La situation d’Haïti au lendemain de l’ouragan Matthew est une histoire bien connue : davantage de chaos, de décombres et de pertes de vies humaines suite à une autre catastrophe naturelle. Bien que les améliorations récentes de l’infrastructure locale en Haïti aient permis de limiter le nombre de décès à 534 — 3 000 sont morts dans l’ouragan de 2004 et plus de 200 000 dans le tremblement de terre de 2010 — ce bilan reste encore beaucoup trop élevé.
Au niveau global, les catastrophes naturelles ont causé la mort de 1,3 millions de personnes de 1992 à 2012. Les tremblements de terres ont été responsables de 60 % des décès enregistrés dans les pays à faible et moyen revenu, où la prévalence des logements non conformes aux normes de construction augmente les risques de catastrophes. Aujourd'hui, 1,2 milliards de personnes vivent dans des logements précaires. En 2030, ce chiffre va presque tripler.
La bonne nouvelle est que la plupart de ces décès et pertes matérielles peuvent être évités. En 2003, par exemple, en l'espace de trois jours, des tremblements de terre de magnitudes similaires ont frappé Paso Robles en Californie et Bam en Iran. Bam a enregistré 40 000 morts, près de la moitié la population de la ville. Deux personnes sont mortes à Paso Robles.
Même lorsque qu’une catastrophe entraine la destruction des infrastructures, une bonne planification et la mise en place des mesures adéquates peuvent assurer un relèvement rapide. En 2005, en l'espace de quelques semaines après l’ouragan Katrina qui a inondé 80 % de la Nouvelle Orléans et endommagé 500 000 maisons (la catastrophe la plus coûteuse de l’histoire des Etats-Unis), les autorités avaient rapidement identifié les propriétaires des biens endommagés et évalué les pertes, ce qui a permis aux banques, aux compagnies d’assurance, aux entreprises immobilières et aux fournisseurs de services publics de disposer des informations nécessaires à la reconstruction. La ville a investi $ 14,5 milliards dans la construction d’un système de protection contre les ouragans et les inondations qui a créé des emplois bien rémunérés et contribué à la renaissance urbaine de la ville.
Qu’est-ce qui a fait la différence ? Un système de connaissances publiques capable de survivre aux catastrophes naturelles, c’est-à-dire des archives publiques documentées et facilement mises à jour qui permettent d’enregistrer les connaissances juridiques et économiques essentielles d’une société, telles que les documents d’identité, les cartes de cadastre, les plans d’urbanisme, les cartes de risques, l’inventaire de l’infrastructure routière publique, et les tires de propriétés privées. Ces informations et données fiables se trouvant dans ces archives publiques facilitent les transactions dans l’ensemble de l’économie : en effet, les autorités de la Nouvelle-Orléans ont rapidement récupéré les titres de propriété et ont déterminé quels citoyens étaient propriétaires (ou débiteur) de quels actifs, leur emplacement, ainsi qu’identifier ceux qui pouvaient être relocalisé rapidement. Ces informations ont également permis aux autorités d’identifier qui était solvable pour financer la reconstruction et comment assurer l’accès à l’énergie et l’eau potable pour les résidents à faible revenu.
En revanche, dans les pays en développement, les systèmes de connaissances publiques ont tendance à seulement inclure les informations économiques portant sur une élite minoritaire de la population. Toute stratégie viable ayant pour but de diminuer les pertes de vies humaines et la dévastation causées par les catastrophes naturelles, ainsi que d’assurer la reconstruction rapide pour stimuler la croissance économique doit mettre en place ou renforcer ces systèmes.
Par où commencer ? Nous proposons de se concentrant sur les trois mesures suivantes :
- Mettre en place des inventaires de biens publics et des cadastres simplifiés. Améliorer la gestion des biens publics pourrait entrainer des rendements supérieurs à l’investissement global dans le logement, transport, énergie, eau et communication combiné. Les inventaires de biens publics pourraient permettre aux autorités d’évaluer la qualité et les besoin en renforcement structurel (retrofitting) des hôpitaux, écoles et autres infrastructures publiques essentielles, ainsi que de libérer certains terrains destinés à la construction de logements sociaux. Les cadastres simplifiés pourraient aider les gouvernements locaux à percevoir les impôts permettant de financer des investissements pour la réduction des risques et la reconstruction. Les cadastres simplifiés pourraient également devenir la base pour l’octroi des titres de propriété officiels, une mesure importante qui contribuerait à l’autonomisation des femmes et la prévention de la violence familiale.
- Renforcement structurel (retrofitting) et formalisation des constructions informelles pour créer des marchés d’assurance. Bien que les nouvelles technologies permettent un processus de formalisation rapide et à des coûts moins élevés que précédemment, les constructions informelles non conformes aux normes de constructions sont souvent ignorées. Ceci rend difficile d’assurer ce type de constructions et rend les biens des résidents à faible revenu, ainsi que les finances publiques du pays, vulnérables aux catastrophes naturelles, en plus d’affaiblir les incitations aux investissements. Pour régler ce problème et garantir l’accès aux marchés de l’assurance privée, les bâtiments informels doivent être formalisés et structurellement renforcés pour résister aux tremblements de terre et aux inondations.
- Encourager les partenariats entre les autorités et le secteur privé pour l’amélioration des logements et des quartiers. Un rapport récent de la Banque mondiale montre comment, malgré leurs différences institutionnelles, politiques et économiques, huit villes d’Amérique Latine, Afrique, Asie et États-Unis ont trouvé des moyens d’utiliser leurs biens fonciers et leur pouvoirs règlementaires pour mobiliser les ressources privées et redynamiser des zones urbaines négligées.
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