nécessaires pour satisfaire aux spécifications des trois scénarios de réchauffement de la planète, à savoir 20 C, 40 C et 6o C.
Ces technologies ne représentent qu’un sous-ensemble d’une palette bien plus large de technologies et de systèmes de transport de l’énergie qui seront nécessaires pour réduire significativement les émissions. Les constats auxquels nous avons abouti sont néanmoins fort intéressants.
Premièrement, et au risque d’en surprendre certains, les technologies respectueuses du climat nécessitent généralement davantage de métaux que les technologies plus polluantes. Deuxièmement, la demande de certains métaux critiques (métaux de base et terres rares) ne dépend pas seulement de l’intensité avec laquelle les technologies respectueuses du climat sont déployées dans le monde. Elle est également fortement tributaire des choix opérés entre diverses technologies. Autrement dit, la demande de métaux dépendra aussi des technologies éoliennes, solaires et de stockage par batteries qui s’imposeront sur le marché.
Le déploiement des technologies vertes reposera sur quelques terres rares critiques, telles que l’indium, le molybdène et le néodyme, mais divers métaux de base et précieux seront eux aussi très demandés dans un avenir sobre en carbone. Il s’agit notamment du cuivre, du lithium, de l’aluminium, de l’argent, de l’acier, du nickel, du plomb et du zinc.
Les pays qui disposent en abondance de ces métaux auront tout intérêt à savoir comment la demande va évoluer. Ainsi, nos recherches montrent que le Pérou, le Chili et (peut-être) la Bolivie joueront un rôle essentiel dans l’offre de cuivre et de lithium, de même que le Brésil pour la bauxite et le minerai de fer, ainsi que l’Afrique australe et la Guinée pour le platine, le manganèse, la bauxite et le chrome.
La Chine restera un acteur de premier plan, tant sur le plan de la production que du niveau des réserves, pour quasiment tous les métaux essentiels dans les différents scénarios de réduction des émissions de carbone. L’Inde occupe une place dominante pour le fer, l’acier et le titane, tandis que l’Indonésie, la Malaisie et les Philippines sont bien placées pour la bauxite et le nickel. Enfin, en Océanie, la Nouvelle-Calédonie dispose de réserves de nickel gigantesques.
L’intensification de l’extraction minière rend d’autant plus important le respect des pratiques durables dans ce secteur. Si l’on veut que l’avenir soit durable pour tous, il est impératif de bien gérer l’empreinte sociale, environnementale et carbone de l’extraction et de la transformation des minéraux et des métaux qui contribuent à un avenir sobre en carbone.
Les minéraux forment le « tissu du développement humain ». Lorsque la demande augmente, on enregistre des gains de développement humain. Que ce soit pour les écoles, les logements, les transports, l’alimentation ou les technologies de l’information, on a de plus en plus besoin des ressources minérales. D’après les prévisions allant jusqu’en 2040, la demande devrait exploser sous l’effet de la réduction de la pauvreté, de l’urbanisation et d’un accès facilité à l’énergie et à l’infrastructure physique. Il convient d’ajouter à cette liste l’introduction de nombreuses technologies bas carbone et grandes consommatrices de minéraux.
Le rapport The Growing Role of Minerals and Metals for a Low-Carbon Future a pour ambition d’encourager un dialogue plus ciblé et plus cohérent sur les opportunités et les défis que présente un avenir sobre en carbone pour l’industrie minière.
Même si ce n’est pas l’un de ses objectifs explicites, ce rapport présente l’avantage certain d’offrir un espace de dialogue entre les acteurs du secteur de la lutte contre le changement climatique, des énergies propres et des industries extractives. Ces acteurs ont toujours eu des relations polarisées et centrées sur leurs propres intérêts, ce qui se révèle contreproductif, en particulier lorsqu’il s’agit d’élaborer des politiques cohérentes pour l’action climatique et pour le développement durable.
L’exploitation des ressources naturelles vient appuyer, et non pas concurrencer, les efforts visant à rendre l’avenir plus vert et plus durable : tel est le constat qu’il faut maintenant diffuser et faire comprendre aux différents pays.
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